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« Ce n’est pas vrai que les coopératives sont condamnées à rester petites », croit Jean-Pierre Girard, expert-conseil en entrepreneuriat collectif. Il est cependant d’avis que cette croissance doit se faire en concordance constante avec la volonté de ses membres. « Sans quoi, il y a un risque de décrochage par rapport aux valeurs coopératives, et c’est à cet instant qu’une coopérative risque de basculer vers un modèle capitaliste », prévient-il.
Celui qui est chargé de cours à l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal et à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM s’est d’ailleurs penché sur les effets néfastes de la démutualisation, soit la perte du statut coopératif, de différentes coopératives au Canada et ailleurs dans le monde. Le cas le plus iconique, selon lui, est celui de la Saskatchewan Wheat Pool, fondée en 1923 par des agriculteurs qui souhaitaient se regrouper pour obtenir un meilleur prix pour leur blé.
Rapidement, cette coopérative est devenue la plus importante dans le domaine agricole au pays. Mais dans les années 1990, pour répondre à un besoin urgent de liquidité, elle a amorcé une transition vers un modèle capitaliste en convertissant des parts sociales en actions et en s’enregistrant à la bourse de Toronto. Progressivement, jusqu’en 2005, la coopérative s’est démutualisée, laissant « orphelins » les quelque 75 000 producteurs agricoles qui en étaient membres, rapporte M. Girard. « Aujourd’hui, la situation est telle que les gros producteurs agricoles de la Saskatchewan n’ont plus aucun contrôle sur les intrants et extrants de leur production; ils sont à la merci de grosses compagnies, comme la multinationale Cargill », observe-t-il.
Plus d’outils au Québec
Le Québec, qui compte de nombreuses coopératives agricoles, se distingue des autres provinces canadiennes, où il en reste de moins en moins, souligne l’expert. Une situation qu’il explique entre autres par le fait que les coopératives québécoises ont utilisé d’autres stratégies pour croître sans perdre leurs attributs coopératifs, avec des outils qui permettent de stimuler la capitalisation, comme l’émission de parts, le régime d’investissement coopératif ou le REER coopératif, donne-t-il en exemple.
Le risque qu’une coopérative bascule vers un tel modèle reste malgré tout présent, et il s’agit d’ailleurs d’un phénomène qui se produit fréquemment aux États-Unis, fait-il valoir. « Comme si, dès le moment qu’une coopérative devient intéressante, qu’elle a une bonne profitabilité, il y a une génération de prédateurs qui décident de se partager le solde. C’est pour ça que l’éducation des membres est importante pour comprendre la plus-value coopérative, pour éviter que l’intérêt à très court terme prenne le dessus. Car, quand il n’a plus de proximité avec les membres et que tu n’es plus pertinente [pour eux], tu disparais. »