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Bien qu’ils soient présents en faibles quantités, les oligoéléments (ou éléments mineurs) jouent un rôle essentiel dans les mécanismes de croissance des végétaux, et ils sont indispensables à la santé des plantes. Sans eux, la majorité des processus physiologiques ne peuvent se produire. Mais comment participent-ils à diminuer l’usage des fongicides?
En agriculture, on compte généralement six principaux oligoéléments : le fer (Fe), le manganèse (Mn), le zinc (Zn), le bore (Bo), le cuivre (Cu) et le molybdène (Mo). Le rôle principal des éléments mineurs en est un de catalyseur dans l’équilibre de la plante. Pour l’ingénieur agronome Paul Robert, cette réalité en apparence simple fait toute une différence. « Une plante bien équilibrée se comportera mieux face aux stress, dont les maladies. De façon générale, les carences vont limiter le mécanisme physiologique de la plante et son aptitude à se défendre face à l’agression des pathogènes et du climat. Les oligoéléments interviennent dans les mécanismes physiologiques de la plante et dans ses réactions enzymatiques », explique le fondateur de Novalis Terra, une firme française spécialisée en agriculture de conservation des sols, en entretien téléphonique avec La Terre. Doit-on alors considérer les éléments mineurs comme des vecteurs de rendement? « Dans tous les essais qu’on a effectués, on a rarement observé des gains de rendement à apporter ces éléments, sauf lorsque les exigences de la plante sont très fortes. Les céréales, par exemple, ont des besoins plus élevés en cuivre, manganèse et zinc », signale l’agronome, notant que l’exigence n’est pas forcément corrélée au besoin. « Ça signifie simplement que si cet élément est déficitaire, on peut voir une chute de production. Une carence en cuivre, par exemple, va affecter très fortement la fertilité des céréales », illustre-t-il. « Des analyses effectuées sur la sève de la plante permettent de détecter les niveaux déjà présents et de combler le déficit, en combinaison ou non avec des biostimulants. Ce qui fait en sorte qu’en équilibrant la plante, on arrive à retarder l’installation des maladies », précise M. Robert.
L’assiette nutritive comme bouclier
Le constat se confirme aussi de ce côté-ci de l’Atlantique, où Jean-François Racette, chef de produit nutrition et biostimulation chez William Houde, préconise la santé de la plante comme première ligne de défense. « On parle encore beaucoup des trois NPK [azote, phosphore, potassium], mais la plante a besoin de 17 éléments nutritifs », rappelle M. Racette. « Pour viser une assiette nutritive complète et équilibrée, on doit considérer les éléments mineurs à calibrer selon la culture », insiste-t-il, ajoutant qu’un apport nutritif complet aura une influence sur la vigueur de la plante et son potentiel de rendement. « Le rendement d’une plante, qu’il s’agisse de légumineuses, de protéines, d’énergie, d’amidon, d’un poids spécifique, etc., provient de sa santé. Elle vient de sa capacité à faire de la photosynthèse, et du CO₂ [dioxyde de carbone] qu’elle est capable d’absorber. La lignine, l’amidon, le sucre, la cellulose, l’hémicellulose, etc., sont toujours des chaînes de carbone », analyse M. Racette.
Pour lui, c’est d’abord cette capacité de photosynthèse et de « respirer » le carbone de l’air qui optimise le rendement. « Quand on arrive à influencer ces deux paramètres, on obtient automatiquement une plante plus vigoureuse, avec un feuillage plus exubérant. La mauvaise herbe aura plus de mal à compétitionner contre ça », affirme M. Racette. Cette résilience permet une stratégie de phytoprotection moins agressive et beaucoup plus efficace. « En commençant avec une nutrition équilibrée, je pourrai faire beaucoup plus et aller plus loin sans fongicides, parce que ma plante sera en meilleure santé, dotée de parois cellulaires plus épaisses, donc moins vulnérable devant les agents pathogènes », résume-t-il.
Changer de paradigme, une question d’évolution
Une fois les besoins établis, le premier mode d’intégration des oligoéléments s’effectue au moment des semis, en formule granulaire appliquée avec les engrais, ce qui permet de répondre aux impératifs « mathématiques » de la plante. « S’il me faut 480 g par tonne de bore pour un rendement de maïs normal, le granulaire sera facile à intégrer et relativement économique. C’est la base de la réflexion », soutient Jean-François Racette. Inversement, un champ très pauvre ou une stratégie de fertilisation trop axée sur l’économie immédiate risquent de générer une culture en moins bonne santé, donc plus vulnérable aux maladies fongiques, observe-t-il. « Le cheminement reflète une réalité économique et culturelle propre à chaque agriculteur, qui est aussi un chef d’entreprise », nuance M. Racette. « Le réflexe est toujours de combattre l’ennemi, mais dans certains cas, une solution de nutrition et de fertilisation peut régler le problème. »