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En septembre 2008, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec procède au plus grand rappel de son histoire, celui de milliers de fromages québécois. La raison de ce rappel est la possible contamination à la Listeria monocytogenes, une bactérie pathogène causant la listériose. Parmi ces fromages, quelques-uns sont fabriqués de lait pasteurisé, mais la plupart sont faits de lait cru. Cette crise a laissé une marque indélébile dans nos mémoires. Un mois avant cette crise, le gouvernement avait modifié son règlement sur la fabrication des fromages au lait cru. Cette réglementation avait pour but de commercialiser ces fromages plus facilement. Alors pourquoi retrouvons-nous encore si peu de fromage au lait cru québécois dans nos assiettes?
Avant tout, sachons que cette fabrication est alléchante pour un fromager qui souhaite se démarquer par la typicité de son fromage. En effet, le lait cru n’a pas été pasteurisé; le profil sensoriel est donc propre à la fromagerie, car il contient les microorganismes typiques du troupeau laitier et du milieu de fabrication. Mais qui dit microorganismes dit aussi maladies. Avant 2008, le gouvernement demandait que les fromages au lait cru soient affinés pendant un minimum de 60 jours. Cet affinage permettait aux microorganismes désirables de créer un environnement hostile pour les microorganismes pathogènes. Cependant, un affinage aussi long limite la diversité des produits. En allégeant la réglementation, on souhaitait diversifier l’offre, mais le résultat n’a pas tout à fait donné l’effet escompté.
La section 11.6 du Règlement sur les aliments P-29 r. 1 donne des spécifications sur ce que doit faire un fromager pour commercialiser ses fromages au lait cru affinés moins de 60 jours. Ainsi, en plus d’un programme d’assurance de la qualité efficient dans son usine, il doit procéder mensuellement à des analyses microbiologiques sur l’eau, le lait et les fromages. De ce fait, l’entreprise doit prouver que l’eau qu’elle utilise contient très peu de coliformes et une absence d’E. coli. De plus, l’analyse du lait doit démontrer que les normes pour la Listeria monocytogenes et Staphyloccoccus aureus sont respectées. Enfin, les fromages doivent respecter les normes de composition relatives à E. coli et S. aureus avant la commercialisation. Pour le lait et les fromages, on doit prouver l’absence de Salmonella tous les trois mois. Ce n’est pas tout, le producteur laitier doit, en plus de ses contrôles habituels, analyser son troupeau en vérifiant la qualité microbiologique du lait de chacune des vaches en début de lactation ainsi que de l’eau du système de lavage du réservoir de lait. Chacune des actions du producteur et du fromager doit être inscrite dans un registre, ce qui sert à la traçabilité des lots.
Ces contrôles augmentent considérablement les coûts de production pour un fromager. Toutefois, cette réglementation permet de commercialiser des fromages au lait cru sans affinage avec une typicité pouvant faire rougir les Européens. Est-ce que nos fromagers ont peur d’une seconde crise ou est-ce que la réglementation ne permet toujours pas assez de latitude?