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Le 1er janvier 2025 marquera l’entrée en vigueur de nouvelles exigences découlant de la révision réglementaire de la Loi sur les pesticides. Ces normes édictées par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) concernent notamment le Code de gestion des pesticides et le Règlement sur les permis et les certificats pour la vente et l’utilisation des pesticides.
Ces modifications visent à réduire l’utilisation systématique des semences enrobées de pesticides et à élargir la justification agronomique à toutes les semences enrobées d’insecticides. « Depuis 2018, les exigences s’appliquaient seulement à la classe 3A, soit les semences d’une des huit cultures enrobées de néonicotinoïdes », explique Gabriel Perras, expert en protection et santé des cultures chez Synagri.
En vertu des nouvelles règles, les exigences de la classe 3A s’appliqueront à tous les insecticides. Une nouvelle catégorie de produits, la classe 3B, sera aussi créée pour les semences traitées aux fongicides [voir tableau]. « Toutes les semences traitées par enrobage seront considérées comme des pesticides, et il faudra détenir un certificat d’application pour pouvoir les semer », résume l’agronome.
Il faut donc prévoir le dépistage, le diagnostic et les commandes de tous types de semences enrobées dès cette année. L’interdiction de posséder un pesticide à moins d’être autorisé à le vendre ou à l’utiliser sera effective dès juillet 2024.
Manque d’effectifs
Ces exigences plus contraignantes impliquent une refonte logistique importante pour plusieurs agriculteurs. « Le gros volet de la réglementation, et là où les producteurs devraient s’inquiéter, c’est au niveau des justifications et prescriptions pour acheter une semence traitée aux insecticides », soutient pour sa part Louis-Philippe Pepin, directeur commercial chez Corteva Agriscience. « Chaque ferme a ses particularités, son historique d’infestation de différents insectes. C’est du cas par cas pour chaque parcelle. S’il faut faire des relevés de présence d’insectes, c’est un travail de champ qui va nécessiter plusieurs heures par ferme », soulève l’agronome, qui se questionne sur la disponibilité des effectifs par rapport aux échéances de conformité et à la planification des cultures. « C’est un travail fastidieux, et il doit se faire dans l’été qui vient, parce que les signaux pour la production de semences ne s’organisent pas l’hiver prochain pour des semis en 2025. Ces signaux-là doivent être donnés aux usines au mois de septembre. Il n’y a pas assez d’agronomes pour faire ce travail de justification agronomique et émettre des prescriptions pour les producteurs du Québec », estime M. Pepin, qui appréhende un manque de ressources sur le terrain.
Une pléthore de contraintes pour les producteurs
Pour Salah Zoghlami, directeur des affaires agronomiques chez les Producteurs de grains du Québec, cette révision réglementaire entraîne de nouveaux enjeux à tous les niveaux.
« Avant, un producteur qui effectuait des semis à forfait ou chez autrui n’avait pas besoin de permis d’applicateur. Maintenant, dès qu’on manipule ces semences, il faut un certificat », précise M. Zoghlami, ajoutant que les règles s’appliqueront à tous les intervenants, qu’ils agissent dans un contexte d’entraide ou rémunéré. « Quiconque veut participer ou aider aux semis devra détenir un certificat, ou être sous la supervision visuelle directe d’une personne certifiée », ajoute-t-il.
Une autre problématique découle de la commande et de l’entreposage des semences. « En général, le producteur commande ses semis en décembre pour la saison qui débute en avril-mai prochain », relate-t-il. « Mais un retard dans la saison peut l’obliger à changer d’unité thermique : il se retrouve alors dans l’obligation d’utiliser des semences traitées, car celles non traitées peuvent être indisponibles, avec toute la mécanique réglementaire que cela implique, ou de prolonger sa période d’entreposage, ce qui le mettrait en infraction. Tous ces facteurs compliquent la gestion des opérations courantes », allègue M. Zoghlami.
L’identification du type d’enrobage, et donc de la prescription ou du certificat à obtenir, pose en elle-même un défi majeur en raison du type de ravageurs susceptible d’apparaître au champ. « La dynamique est nettement plus complexe dans le cas des fongicides, parce qu’il existe toute une panoplie de champignons. On ne peut pas prévoir les conditions printanières qui vont influencer la virulence et l’abondance d’un champignon, qui varient d’une année à l’autre pour un même champ. C’est une équation à plusieurs variables où il y a beaucoup trop d’inconnues », conclut l’agronome.
La formation : pas obligatoire, mais nécessaire
Les certificats autorisant la manipulation des produits sont délivrés au terme d’une formation et/ou de la réussite d’un examen. L’agronome Daniel Savoie dispense les formations pertinentes à la réussite des examens pour l’obtention des certificats. « La formation se divise en deux volets : la partie 1 est une formation globale de deux jours qui fournit tous les éléments nécessaires pour réussir l’examen Application en milieu agricole. Cette formation vise les producteurs, les applicateurs à forfait et les détaillants », explique d’entrée de jeu le formateur. Pour les personnes qui
souhaitent appliquer des pesticides à forfait, une 2e formation de deux jours, Application sur les terres cultivées, s’ajoute à la formation globale. « Donc, l’applicateur à forfait doit compléter deux formations et deux examens; l’agriculteur et le détaillant, une seule formation et un seul examen », résume M. Savoie.