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SHAWINIGAN – Les membres de la relève agricole ont profité de leur assemblée générale annuelle et de la présence du ministre de l’Agriculture du Québec pour lancer le mouvement #MaisToutVaBien, une campagne de communication qui veut passer le message au gouvernement et à la population, sur un ton ironique, que les producteurs agricoles de la relève souffrent.
« On a toujours tendance à dire que ça va bien en agriculture, mais non; je le vois, la réalité des jeunes qui sont censés être des passionnés et qui ne savent même pas s’ils pourront être encore en agriculture dans cinq ans. On lance une mobilisation sur les réseaux sociaux qui montre quelqu’un de la relève avec une phrase qui exprime les sacrifices qu’il fait, comme : »Ça fait deux ans que je n’ai pas pris de vacances », suivi de #MaisToutVaBien », souligne David Beauvais, le nouveau président de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ). Celui qui a démarré une ferme de brebis laitières en Estrie, en 2019, estime que l’agriculture vit présentement une grande période de défis, ce qui, intrinsèquement, le motive à s’impliquer davantage pour aider la collectivité agricole. « Le timing est là. Dans 10 ans, il va être trop tard pour s’impliquer dans la relève », dit-il, en marge de l’assemblée générale de la FRAQ, qui s’est tenue à Shawinigan, en Mauricie, le 15 mars.
« C’est quoi, le plan, Monsieur le Ministre? »
Les membres de la relève répètent plusieurs demandes au ministre de l’Agriculture depuis des années. Ils exigent notamment un meilleur soutien financier. Et comme le veut la tradition, ils avaient préparé une mise en scène pour attirer l’attention du ministre André Lamontagne, présent à leur assemblée.
Une succession de jeunes agriculteurs sont donc venus témoigner au micro du fait que, dans les conditions actuelles, leur ferme n’est pas rentable. Le ministre a pris chaque commentaire au sérieux. D’autant plus que ces producteurs de la relève ne jouaient pas un acte de théâtre; certains sont venus décrire leur situation avec des trémolos dans la voix et des larmes aux yeux. Un producteur de grains de la Mauricie a dit au ministre que sa ferme lui faisait vivre un stress financier important et qu’en six ans d’implication à la FRAQ, il ne voyait aucune évolution dans l’aide gouvernementale.
André Lamontagne a répondu que son équipe travaille à améliorer le sort des agriculteurs, mais les réalités différentes des nombreuses entreprises agricoles font en sorte qu’il n’existe, selon lui, aucune recette magique pour solutionner leurs problèmes. Alors qu’il parlait des programmes de soutien du revenu aux producteurs et des « bons outils » d’aide gouvernementale pour les accompagner, le ministre s’est fait couper par un jeune de la relève qui a affirmé : « On veut savoir ce que, concrètement, vous allez faire! »
Des appels à 2 000 fermes en grande difficulté
André Lamontagne a précisé qu’une stratégie a été établie avec La Financière agricole du Québec afin d’identifier toutes les entreprises agricoles en grande difficulté, soit environ 2 000 fermes, pour les contacter l’une après l’autre. Le ministre ne veut pas que les fermes « laissent de l’argent sur la table ».
L’objectif des appels consiste donc à vérifier si leur financement pourrait être plus optimal, ou si des entreprises pourraient obtenir davantage de l’ensemble des programmes. Le ministre a rappelé que la moyenne des sommes décaissées par la Financière pour soutenir les agriculteurs tournait autour de 440 M$ annuellement, alors que pour 2023, l’aide gouvernementale destinée aux agriculteurs québécois a bondi à 1 G$. « Ça veut dire […] que le système en place aide », a-t-il fait valoir. En entrevue avec La Terre, ce dernier a souligné que même si certains agriculteurs sont plus habiles que d’autres comme gestionnaires, il ne veut perdre aucune entreprise agricole, même celles dont les lacunes en gestion peuvent expliquer une partie de leurs problèmes de rentabilité.
Une taxe sur les produits étrangers aux normes inférieures
Parmi les sept résolutions à l’étude lors de l’assemblée générale de la Fédération de la relève agricole du Québec, l’une proposait de régler une fois pour toutes la fameuse question de la réciprocité des normes, en imposant simplement une taxe sur les aliments étrangers qui ont été produits selon des normes inférieures aux normes qui prévalent au Québec en matière d’environnement et de bien-être animal notamment. « On trouvait que ce serait plus facile pour le gouvernement de gérer une taxe sur les produits qui ne respectent pas les mêmes normes que nous [plutôt que de demander au gouvernement d’obliger les producteurs étrangers à respecter les normes canadiennes et québécoises]. Ça augmenterait le prix des produits importés qui ne respectent pas nos normes, ce qui encouragerait le consommateur à faire le choix des produits d’ici », explique Alex-Émilie Plourde-Leblanc, présidente de l’Association de la relève agricole de la Gaspésie–Les Îles, à l’origine de cette résolution. En tant que productrice ovine à New Richmond, celle-ci aime aussi l’idée, soumise par un autre groupe de la FRAQ, de redistribuer les recettes provenant de cette taxe aux producteurs agricoles d’ici afin de favoriser leur développement et leur compétitivité.
Julie Bissonnette revient sur son mandat
Après six ans comme présidente de la FRAQ, Julie Bissonnette explique que la relève agricole est à la mode, notamment auprès des politiciens. « Ils parlent de nous, ils nous font de la place, mais il va falloir que les actions suivent; on attend encore des améliorations de programme », dit l’agricultrice du Centre-du-Québec.
Au terme de son mandat, elle confie à La Terre qu’il n’a pas toujours été facile de constater la détresse de certains de ses membres tout en répétant, parfois sans résultats, les mêmes demandes aux décideurs. « Des jours, on sortait des rencontres en se disant qu’on n’avait pas gagné grand-chose, qu’on avait juste radoté. Mais il y a des choses qui ont fini par avancer, comme l’iniquité fiscale des transferts des fermes. Je me dis aussi qu’il y a autres choses sur lesquelles on a travaillé pendant des années qui vont peut-être rapporter dans 5 ou 10 ans », analyse celle qui n’avait pas de plan clair pour la suite de sa carrière politique en agriculture.