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Je viens de souffler ma troisième bougie de travail pour Au cœur des familles agricoles. C’est fou comme le temps passe vite, surtout quand on aime ce qu’on fait! Mais qui dit chandelle de plus dit aussi bilan. Parce qu’au-delà du bonheur et de la fierté que cela m’apporte de vous côtoyer tous les jours, j’ai pu vivre de la colère, ressentir de l’impuissance, observer de la grogne ou de la résignation face à des injustices et des iniquités dans le monde agricole qui m’entoure. En ce sens, j’ai envie de vous partager quelques observations réalisées au fil de mon expérience comme travailleuse de rang.
Dans un premier temps, sachez que vous avez tout à fait le droit de ne pas être en accord avec mes points – je n’ai pas peur des divergences d’opinions – et si vous voulez enrichir mes réflexions, ce sera toujours un grand plaisir d’échanger avec vous.
J’ai envie de commencer en parlant de « course à la croissance ». C’est-tu juste moi qui la ressens? Évidemment que non. Pour être rentable, pour pouvoir embaucher de la main-d’œuvre, je vois chaque jour des gens qui font le choix de grossir leurs entreprises en espérant avoir une meilleure qualité de vie. Ils font ce choix même si au fond, ils n’ont pas envie de le faire. Les divers intervenants agricoles sur le terrain mettent aussi une certaine pression pour mettre un robot de plus, pour financer « X » machinerie ou acheter « Y » terre… mais au bout du compte, c’est le producteur, la productrice qui fait de l’insomnie parce que le fardeau financier est finalement beaucoup moins rose à vivre au quotidien. Plusieurs se sentent engloutis par le système. Pris au piège dans une spirale sans fin. Est-ce qu’on veut vraiment un type de modèle agricole « unique » où il y a toujours de moins en moins de fermes, et où elles sont toujours de plus en plus grosses? Un modèle où ce sera chacun pour soi, et si on peut faire une « jambette » à son voisin pour espérer mettre la main sur ses acquis, on va le faire? Parce que soyons franc, parfois, ça joue « vicieux ».
Sur le continuum de la croissance, on croise également le « statut quo » et la décroissance. J’entends, de temps à autre, des discours plus ou moins assumés (parce que t’sais, c’est un peu à contre-courant!) sur le fait de vouloir réduire la taille de certaines entreprises. J’entends des gens qui me disent choisir de demeurer comme ils sont. Qu’ils ne cherchent plus à grossir parce que de toute façon, il n’en reste pas plus épais dans le portefeuille et que la charge de travail n’est pas moindre, elle est juste déplacée. J’entends des gens me dire qu’ils ne souhaitent plus être dépendants des travailleurs étrangers, des congés de capitaux ou de d’autres mesures « plasteurs ». Ça me fascine que dans plusieurs scénarios, réduire ou se maintenir ne soit pas viable financièrement. Je suis peut-être naïve, mais pourquoi toutes les tailles d’entreprises ne pourraient pas avoir leur place? Ça serait le fun que dans notre discours populaire, on arrête de percevoir cela comme un recul, comme un triste pas en arrière. On juge trop souvent l’entreprise (et son propriétaire) en fonction de sa taille. En nous limitant à une seule option de réussite, nous oublions l’humain derrière, car, peu importe le choix, il n’y a rien de facile. Rien n’est blanc ou noir.
De tous les côtés du continuum, je vois des gens qui se rendent malades. Des gens qui veulent juste faire de l’agriculture, nourrir le monde dans une dimension d’entreprise qui leur ressemble. Je rêve à l’idée que notre Québec puisse se doter de structures qui permettent de respecter le rythme de chacun, et vous?
Besoin d’aide?
Si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Pour l’aide d’un travailleur de rang, contactez le 450 768-6995 ou par courriel [email protected].