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La Ferme Cadet Roussel vient d’adopter le nouveau concept de produire des légumes sans profit, en s’assurant que ses clients-partenaires paient entièrement les frais d’activité de la ferme et la rémunération des agriculteurs.
« On ne vend plus nos légumes. On demande aux gens de payer le coût de notre saison [d’avance] selon leur capacité financière. Nous ferons les récoltes, et les gens viendront prendre les légumes qu’ils ont besoin. C’est un changement de paradigme total », dit Anne Roussel, copropriétaire avec son conjoint, Arnaud Mayet, de cette ferme maraîchère située à Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie.
« Ça passe ou ça casse »
La ferme fonctionnait depuis des années avec la formule des paniers bio, où un abonné payait pour une certaine quantité de légumes qu’il recevait chaque semaine ou aux deux semaines. Si le couple n’a jamais eu l’ambition d’engranger des fortunes, les deux dernières années ont été trop difficiles financièrement pour continuer. L’an dernier, par exemple, avec 375 livraisons de paniers par semaine sur un objectif de 500 en début de saison, le couple savait que la rentabilité serait compromise. Anne a même ouvert une garderie à la maison pour accroître leurs revenus.
En 2024, les fonds étaient insuffisants pour permettre l’achat des semences et le fait que la terre appartienne à une fiducie foncière agricole limite la capacité d’emprunt de l’entreprise. Le changement vers un modèle d’affaires entièrement soutenu par la communauté est donc devenu une question de survie. « Il fallait changer. On s’est dit que ça passe ou ça casse avec le nouveau modèle », résume Anne.
Le couple a calculé que pour vivre humblement de leur ferme, arriver à payer leurs employés, les intrants et tous les frais, il leur fallait 625 000 $ pour la saison. Alors, ils ont proposé à leur clientèle de fournir les 625 000 $ et d’ainsi devenir des partenaires de la ferme. Ce concept sans profit et en simplicité prévoit que les gens qui ont peu de moyens donnent moins et que ceux qui sont plus fortunés donnent davantage. Les légumes sont ensuite partagés entre tous.
Avec émotion, l’agricultrice a écrit, le 24 avril, sur son site Internet que l’objectif de la ferme était atteint : 359 mangeurs de légumes et 11 généreux donateurs ont déjà avancé 610 000 $ soit 98 % des frais de la saison.
L’aventure commence
Les fonds sont donc suffisants pour cultiver tout l’été et nourrir les 359 personnes partenaires, estime Anne Roussel. Mais le fait d’offrir les légumes sans comptabiliser ce que chaque personne prend fait souffler un vent d’inconnu sur les agriculteurs.
« Les gens ne sauront pas trop combien prendre de légumes et nous ne savons pas trop combien il faudra en produire [de chaque variété] pour leurs besoins. C’est l’aventure! Mais pour les quantités, nous savons que des gens qui prennent peu de légumes ont donné beaucoup [d’argent] et des gens qui prennent beaucoup de légumes ont donné peu. Tout ça devrait s’équilibrer », mentionne-t-elle.
Dans ce concept de gestion communautaire, il était également difficile de dire aux gens combien donner financièrement. En guise de référence, la ferme a indiqué sur son site que les petits mangeurs de légumes pourraient donner environ 1 500 $; les moyens, 2 000 $; et les fous des légumes, 2800 $ pour la saison, en précisant qu’ils sont libres d’offrir moins ou plus.
Anne Roussel est consciente que ce concept, dans lequel les volumes de légumes ne sont pas définis, ne plaira pas à tous. « Il y a des gens qui seront gênés de prendre trop de légumes et ne vont pas aimer ce modèle », dit-elle.
Par contre, elle croit qu’il s’agit d’une excellente formule permettant à la population de soutenir entièrement une ferme, et ce, en toute transparence puisque la Ferme Cadet Roussel ouvrira ses livres comptables aux gens. Et de l’autre côté, le fait de pouvoir offrir des légumes à des personnes moins bien nanties demeure un élément très positif pour l’agricultrice. « Des gens me disaient qu’ils n’avaient pas assez d’argent, et je leur répondais : »Donnez ce que vous pouvez. » Parce que c’est ça, l’idée avec ce modèle. La communauté nous supporte et la ferme supporte aussi la communauté. »