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Le blé d’automne gagne en popularité au Québec, principalement en raison de ses rendements plus élevés et du fait qu’il offre une couverture du sol à l’automne. Cependant, les techniques de régie utilisées pour sa culture sont souvent calquées sur celles du blé de printemps, ce qui n’est pas nécessairement optimal. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la fertilisation azotée, car les quantités et le moment des applications peuvent avoir un impact non seulement sur le rendement, mais aussi sur les niveaux de protéines du grain, ce qui peut avoir un impact direct sur sa qualité finale. Dans cette optique, le CÉROM a entrepris un projet visant à examiner les besoins en azote du blé d’automne par rapport à ceux du blé de printemps.
Les premiers essais au champ ont été implantés sur un retour de céréales à Saint-Mathieu-de-Beloeil (CÉROM) et à La Pocatière, deux sites ayant des sols argileux lourds, mais dans des régions contrastées, avec des taux de matière organique respectifs de 4,1 % et 5,8 %. Les cultivars Raven (printemps) et Lexington (automne) ont été utilisés, tous deux de type panifiable. En résumé, les doses totales variaient de 0 à 180 kg N/ha, certains traitements comportant une application de fumier de bovins à l’automne précédent. Les apports d’azote minéral (27-0-0) ont été répartis en fractions égales entre les stades de reprise et de montaison pour le blé d’automne, et au moment du semis et à la montaison pour le blé de printemps.
Aux deux sites, le blé d’automne a fourni des rendements en grains supérieurs par rapport au blé de printemps. Les deux types de blé ont également montré des différences notables du côté de leur réponse à la fertilisation azotée. Au CÉROM, le rendement du blé d’automne a augmenté avec la dose d’azote, variant entre 3,61 et 6,54 t/ha. La teneur en protéines a suivi la même tendance avec des taux situés entre 9,89 % et 13,58 %, un apport de 150 kg N/ha étant nécessaire pour atteindre 12 % de protéines. En comparaison, les rendements moyens du blé de printemps ont varié entre 2,11 et 2,96 t/ha avec des teneurs en protéines situées entre 11,27 % et 13,13 %. La réponse à l’azote était relativement faible, le rendement du blé de printemps et la teneur en protéines ayant plafonné avec un apport de 60 kg N/ha et 90 kg N/ha, respectivement. Cependant, les conditions météo (sécheresse au semis, fortes pluies pendant la période d’apports d’azote en post-levée) ont probablement contribué à ces résultats.
À La Pocatière, le blé d’automne a fourni des rendements moyens qui variaient entre 3,43 t/ha et 5,80 t/ha avec des teneurs en protéines situées entre 11,4 et 14,3 %, en comparaison avec 2,71 t/ha à 3,08 t/ha et des teneurs en protéines de 12,3 % à 13,5 % pour le blé de printemps. La réponse des deux cultivars à la fertilisation azotée a été plus modeste qu’au CÉROM. En effet, le rendement et la teneur en protéines du blé d’automne ont atteint leur maximum avec 60 kg N/ha et 90 kg N/ha, respectivement. Pour le blé de printemps, la fertilisation azotée n’a pas entraîné de gain significatif de rendement et un apport de 90 kg N/ha a été nécessaire pour maximiser la teneur en protéines. Ces résultats donnent une indication claire que les doses d’azote devraient être réduites dans les sols ayant une grande capacité à fournir l’azote.
L’effet du fumier a été évalué au CÉROM seulement. Sans ajout d’azote au printemps, l’application du fumier à l’automne (53,5 kg N/ha) a eu peu d’effet sur le rendement du blé d’automne, alors que pour le blé de printemps, elle a permis un rendement similaire à celui associé à un apport de 60 kg N/ha sous forme minérale. Pour une même dose d’azote (120 ou 150 kg N/ha), la combinaison du fumier avec une dose réduite d’azote de synthèse a entraîné des gains de rendements similaires, mais avec une plus faible augmentation de la teneur en protéines qu’un apport d’engrais azoté minéral. L’été étant plus propice au processus de minéralisation, ces résultats suggèrent un manque de synchronisation entre la disponibilité de l’azote du fumier et les besoins en N du blé d’automne qui sont plus élevés plus tôt dans la saison.
Afin d’évaluer l’impact environnemental des différents traitements de fertilisation azotée, les nitrates résiduels du sol (NRS) ont été mesurés dans les 30 premiers centimètres du sol dans quelques traitements. À la sortie de l’hiver, l’épandage du fumier de l’automne précédent avait influencé faiblement le niveau de NRS (11,2 ppm vs 10,2 ppm NO3- sans fumier), et ne présentait donc pas de risque de lessivage de l’azote. Au CÉROM, les niveaux de NRS à la récolte du blé d’automne sont demeurés faibles et similaires dans tous les traitements. Cependant, un apport de 180 kg N/ha a augmenté significativement les NRS dans le blé de printemps.
À La Pocatière, où le sol était plus riche en matière organique, de fortes accumulations de nitrates ont été mesurées dans les parcelles ayant reçu des doses élevées d’azote. Ces niveaux étaient particulièrement élevés après la récolte du blé d’automne. Ces résultats mettent en évidence l’importance de l’implantation de cultures de couverture d’automne après la récolte du blé afin de valoriser cet azote résiduel et de minimiser les risques environnementaux.
En conclusion, ces résultats préliminaires semblent indiquer que le blé d’automne pourrait avoir besoin d’apports en azote plus élevés que le blé de printemps pour atteindre son plein potentiel de rendement et améliorer les teneurs en protéines de ses grains. Cet effet semble se maintenir même lorsque l’on combine une source d’azote organique avec une dose réduite d’azote de synthèse, ce qui est bénéfique tant sur le plan économique qu’environnemental.
Ce projet est réalisé grâce au financement des Producteurs de Grains du Québec (PGQ).