Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Plus de paperasse, de nouvelles normes « compliquées à comprendre et à appliquer », des mécanismes d’évaluation stressants lors desquels les évaluateurs peuvent « mettre le doigt sur des banalités », un manque de reconnaissance par rapport aux efforts déployés, une charge financière importante… Voilà quelques exemples de préoccupations ressenties par des éleveurs de porcs par rapport aux exigences des programmes de bien-être animal et de salubrité auxquelles ils devront se conformer d’ici 2029. Leurs témoignages figurent dans une récente étude portant sur la santé et la sécurité des producteurs, réalisée par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail (IRSST) en partenariat avec les Éleveurs de porcs du Québec.
L’un des volets de cette étude porte spécifiquement sur la manière dont les programmes d’assurance-qualité et de bien-être animal affectent la santé et la sécurité des travailleurs. Comme les extraits mentionnés plus haut l’illustrent, « le manque de support dans l’implantation des programmes, le manque de reconnaissance et le caractère stressant lié à la formation et aux audits ont un effet négatif sur leur santé », a résumé Marie-Pier Lachance, responsable des programmes PorcSalubrité, PorcBien-être et PorcTracé aux Éleveurs de porcs du Québec, lors du Forum stratégique de l’organisation, en novembre dernier, événement lors duquel une conférence a présenté les résultats de la recherche de l’IRSST.
Un contrepoids positif
Or, le portrait n’est ni noir ni blanc. L’étude de l’IRSST montre aussi, paradoxalement, que le transfert des plus récentes connaissances sur le terrain, qui se fait par l’entremise de ces programmes, est un levier positif sur la santé et la sécurité à la ferme, et ce, puisque ces programmes permettent aux éleveurs de renouveler ou de réadapter leurs techniques. Par exemple, un éleveur qui éprouvait une grande réticence face aux parcs de truies en groupe a finalement constaté que ce mode d’élevage lui a facilité la vie. « Les animaux ne sont pas plus durs à traiter, ils sont même plus faciles, puis c’est moins risqué, en fait, je trouve, de se blesser », a-t-il signalé aux chercheurs.
Ceux-ci, sur la base de plusieurs autres témoignages similaires, déduisent que ce n’est donc pas nécessairement les méthodes imposées dans ces programmes qui affectent négativement la santé et la sécurité des éleveurs, mais plutôt la façon utilisée pour transférer l’information sur le terrain. Ils suggèrent de « créer des lieux additionnels d’échanges entre les valideurs et les éleveurs de porcs pour que le partage de connaissances puisse s’exercer en dehors du cadre évaluatif ».
Une idée bien accueillie par la responsable de ces programmes aux Éleveurs de porcs, Marie-Pier Lachance, qui a mentionné, lors du Forum stratégique, que ces programmes sont évolutifs. « Notre rôle est de trouver des moyens pour réduire leurs effets négatifs », a-t-elle spécifié.
La formation par l’exemple
Nicolas Devillers, chercheur spécialisé en comportement et bien-être du porc à Agricultures et Agroalimentaire Canada, considère que la formation des éleveurs est essentielle, puisque de « mettre les truies en groupe ne résout pas tout le problème du bien-être animal ». « Les éleveurs doivent être formés pour savoir comment gérer adéquatement leur troupeau dans ce type d’installation, car c’est un gros changement », précise-t-il.
Il remarque par ailleurs que « la formation par l’exemple », qui permet à un éleveur de voir concrètement comment une méthode est appliquée sur le terrain et d’en constater les effets positifs, est souvent plus efficace et rapide pour faire adopter de nouvelles méthodes. Selon lui, ce genre d’approche pourrait aider à accélérer la transition dans les élevages par rapport au bien-être animal, qui accuse un certain retard par rapport aux recherches, estime-t-il.
C’est d’ailleurs de cette manière que William Lafond, producteur de porcs dans Lanaudière, trouve l’inspiration pour être à l’avant-garde en matière de bien-être animal. L’éleveur s’est par exemple inspiré de ce qui se fait du côté européen pour donner plus d’espace à ses porcelets, en rajoutant un deuxième étage dans l’un de ses bâtiments plutôt qu’en construire un nouveau. « Et ça fonctionne vraiment bien : les porcelets sont mieux et moins tassés. On va répéter le modèle dans nos autres bâtiments », mentionne l’éleveur, qui croit être l’un des tout premiers au Québec avec ce genre d’installation.
La date butoir ne sera pas repoussée
Malgré le contexte particulièrement difficile traversé par la filière porcine québécoise actuellement, le président des Éleveurs de porcs du Québec, Louis-Philippe Roy, affirme que la date butoir pour que les éleveurs se conforment aux nouvelles exigences du Code de bien-être animal ne sera pas repoussée. « C’est certain que cela engendrera une certaine pression, notamment économique, pour les éleveurs et éleveuses qui ne se sont pas encore soumis aux nouvelles normes, car ce sont des rénovations importantes à effectuer aux bâtiments. Nous accompagnerons toutefois ceux qui ont besoin d’aide à travers ce processus », a-t-il précisé à La Terre, par courriel. À l’heure actuelle, un peu plus de 50 % des truies du Québec sont logées en groupe, tel que l’exigent les nouvelles normes de bien-être animal. Par ailleurs, M. Roy signale qu’avec la Proposition 12, en Californie, et la Question 3, au Massachusetts, les éleveurs de porcs doivent tenir compte de l’importance de plus en plus grande qu’accordent les consommateurs à la provenance de la viande qu’ils consomment et aux normes d’élevage.