Économie 14 mars 2024

Le milieu agricole déçu du budget provincial

QUÉBEC – Le milieu agricole accueille avec déception le budget provincial 2024-2025, n’y voyant aucune mesure « musclée » répondant aux besoins urgents des producteurs affligés par l’inflation, l’endettement, les aléas climatiques et la flambée des taux d’intérêt.

« Passer outre les attentes légitimes d’un secteur […] ne peut […] qu’engendrer de la déception, et même de la frustration chez celles et ceux qui y verront une indifférence flagrante quant à leurs besoins et préoccupations », a réagi le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron.

Lors de la présentation de son budget, le 12 mars, le ministre des Finances, Eric Girard, s’est dit au fait des difficultés rencontrées à la ferme, rappelant les interventions d’urgence de La Financière agricole pour soutenir les producteurs. À défaut de leur apporter une aide « conjoncturelle », son budget comporte des mesures « pérennes », dit-il, notamment pour l’agriculture durable et pour l’accès à l’acquisition de terres.  

Les mesures

Le cadre budgétaire 2024-2025 du gouvernement Legault prévoit 50 M$ sur cinq ans pour « assurer une continuité dans le financement des projets de la relève agricole » par la création d’un fonds qui remplacera le Fonds d’investissement pour la relève agricole (FIRA). Ce dernier, qui soutient de jeunes entrepreneurs dans leurs projets de démarrage, d’expansion ou de transfert, arrivera à échéance en 2025.

Le Programme Investissement Croissance Durable, administré par La Financière agricole, sera par ailleurs bonifié de 50 M$ sur cinq ans. En plus de subventionner les projets de croissance et d’adoption de pratiques agroenvironnementales, il intègre, depuis juin, un volet de soutien d’urgence aux fermes qui éprouvent des difficultés en contexte inflationniste. L’aide prend la forme de prêts de fonds de roulement sans remboursement de capital et d’intérêts pour les trois premières années. Il n’est pas précisé, dans le budget, comment sera répartie l’enveloppe additionnelle réservée à l’ensemble du programme.

Un investissement de 264 M$ sur cinq ans est aussi prévu pour assurer le financement du Programme de crédit de taxes foncières agricoles et offrir un « traitement fiscal compétitif » aux producteurs, dans un contexte « d’augmentation rapide et importante de la valeur des terres », lit-on dans ce plan budgétaire.

Les Producteurs de grains du Québec affirment, eux aussi, être restés « sur leur appétit » après avoir pris connaissance du cadre budgétaire, se désolant de n’y retrouver « aucune amélioration » au programme de rétributions des pratiques agroenvironnementales ou de trace d’un volet spécifique aux régions éloignées.

Réactions politiques

« Je suis consternée de voir l’absence de soutien, et surtout [l’absence] d’un signal aux producteurs qu’ils sont entendus, qu’ils sont considérés et qu’ils sont reconnus dans leur travail. […] Je ne peux pas croire que François Legault puisse être fier d’être le premier ministre qui va avoir descendu les revenus du monde agricole au niveau du temps de Duplessis. »

– Émilise Lessard-Therrien, agricultrice et co-porte-parole de Québec solidaire

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« Le gouvernement a assumé son abandon face à nos producteurs agricoles. Clairement, le gouvernement de la CAQ refuse de reconnaître la frustration, l’inquiétude et la détresse des [agriculteurs] de partout au Québec. […] Si le gouvernement fait le choix d’abandonner les producteurs, nous serons avec eux dans leur combat pour assurer l’avenir du secteur agricole québécois. »

– André Fortin, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’agriculture

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« Le gouvernement fait la sourde oreille aux demandes des agriculteurs, alors que nous sommes à un moment critique pour le soutien à la souveraineté alimentaire du Québec et qu’il faut de toute urgence répondre aux problèmes que posent les changements climatiques et l’inflation du prix des terres agricoles. J’étais [à la manifestation de Rimouski, le 8 mars] et j’ai vu que la mobilisation va s’intensifier. »

– Pascal Bérubé, porte-parole du Parti québécois en matière d’agriculture

De l’aide au secteur forestier bien accueillie

Québec accorde 147 M$ sur cinq ans pour soutenir les travaux sylvicoles effectués en forêt privée, notamment le reboisement et l’aménagement forestier. « C’est cohérent avec les demandes qu’on avait faites au gouvernement […] et c’est un [investissement] assez important sur cinq ans qui donne de la prévisibilité », a réagi Vincent Miville, directeur général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec. Cette aide, dit-il, permettra de valoriser le potentiel de récolte inexploité et, ultimement, d’accroître l’approvisionnement en bois dans les usines de transformation. Une enveloppe de 10 M$ est aussi prévue dans le budget pour lutter contre l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Appui aux producteurs de boissons alcoolisées

Une somme de 57,5 M$ sur cinq ans est prévue pour le prolongement du Programme d’appui au positionnement des alcools québécois, qui soutient notamment l’accroissement des ventes dans le réseau de la Société des alcools du Québec et appuie les initiatives de commercialisation.

Poursuite du soutien à AgrÉcoles

Une somme de 10 M$ sur cinq ans est budgétée pour la poursuite du financement au programme AgrÉcoles, qui intègre l’agroalimentaire dans le parcours scolaire des élèves. Voilà qui devrait entre autres permettre d’augmenter le nombre d’écoles participantes.