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Parti de France pour s’installer au Québec en 2019, Adrien Papin, producteur de céréales à Saint-Irénée, dans Charlevoix, suit avec attention le mouvement des agriculteurs français, qui manifestent depuis quelques semaines pour réclamer de meilleures conditions de travail.
« Il y a des gens qui sont à bout là-dedans, et il faut fesser fort. C’est plate, mais il faut fesser fort et faire du bruit pour que le monde comprenne que c’est nous qui les nourrissons », affirme-t-il en entrevue avec La Terre. Le jeune agriculteur, dont le père est toujours producteur laitier en France, a choisi de venir au Québec pour pouvoir vivre de son métier et l’exercer avec moins de contraintes, dit-il. « Il y a un manque de rentabilité dans les fermes depuis quelques années [en France], qui s’accentue avec l’inflation mondiale, des normes environnementales de plus en plus strictes et un cahier des charges qui se complique. Le gouvernement ne fait rien; il laisse tomber son agriculture, petit à petit. À un moment donné, ça énerve! » commente-t-il.
À son arrivée au Québec, il y a cinq ans, il a constaté qu’il était moins « menotté » ici par rapport aux normes environnementales, notamment, et qu’il sentait un meilleur soutien de l’État. Or, il observe que les choses ont bien changé depuis la pandémie de COVID-19 et la crise inflationniste qui a suivi.
Un « point de rupture »
Un tel constat est en partie partagé par le directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Charles-Félix Ross, qui dit être solidaire avec les revendications des agriculteurs français. « Je dirais que la situation financière des agriculteurs est un peu moins périlleuse ici. On a la gestion de l’offre quand même au Québec, qui amène de la stabilité et des revenus, ou des productions comme le sirop d’érable, qui a le vent dans les voiles, mais on a des enjeux similaires, comme la hausse des coûts de production, les normes environnementales, l’absence de réciprocité des normes, la difficulté pour la relève de s’établir », énumère-t-il. M. Ross estime néanmoins que le point de rupture est « quand même très près ».
« Les producteurs agricoles québécois étaient d’ailleurs 1 300 à sortir dehors en décembre pour manifester et faire connaître leurs préoccupations par rapport à l’avenir de l’agriculture », rappelle-t-il. Bien qu’aucune annonce gouvernementale n’ait suivi, M. Ross croit que les messages ont néanmoins été entendus et espère qu’ils se refléteront dans les différents projets en cours ou à venir, dont le renouvellement de la Politique bioalimentaire du Québec, qui amorce ses travaux en 2024.
« Ce que j’aime présentement de ce qui se passe en Europe et qui peut avoir un écho ici, ajoute-t-il, c’est que la population est derrière les agriculteurs, car c’est l’enjeu fondamental, si on veut maintenir l’agriculture locale en Europe, au Canada, au Québec. »
M. Ross fait aussi référence à différents sondages réalisés dernièrement qui démontrent que le nombre de fermes est en déclin, en France, dans plusieurs secteurs de production, rapporte-t-il. « Mais les Français ne mangent pas moins, ce sont des produits qu’on importe d’ailleurs. Et la population ne veut pas dépendre des autres pays pour se nourrir », observe-t-il.
L’Union européenne fait des concessions
The Associated Press
La Commission européenne a annoncé son intention de protéger les agriculteurs des exportations bon marché de l’Ukraine en temps de guerre et de permettre aux agriculteurs d’utiliser certaines terres qui avaient été contraintes de rester en jachère pour des raisons environnementales.
Les plans doivent encore être approuvés par les États membres et le Parlement, mais ils constituent une concession soudaine et symbolique. « Je voudrais juste [rassurer les producteurs] sur le fait que nous faisons tout notre possible pour écouter leurs préoccupations. Je pense que nous répondons actuellement à deux [préoccupations] très importantes », a déclaré le vice-président de la Commission européenne, Maroš Šefčovič.