Actualités 10 octobre 2014

Le séchage des grains à la biomasse

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Tel que publié dans Grandes cultures

Un séchoir à grains alimenté à la biomasse plutôt qu’au propane, voilà un concept qui intéresse des producteurs.

En Europe, différentes compagnies proposent des technologies qui misent, par exemple, sur des générateurs à air pulsé combinés à des silos de séchage. Et certaines entreprises tentent présentement d’offrir ces produits en Amérique du Nord. « Nous développons la filière du chauffage à la biomasse et une compagnie nous a approchés pour distribuer des produits de séchage des grains. La demande pour ce type de système n’est toutefois pas très élevée. Plusieurs producteurs sont bel et bien intéressés par l’idée, mais lorsque nous mentionnons le montant des investissements requis, l’engouement tombe! » explique Louis Beauchemin, coordonnateur, Financement et énergies renouvelables aux Énergies Sonic. De fait, un séchoir à grains requiert un fort appel de puissance durant une courte période de l’année. Le coût des équipements, des infrastructures et leur installation peut largement dépasser les 500 000 $. Il devient alors difficile de rentabiliser l’investissement surtout lorsque le prix du propane se trouve à la baisse. « Un équipement de chauffage à la biomasse et son installation sont des investissements importants. Dans ces conditions, il est moins évident pour des producteurs de le rentabiliser uniquement pour sécher des grains. Par contre, s’ils s’en servent aussi pour chauffer des bâtiments, le concept peut devenir intéressant », fait remarquer M. Beauchemin, agronome de formation.

Quelques entreprises québécoises ont déjà installé un système de séchage des grains à la biomasse. Certains producteurs ont littéralement inventé leur propre concept! C’est le cas des Gauthier, de Saint-Théodore-d’Acton, en Montérégie. « Après avoir créé un système de brûleurs pour chauffer les poulaillers et les bâtiments, nous avons travaillé sur un système similaire pour la cabane à sucre. Sur le prototype de l’évaporateur, la chambre de combustion surchauffait! Nous l’avons redessinée en incorporant un système de refroidissement au glycol et un échangeur refroidi avec l’eau d’érable entrante. À partir de ce concept, nous avons ensuite développé les brûleurs et la chambre à combustion de la fournaise du séchoir à grains », explique François Gauthier. À vrai dire, les Gauthier ne font pas les choses à moitié; ils réalisent eux-mêmes les plans de leurs inventions à l’informatique et font découper les pièces métalliques au laser.

Huit millions de BTU

Le séchoir à grains de marque Law, d’une capacité d’environ 15 tonnes à l’heure, est alimenté par deux systèmes thermiques : soit un brûleur au propane de huit millions de BTU (British thermal unit) et quatre brûleurs à la biomasse totalisant également huit millions de BTU. Advenant un problème au système à la biomasse, le séchoir peut donc fonctionner entièrement au propane.

Le système à la biomasse mise sur quatre brûleurs, où deux ordinateurs contrôlent la soufflerie et l’approvisionnement en biomasse. Un ventilateur qui fonctionne avec un ancien moteur de 50 chevaux pousse l’air froid à travers une série de plaques métalliques situées au-dessus de la chambre de combustion pour ensuite aboutir directement dans le conduit d’entrée d’air du séchoir. Pour cet automne, la biomasse employée sera composée de granules de bois et de différentes semences déclassées. Après tout, pourquoi jeter du grain alors qu’il est un excellent combustible?

Le séchage des grains requiert environ 5 tonnes de semence déclassée et 2,8 tonnes de granules de bois par jour, en plus d’une certaine quantité de propane. Car pour l’instant, les brûleurs à la biomasse fournissent près de 85 % de la chaleur du séchoir, la balance étant assurée par le brûleur au propane. Le taux d’utilisation du propane pourrait diminuer si les agriculteurs-ingénieurs réussissent à accroître, par un nouveau ratio de poulie, le débit d’air qui circule entre les plaques.

Est-ce rentable?

« C’est un projet que nous avons complété à temps perdu sur deux ans. Nous n’avons pas compté nos heures, ni additionné le coût des matériaux! Nous l’avons fait avant tout par plaisir, en ayant déjà la base, c’est-à-dire la technologie de nos brûleurs, qui est brevetée, soit dit en passant », mentionne M. Gauthier. Ce dernier note cependant de réelles économies associées à la combustion de biomasse pour le séchage des grains. « Lorsqu’il fonctionne uniquement au propane, ce séchoir en consomme près de 4 000 litres en 16 heures. La facture monte vite! La biomasse de bois se révèle avantageuse, car elle nous coûte pratiquement trois fois moins cher. »

Les Gauthier achètent des granules de bois pur provenant de Saint-Félicien qu’ils payent environ 220 $ la tonne. Ils s’approvisionnent à l’occasion localement avec du bois recyclé compressé en granules, mais ce bois parfois sali ou contenant des impuretés crée des agglomérations de cendres, qui obligent les producteurs à dégager celles accumulées sur les brûleurs avec le timonier. Une opération qu’ils doivent alors effectuer presque aux 30 minutes. « C’est certain que pour un producteur qui veut un système de séchage 100 % autonome, la biomasse n’est pas faite pour lui. Même avec une biomasse de qualité, il faut passer le timonier une fois aux deux heures », soutient M. Gauthier, qui précise du même souffle que la qualité de la biomasse joue pour beaucoup. « Des granules de bois pur produisent 0,4 % de cendre, tandis qu’une matière de moindre qualité en crée de 2 à 4 %. C’est 10 fois plus! L’efficacité du combustible n’est également pas la même. »

Le système principalement développé par François Gauthier et son fils Dominique ne demande qu’un entretien minimal. « Si nous ne surchauffons pas pour faire crochir les plaques, l’entretien consiste à passer le balai! » commente M. Gauthier. À noter que le dispositif de refroidissement à l’eau n’est pas sous pression, ce qui élimine, au dire des concepteurs, l’obligation d’être approuvé CSA* (Canadian Standards Association). De plus, la prochaine génération des ordinateurs qui activent la soufflerie et les vis d’approvisionnement des brûleurs pourra être contrôlée à distance par l’entremise d’un téléphone intelligent. « Nous n’avons pas pensé à ça. Mais si quelqu’un en voulait un, on pourrait l’aider! »