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Le canola d’automne (CA) est une culture dont on entend de plus en plus parler. C’est en 2022 qu’une équipe du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) a démarré un projet pour évaluer l’intérêt d’inclure le CA dans une rotation de cultures.
L’équipe s’intéresse plus particulièrement à évaluer sa capacité à éviter les dommages causés par les ravageurs et à compétitionner les mauvaises herbes, sa survie hivernale et son potentiel de rendement. Les essais se déroulent dans différentes régions du Québec, soit au Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Bas-Saint-Laurent, dans Chaudière-Appalaches et en Montérégie.
Pourquoi le canola d’automne?
L’intégration de CA dans la rotation des cultures est une pratique relativement bien implantée aux États-Unis et en Ontario. Celle-ci reste cependant encore peu utilisée au Québec en raison, notamment, des doutes par rapport à sa survie hivernale. Or, les variétés modernes récemment mises en marché sont beaucoup plus résistantes au froid. De fait, des études préliminaires menées par le CÉROM en collaboration avec des producteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean ont montré que la culture y est viable (80 % de survie en 2021). Les essais menés en 2022 ont aussi montré d’excellents taux de survie (75 à 100 %) en Montérégie et dans Chaudière-Appalaches. Toutefois, les résultats étaient plus faibles et variables au Saguenay–Lac-Saint-Jean (38 à 55 %) et au Bas-Saint-Laurent (29 à 54 %). La plasticité du canola a cependant permis de compenser là où les densités de population étaient plus faibles, ce qui permet bien souvent d’obtenir des rendements en grains acceptables. Au-delà de sa viabilité, il peut y avoir d’autres avantages à inclure le CA dans une rotation, comme l’amélioration de la santé du sol et la réduction de l’impact des ravageurs et des mauvaises herbes
Une culture à l’abri des ravageurs
Aux différents sites d’essais, la défoliation causée par les altises, de petits coléoptères qui se nourrissent du feuillage des jeunes plantules, était très faible (< 1 à 5 %). En comparaison, des champs de canola de printemps (CP) à proximité des essais avaient des valeurs plus élevées (5 à 24 %), dont certaines qui s’approchaient du seuil d’intervention (25 %). Les populations de cécidomyies du chou-fleur (CCF), un petit moucheron qui pond ses œufs dans les boutons en développement et qui cause l’avortement des points de croissance, étaient elles aussi plus faibles dans le CA (0 à 0,18 CCF/piège/jour) que dans le CP (7 à 59 CCF/piège/jour) aux stades sensibles de la culture. D’ailleurs, les dommages aux plants en lien avec cet insecte étaient pratiquement nuls dans le CA (1 %), contrairement à ce qui était observé dans le CP (14 à 50 %). D’autres ravageurs importants, comme le charançon de la silique, la punaise terne et la fausse teigne des crucifères, étaient également beaucoup moins abondants dans le CA. Cette culture serait donc une excellente solution pour les entreprises agricoles aux prises avec des problèmes de ravageurs.
En compétition avec les mauvaises herbes au printemps
La littérature rapporte que le canola est sensible à la compétition par les mauvaises herbes dès l’émergence et jusqu’au stade six feuilles. L’étude préliminaire conduite en 2021 a confirmé que les mauvaises herbes pouvaient avoir un effet négatif sur la levée du CA au moment de l’implantation, avec pour résultat des densités de peuplement plus faibles que prévu. Toutefois, le CA déjà bien implanté au printemps (fin rosette, début élongation) et sa reprise de croissance rapide permettent de compétitionner les mauvaises herbes (particulièrement les annuelles), parfois même avant le début de leur germination. Plus tard en saison, la fermeture de sa canopée empêche aussi l’établissement des mauvaises herbes.
Un atout pour les rotations de cultures et le blé d’automne
L’adoption d’une nouvelle culture nécessite de réfléchir à la manière dont elle impactera la rotation. Or, le CA pourrait favoriser un autre type de culture qui suscite de plus en plus d’intérêt au Québec : les céréales d’automne. Une des principales questions qui se pose pour les céréales d’automne est celle d’une bonne implantation, le plus tôt étant généralement le mieux. Toutefois, la date optimale de semis tombe souvent avant la récolte de la culture précédente. En revanche, le CA se récolte généralement en juillet/août, ce qui laisse suffisamment de temps pour semer une céréale d’automne. En outre, le chaume du CA permet une excellente rétention de la neige qui peut améliorer la survie hivernale des céréales. De plus, celles-ci auraient généralement un meilleur rendement après un précédent de CA, en particulier par rapport aux rotations céréales-céréales (10-20 % de plus).
Et maintenant?
Nul doute que le CA présente de multiples bénéfices, et c’est pourquoi un nouvel engouement est observé pour cette culture. Comme mentionné plus haut, le CA est une culture viable pour notre province, mais est-ce un choix rentable pour les producteurs?
Une grande partie de la réponse réside dans l’affinement de la régie de culture. Les parcelles expérimentales du CÉROM ont donné des rendements moyens d’environ 2,7 t/ha, soit des valeurs similaires à ce qui est observé en Ontario. Une meilleure compréhension des modes d’ensemencement et des besoins en fertilisation pourrait cependant augmenter son potentiel. Un autre facteur important est le coût de production. Le canola conventionnel est une culture intensive avec un coût de production par hectare de 1 700 $, soit seulement 15 % de moins que le maïs-grain conventionnel1. Cependant, son prix de vente est intéressant : le canola s’est vendu à plus de 800 $/t2 en 2023, et même s’il ne maintiendra peut-être pas ce niveau, il restera probablement un grain de grande valeur. Le prix de vente élevé compense-t-il son important coût de production? D’autres recherches seront nécessaires pour répondre à cette question.