Maraîchers 24 mars 2024

La lumière infrarouge propulse la productivité des plants de poivrons

Une étude de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) à paraître en avril a permis de conclure qu’en augmentant la lumière infrarouge produite par les lampes DEL, il est possible d’augmenter de jusqu’à 72 % la productivité des plants de poivrons, de même que le goût des fruits. 

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a financé cette recherche qui vise à augmenter l’autonomie alimentaire du Québec durant la période hivernale.

En hiver, la période d’ensoleillement est plus courte et les rayons du soleil sont moins puissants. C’est ce qui fait qu’on ne peut pas produire de poivrons en serre durant cette période. On s’est dit qu’en manipulant la quantité de lumière infrarouge – ce qu’on peut faire avec certains types de DEL – on pourrait compenser cela et produire durant la période hivernale.

Tagnon Missihoun, chercheur et professeur agrégé au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR.

L’étude s’est tenue sur deux sites : en contexte de production réel, dans une zone des Serres Lefort (rachetées depuis par GenV), et en chambre de croissance, à l’UQTR. L’expérience en serres s’est déroulée sur six mois, entre octobre 2023 et mars 2024, et la recherche en chambre de croissance, sur trois mois.

Julie Monette

Pour ce faire, certaines lampes Sollum, dont il est possible de faire varier l’intensité de l’infrarouge, ont été utilisées. Les résultats se sont avérés concluants à plusieurs égards, selon le chercheur, en ce qui concerne le niveau de croissance, le goût des aliments et le volume d’aliments produits. 

Ainsi, les plants de poivrons avec un niveau de 15 % de lumière infrarouge – la lumière normale étant à 5 % – ont produit jusqu’à 72 % plus de fruits sur certains plants (en poids). Les plants ont aussi crû de 50 % de plus en hauteur et les poivrons ont été plus sucrés de 5 à 7 %. Les résultats de l’étude sont comparables en serre ou en chambre de croissance. « En fait, pour la croissance en chambre fermée, sky is the limit. Nous avons dû arrêter la production parce qu’on était rendu au plafond », dit Tagnon Missihoun.

Selon le chercheur, on peut envisager des résultats similaires avec une panoplie de légumes. « Une étude hollandaise a montré des résultats comparables sur la croissance des plants de tomates », rapporte-t-il. 

GenV ne compte pas pour autant changer la totalité de ses lampes. « Les poivrons poussaient sans éclairage. Quand viendra le temps de changer d’éclairage du HPS au DEL, nous allons commencer par faire remplacer les lampes des cultures qu’on éclaire déjà, dans le concombre ou la laitue », explique Julie Monette, directrice de l’agronomie pour GenV. Cela dit, ce serait intéressant pour une entreprise spécialisée dans le poivron, croit-elle.

Par ailleurs, M. Missihoun recommande de tenir une autre étude, pour confirmer la reproductivité des résultats en serres.

Le chercheur Tagnon Missihoun. Photo : Gracieuseté de l’UQTR

Le chercheur Tagnon Missihoun. Photo : Gracieuseté de l’UQTR

L’enjeu de la chaleur 

À compter du 31 décembre 2028, les producteurs serricoles seront tenus, par voie de règlement, d’avoir fait passer toutes leurs lampes HPS (lampes à vapeur de sodium haute pression) au système DEL. Le chauffage est l’un des principaux enjeux liés à l’utilisation des lampes DEL, puisque, contrairement aux lampes traditionnelles HPS, elles ne produisent pas de chaleur. « Avec des lampes DEL, on devra chauffer un peu plus, mais comment, combien, avec quoi? » s’interroge Julie Monette, de GenV.

« Entre la réduction de la consommation énergétique des DEL et la consommation supplémentaire d’énergie pour se chauffer, dit Tagnon Missihoun, on pourrait se retrouver avec un impact nul sur la consommation totale. »

Le chercheur aimerait pouvoir éviter aux serriculteurs d’avoir à investir dans un système de chauffage. « On a des pistes de recherche pour du chauffage à partir de systèmes de lampes DEL, affirme-t-il. Mais ça nous prendrait des partenaires de l’industrie qui seront prêts à étudier ça avec nous. »