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Le ministre de l’Environnement du Québec s’apprête à fixer un seuil de concentration limite de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) présents dans les biosolides municipaux qui sont épandus sur les terres agricoles. Ces contaminants chimiques synthétiques, dits émergents, font l’objet d’une surveillance, mais ne sont pas encore soumis à des niveaux de concentration maximaux, contrairement à d’autres contaminants comme les métaux lourds.
« Il est suggéré entre autres qu’ils soient limités à un seuil maximal de concentration de 10 [parties par million (ppm)], ce qui serait une première en Amérique du Nord. Ces seuils ont été pensés en fonction du risque d’accumulation dans les sols et des plus hauts standards en vigueur actuellement », a fait valoir le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), Benoit Charrette, lors du congrès de l’Ordre des agronomes du Québec, le 20 octobre.
L’approche proposée repose d’abord sur l’analyse de trois indicateurs dans les matières résiduelles fertilisantes (MRF) : « Un pour évaluer la concentration globale et deux plus spécifiques pour mesurer les composés les plus suivis mondialement, soit l’acide perfluorooctanoïque [APFO] et l’acide perfluooctanesulfonique [PFOS] », a détaillé le ministre.
Ces analyses permettront ensuite de classer les MRF dans trois catégories. Agathe Vialle, agronome et conseillère à la direction de la matière organique au ministère de l’Environnement, a précisé que l’objectif est de « moduler ce qu’on peut faire avec les activités de recyclage de ces matières ». Elle a expliqué que les biosolides de la catégorie C1 pourront continuer d’être épandus normalement; ceux de la catégorie C2 imposeront « une certaine précaution pour limiter la pression d’accumulation par les épandages », alors que ceux de la catégorie C3 ou « hors catégorie » ne pourront pas être épandus avant que la source de contamination soit identifiée auprès du fournisseur dans le but de la réduire. « Un peu comme on l’a déjà fait avec le plomb il y a quelques années », a comparé Mme Vialle.
Le ministre Charest a invité les agronomes présents le 20 octobre à commenter cette proposition par l’intermédiaire de leur ordre.
Plus sévère que la norme fédérale
Le seuil proposé par Québec s’applique donc à plus d’un type de PFAS et va au-delà de la norme provisoire de 50 ppm de sulfonate de perfluorooctane (PFOS) que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a mise en place le 19 mai 2023, après la diffusion de différents reportages qui ont suscité l’inquiétude sur la présence des contaminants émergents dans les biosolides importés des États-Unis et épandus sur des terres agricoles du Québec. C’est également à la suite de ces reportages que le ministre de l’Environnement du Québec a imposé un moratoire temporaire sur l’épandage des matières américaines, le temps de réajuster sa réglementation. Un comité sur les biosolides, dont font partie différents spécialistes et organisations comme l’Ordre des agronomes du Québec, a par la suite été formé pour se pencher sur une stratégie de réglementation de ces contaminants émergents dans les MRF.
Des matières fertilisantes « qu’il ne faut pas démoniser »
Selon Sophie Saint-Louis, agronome spécialiste du recyclage des matières résiduelles fertilisantes (MRF), les biosolides municipaux ont des qualités fertilisantes comparables à celles que l’on retrouve dans les lisiers ou les fumiers animaux, et ce serait donc « un gaspillage de détourner ces matières vers l’enfouissement ». « Ne démonisons pas ces matières-là! Ce sont de très belles matières [pour la fertilisation], mais, en même temps, il ne faut pas lâcher prise sur le contrôle, la vérification et les recherches », a-t-elle exprimé dans un panel de discussions sur la perception des biosolides municipaux dans l’opinion publique, le 20 octobre, lors du congrès de l’Ordre des agronomes du Québec.
L’agronome à l’emploi de Viridis environnement, une entreprise spécialisée en gestion de matières résiduelles fertilisantes, estime que la meilleure approche à adopter par rapport aux craintes entourant la présence de PFAS dans ces matières serait d’identifier les sources de la contamination pour les réduire. « Ça s’est déjà vu dans le passé dans les lisiers et les fumiers animaux.
On a détecté certaines contaminations – je pense au cuivre et au zinc entre autres dans les lisiers porcins. On ne s’est pas dit qu’on allait arrêter de les épandre. On est plutôt allé régler le problème en amont, en changeant l’alimentation des porcs. C’est la même chose pour les MRF. S’il y a un problème, le principe de précaution n’est pas de dire ‘‘On arrête tout’’, parce que les avantages d’utiliser des MRF sont beaucoup trop importants », estime-t-elle.