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L’industrie bovine implique une foule de données coïncidentes où chaque détail compte. Dans la multitude d’ajustements qu’amène le changement des saisons, une régie adaptée permet de tirer profit de chaque intervention. De quoi les animaux ont-ils besoin, et quoi surveiller cet hiver?
La cote de chair
Premier indice de la condition de l’animal, cette donnée cruciale évaluée sur une échelle de 1 à 5 influencera toutes les décisions. Si les vaches sont maigres au retour du pâturage à l’automne, il faut immédiatement améliorer leur état. Les besoins d’entretien des vaches augmentent jusqu’à 40 % pendant l’hiver et la fin de la gestation. Une vache de 1 400 lb (635 kg) devra prendre environ 200 lb (90 kg) pour passer d’une note d’état corporel de 2,0 à 3,0. Pour effectuer ce changement en 90 jours, il faut 20 % d’énergie en plus comparativement à une vache qui maintient son état; pour le faire en 60 jours, il faut 30 % d’énergie en plus. Résultat : il sera de 20 à 30 % plus coûteux d’essayer d’améliorer l’état corporel pendant l’hiver. « La condition de chair a un effet sur l’efficacité de reproduction et l’immunité, de même que la santé et la croissance des vaches », confirme Bernard Doré, agronome et conseiller technique membre du Groupe Bovi-Expert, qui fixe l’objectif à 2,5 ou 3. « On obtient alors un taux de gestation plus élevé, des retours en chaleurs plus rapides, des périodes de saillies et de vêlage plus courtes, une production laitière plus élevée et une meilleure qualité du colostrum », souligne-t-il.
Une alimentation adaptée aux besoins
Les besoins en nutriments varient en fonction de l’état, mais également de la classe, de l’âge et du stade de production de l’animal. Les conditions environnementales influencent aussi la teneur en nutriments des aliments : ce facteur joue un rôle important dans la planification hivernale. « Après la saison de récolte, la première priorité pour les producteurs devrait être de réaliser un inventaire des lots de fourrages disponibles, tant au niveau des quantités que de la qualité », soutient l’agronome Jean-Philippe Laroche, expert en production laitière – nutrition et fourrages chez Lactanet. « Avec ces informations en main, les producteurs pourront discuter avec leur conseiller en alimentation de la meilleure stratégie à utiliser dans leur entreprise. À quels groupes doit-on donner en priorité les meilleurs fourrages? Et à quel niveau dans la ration? » Pour sa part, Bernard Doré préconise d’adapter les stratégies de régie et l’alimentation selon trois groupes. « Les vaches adultes en bonne condition reçoivent du foin moyen. Les taures au premier veau et les deuxièmes vêlages reçoivent un foin de meilleure qualité, et une supplémentation si nécessaire. Les vaches maigres et plus âgées obtiennent un foin de bonne qualité. Et tous, sans exception, reçoivent des vitamines et minéraux en tout temps », recommande-t-il.
Une eau de qualité et en quantité
En matière de nutrition, M. Doré rappelle d’ailleurs que l’eau, qui constitue entre 50 et 80 % du poids vif d’un bovin, demeure le plus important des nutriments. « Elle agit sur la fonction immunitaire, le taux de gain, la quantité et la qualité du lait, le métabolisme et la performance globale des animaux, en plus de favoriser l’ingestion d’aliments », souligne-t-il, et ce n’est pas anodin : les veaux qui consomment de l’eau de qualité en quantité peuvent gagner jusqu’à 9 % de poids additionnel. « Des facteurs comme l’âge, le stade de production et la lactation vont influencer la consommation d’eau, mais la grosseur de l’animal, le taux d’humidité de la ration, le taux de grain et la consommation de matière sèche entrent aussi en ligne de compte », précise l’agronome, citant la température ambiante comme un autre élément souvent sous-estimé. « Pour une température entre -5 et 15 degrés, le besoin en eau par kilogramme de matière sèche ingérée se situe entre 2 à 4 litres », estime-t-il.
Le fourrage, dans tous ses états
Menu principal des rations, les fourrages ont été exposés à tous les aléas cet été. Comment composer avec une qualité moins qu’optimale? « Avec un niveau plus élevé de fibres et une digestibilité plus faible, les vaches ne seront pas en mesure de consommer autant de fourrages. La conséquence : une baisse de la productivité et/ou une augmentation de la quantité de concentrés », reconnaît Jean-Philippe Laroche. S’il n’existe pas de solutions miracles pour stimuler la consommation de fourrages, quelques stratégies peuvent améliorer vos chances. « La gestion de la mangeoire doit être une priorité », soutient-il, citant l’accès constant à des aliments frais et appétents, un niveau de refus entre 3 et 5 %, la fréquence d’alimentation et le repoussage régulier des aliments comme des points cruciaux. « Il faut aussi diminuer la compétition à la mangeoire. S’il y a trop de vaches pour l’espace disponible, les vaches dominées ne mangeront pas assez », souligne M. Laroche.
Un manque de lumière peut également diminuer l’ingestion : il faut viser 200 lux à la mangeoire, dit-il.
Le hachage des fourrages représente une autre option, à employer avec circonspection. « Avec des fourrages trop matures, il a été démontré que d’avoir des particules moins longues pouvait aider les vaches à maintenir leur ingestion et leur productivité. Mais, attention : le hachage peut avoir une influence considérable sur le test de gras, et chaque ration est différente. Une discussion avec le conseiller en alimentation s’impose », recommande M. Laroche.
Effets de la cote de chair (CC) sur la production
Cote | Taux de gestation (%) | Intervalle de vêlage (jours) | Oestrus 60 jours après vêlage | Poids au sevrage (lb) | Mortalité des veaux (%) |
2,0 | 61 | 381 | 92 | 460 | 3 |
2,5 | 86 | 364 | 92 | 515 | 3 |
3,0 | 93 | 364 | 100 | 515 | 3 |
3,5 | 95 | – | 100 | – | – |
4,0 | 75 | – | – | – | – |
Source : Beef Cattle Research Council (BCRC)
Des champignons dans les rations?
Autre conséquence des pluies estivales, certains agents indésirables seront à surveiller. « Cette année, les producteurs devront être attentifs au niveau de mycotoxines, surtout dans les aliments à base de maïs ou de céréales à paille », soulève M. Laroche.
L’essentielle vaccination
À l’instar d’une alimentation de qualité, la nécessité d’un bon protocole vaccinal n’est plus à prouver. Le protocole pour votre troupeau dépendra entre autres de votre régie et de l’historique des maladies contagieuses dans ce dernier. Certains des éléments de base incluront des vaccins contre la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), le virus de la diarrhée virale bovine (BVD), le virus respiratoire syncytial bovin (BRSV) ainsi que contre les maladies clostridiales. Le Dr Antoine Bourgeois, M. V. spécialiste du suivi des troupeaux chez les bovins laitiers et les bovins de boucherie, préconise l’approche la plus complète possible. « En prévention de base, je recommande un vaccin intranasal pour les veaux à la naissance, avec IBR, PI3 et BRSV », explique le Dr Bourgeois. « Le bon vaccin donné dans la bonne période sera plus efficace, c’est un fait, mais il peut y avoir une certaine latitude sur le moment de l’administrer », nuance le vétérinaire, qui juge une fenêtre d’intervention dans les sept premiers jours de vie fonctionnelle dans un contexte de prévention générale. « Il faut tenir compte de l’historique du troupeau », soulève-t-il toutefois. « Si on constate l’apparition d’un problème chez les veaux âgés de cinq jours, on va recommander de vacciner dans les 24 premières heures. Ces situations seront gérées individuellement dans chacun des troupeaux », résume le Dr Bourgeois, qui cite le protocole de vaccination exigé par Les Producteurs de bovins du Québec pour la protection des troupeaux reproducteurs comme la référence dans l’industrie.
Rappelons que depuis le 1er août 2023, un protocole de vaccination offrant la protection fœtale (FP) pour la commercialisation de veaux d’embouche est en vigueur1. Selon l’un des deux scénarios proposés, tous les veaux sont vaccinés avec un vaccin vivant modifié (VVM) après l’âge de cinq mois. Les génisses sont revaccinées avec un VVM FP au moins un mois avant la première saillie, et toutes les vaches du troupeau sont vaccinées en post-partum avec un VVM FP ou un vaccin contre la diarrhée virale bovine (BVD) inactivé.
Réduire le stress du sevrage
Les veaux sont idéalement sevrés vers l’âge de 6 semaines, pour que les vaches puissent retrouver leur condition physique avant l’hiver et pour permettre une alimentation spécialisée de ces derniers. Ce processus est toutefois éprouvant pour le veau et sa mère. Les veaux stressés sont plus sensibles aux infections respiratoires et plus agités, ce qui affecte le taux de gain et peut entraîner des coûts de traitement importants. Le sevrage progressif, soit en deux étapes ou par la clôture, diminue les complications associées au sevrage abrupt traditionnel.
Sevrage en deux étapes :
- Les veaux portent un caveçon qui leur permet de rester avec leur mère, mais les empêche de téter.
- Au bout de 4 à 7 jours, les caveçons sont retirés et les veaux sont séparés de leur mère.
Sevrage par la clôture :
Les vaches et les veaux sont séparés pendant 3 à 4 jours par une clôture entre des enclos adjacents, mais ils peuvent se voir, s’entendre et se sentir.
Références :
Les Producteurs de bovins du Québec
Conseil de recherche sur les bovins de boucherie (BCRC)
1 https://bovin.qc.ca/wp-content/uploads/2022/07/2022-2023-Carton-vaccination-WEB-FR.pdf