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Nicolas Laliberté, de la Ferme Appalaches, a emprunté une méthode européenne de séchage du foin en grange à l’énergie solaire. C’est une griffe à fourrage télescopique qui fait tout le travail.
L’aventure a commencé quand Natalie Gagné, conjointe de Nicolas et copropriétaire de la Ferme Appalaches de Saint-Anselme de Bellechasse, s’est questionnée sur les coûts d’électricité élevés de l’entreprise. C’est ainsi que ce couple de diplômés en agronomie de l’Université Laval a cherché un moyen de faire mieux, écologiquement et économiquement.
Après avoir assisté à des conférences et discuté avec Henry Perreault, un voisin agriculteur qui était allé dans le nord-est de la France pour visiter des fermes où l’énergie solaire était utilisée pour sécher le foin en grange, les deux producteurs laitiers ont eu l’idée d’appliquer cette technique.
Le principe de base consiste à utiliser le soleil comme source d’énergie pour chauffer de l’air qui asséchera le foin. Il s’agit d’emprisonner cet air chaud dans un double toit et de le faire circuler pour le transporter avec des ventilateurs sous un plancher latté qui supporte la tasserie de foin. L’air chaud, sous pression, remonte alors dans les couches de foin pour en extraire l’humidité. D’autres ventilateurs situés au faîte de la grange chassent le surplus d’air vers l’extérieur.
Nicolas a constaté que le soleil peut faire grimper de 9 ou 10 °C la température de l’air en chauffant la tôle. Chaque fois que la température augmente de1 °C, le potentiel de séchage du foin grimpe de 20 %, estime-t-il.
« Ce concept nous allait comme un gant », rapporte-t-il. La capacité de charge du deuxième étage de la grange qu’il avait construite de ses mains en 1987 était acquise. On pouvait donc y entasser sans danger de grands volumes de foin, même humide. Pas de problèmes non plus avec la capacité radiante du toit de tôle. Ce dernier était bien orienté pour profiter de l’ensoleillement. Sa tôle est peinte en rouge, ce qui représente 85 % du potentiel de récupération de la chaleur d’une tôle noire. Selon Nicolas, une tôle usée qui a perdu ses propriétés réfléchissantes est également très performante. Finalement, et plus important encore, les 600 volts de capacité du système électrique déjà installé dans la grange étaient suffisants pour faire tourner les ventilateurs supplémentaires pour faire circuler l’air chaud.
Il restait à compléter la finition intérieure de la grange pour créer un double toit où l’air serait chauffé avant d’être aspiré dans des tunnels et poussé sous les cellules de foin. Les propriétaires ont utilisé des feuilles de contreplaqué de 1,5 cm pour y arriver.
La grange été allongée à 67 m pour créer à l’une de ses extrémités un espace à l’abri des intempéries pour le déchargement de la remorque autochargeuse. C’est de là que le foin est ramassé par la griffe à fourrage pour ensuite être entreposé et séché dans les cellules. À l’autre bout de la grange, Nicolas entrepose ses grosses balles carrées de paille qui servent de litière.
L’espace restant, au centre, a été divisé en quatre grandes cellules autonomes (tasseries) de 12 m de longueur chacune. Ces tasseries ont été séparées de façon à ce que chacune ait son système de séchage indépendant. Des murs de cinq mètres de hauteur ont été érigés pour séparer le foin. Ils laissent à peine deux mètres de dégagement pour le passage de la griffe d’un bout à l’autre de la grange. « C’est une perte d’espace qui équivaut à environ 1 500 petites balles si la grange était remplie jusqu’au faîte », estime Nicolas.
Fonctionnement
L’air chauffé par le rayonnement solaire est aspiré de l’entretoit jusqu’à un conduit d’appel sur le plancher duquel on a encastré les ventilateurs. Ces derniers étaient d’abord actionnés par des moteurs de cinq forces. Mais avec l’aide de Luc Dubreuil, un ami ingénieur, Nicolas les a remplacés par des moteurs de 15 forces. Il a également fait venir des États-Unis des pales plus performantes. « Les ventilateurs coûtent normalement près de 6 000 $ chacun. Mais grâce à nos démarches, nous en avons installé quatre pour le même prix », se réjouit-il.
Jusqu’ici, l’air chaud tiré par les ventilateurs n’exigeait pas que l’entretoit et le conduit d’appel d’air soient parfaitement étanches. La pression d’air y était négative. Ce n’est plus le cas sous les ventilateurs. La pression y devient positive et monte considérablement.
C’est pourquoi le tunnel dans lequel cet air sous pression circule a été recouvert de mousse d’uréthane pour éviter les fuites. L’objectif est de forcer l’air chaud à s’échapper par l’ouverture à la base de ce tunnel pour qu’il s’injecte dans le réseau de petits corridors qui courent sous la tasserie. Leur base est étanche, mais leur partie supérieure est faite de lattes de bois suffisamment espacées pour que l’air chaud n’ait d’autre choix que de monter au travers du foin.
Nicolas doit s’assurer que cet air ne s’échappera pas le long des murs de la cellule. Pour y arriver, il positionne stratégiquement le foin selon sa compaction et son taux d’humidité. L’air chaud doit le traverser, et non le contourner. Il a constaté qu’il est préférable de remplir complètement une cellule pour la faire sécher. On utilise ainsi de façon optimale l’air chaud qui traverse le foin. Selon lui, il faut compter un mois pour atteindre le taux d’humidité désiré.
Un avantage non négligeable du système découle du fait qu’on peut y entreposer du foin trop humide. Dans un tel cas, on le dépose avec la griffe dans une cellule presque vide et on le laisse sécher. Quand il est à point, le producteur peut le transférer dans une autre section. Cette possibilité s’avère très intéressante lors d’étés pluvieux. Nicolas procède souvent au fauchage du foin en avant-midi pour le récolter sans autres traitements avec l’autochargeuse et le mettre en grange le lendemain après-midi. « C’est un foin d’une belle couleur, d’une bonne odeur et sans poussière », se félicite-t-il.
Griffe à fourrage
Parmi les investissements importants du projet, il fallait considérer l’achat de la griffe à fourrage. Celle-ci vaut 40 000 $, auxquels Nicolas a dû ajouter environ 30 000 $ pour l’installation des deux rails de 67 m de son pont roulant. C’est un équipement fait sur mesure pour ce type de grange puisque le foin doit être déplacé dans les cellules et y être repris par la suite pour soigner les animaux.
Le pont roulant est composé de deux rails qui font toute la longueur de la grange. Nicolas les a installés durant les mois qui ont précédé l’arrivée de la griffe. Il aura fallu y mettre beaucoup de travail et accorder une grande attention au moment de leur installation pour s’assurer de leur solidité. Le poids du foin soulevé par le bras télescopique de la griffe peut atteindre une tonne. Il exerce un effet de levier sur ces rails. Plus le bras télescopique est allongé – il peut atteindre près de 10 m –, plus cet effet est grand. C’est encore plus vrai quand la machine soulève et transporte d’un bout à l’autre de la grange de grosses balles carrées et les très lourdes balles rondes d’ensilage.Évidemment, c’est la griffe à fourrage qui impressionne d’abord le visiteur. Cet équipement, au fonctionnement très spectaculaire, est peu connu au Québec. C’est une autre histoire en Europe, où il est beaucoup plus répandu. La griffe à fourrage Stepa de Steindl-Palfinger, achetée par la Ferme Appalaches, vient de Suisse. Elle pèse une tonne et est arrivée prête à être installée; il ne restait qu’à fixer la griffe au bras télescopique.
Un rail électrique longe les deux rails de support et fournit l’électricité qui fait tourner le moteur. Bien entendu, ce moteur européen fonctionne à l’électricité de 400 volts. Nicolas a donc dû installer un transformateur pour ramener à ce niveau les 600 volts de la ferme. Il fait tourner deux pompes hydrauliques qui actionnent tout le système.
Selon le producteur de lait, c’est une machine conviviale qui réduit à presque rien les traditionnels efforts physiques associés à l’éreintante corvée des foins. Nicolas-Joseph, son fils de 22 ans, a démontré beaucoup d’aptitude à la manœuvrer. En peu de temps, cette machine est devenue un jeu d’enfant pour lui.
Comme pour tout appareil motorisé, il faut une bonne capacité de concentration pour l’utiliser avec efficacité et en toute sécurité. « Tous les membres sont sollicités pour assurer son fonctionnement », explique Nicolas.
Une pédale à gauche fait avancer ou reculer la machine sur les rails, et une autre à droite allonge ou raccourcit le bras télescopique. De la main gauche, l’opérateur manipule un levier qui ouvre la griffe ou fait pivoter la machine sur 360 degrés. En enfonçant un bouton situé sur ce même levier, c’est la griffe qui tourne sur elle-même. De la main droite, l’opérateur contrôle le relevage du bras télescopique et l’angle vertical ou horizontal de la griffe à foin.
NDLR : Nicolas Laliberté a fait la page couverture de L’Utili-Terre du mois de mai 2005. Il était le « Patenteux du mois » et nous présentait alors ses inventions.