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Précipitations records dans le sud, sécheresse et incendies à l’ouest, l’été a servi toute une brochette de défis aux agriculteurs du Québec. Comment se relever d’une saison compliquée et préparer nos sols pour l’hiver?
L’état des lieux
Selon Marie-Josée Cyr, agronome chez Fertior à Saint-Bernard, dans Chaudière-Appalaches, les corrections à apporter varient beaucoup d’une exploitation à l’autre. Par contre, réaliser un diagnostic est une approche universelle. « L’automne est un bon moment pour prendre conscience des problématiques. Est-ce un problème de drainage de surface ou souterrain? » soulève Mme Cyr, qui s’intéresse aussi aux plans de nivellement et aux diagnostics de drainage. « L’analyse de l’état des lieux consiste entre autres à vérifier l’efficacité des fossés et la réalisation des profils de sol », explique-t-elle. « Comparer les profils des zones de mauvais rendements avec les profils des zones qui ont bien fonctionné permet de cerner la problématique et le type de correctifs à réaliser. » Pour elle, un diagnostic établi à l’automne permet de planifier les travaux pendant l’hiver et d’organiser les spécialistes et équipements pour le printemps ou l’automne suivant. « Cela nous offre la latitude de proposer les avenues possibles et donne au producteur le temps de prendre la décision qui correspond le mieux à ses besoins de culture et son budget. Les cas qui se corrigent le mieux, et à moindre coût, sont ceux qui ont été bien planifiés », souligne-t-elle, d’autant plus qu’un problème comporte parfois différentes solutions. « Il est tout à l’avantage du producteur d’apporter le bon correctif pour la problématique spécifique de son champ. Le diagnostic évite des coûts supplémentaires pour reprendre des travaux qui n’ont pas eu d’effet », ajoute l’agronome, notant que l’efficacité des correctifs de drainage se mesure sur un cycle de culture complet, soit au moins un an.
PH et matière organique
Autre constat en Abitibi-Témiscamingue, où une sécheresse généralisée et des incendies à l’ouest ont sévi en début de saison. Selon Gauthier Debuysscher, agronome du Groupe Conseil Agricole de l’Abitibi-Témiscamingue, l’amélioration du pH des sols reste un enjeu prépondérant pour les agriculteurs du secteur. « Dans les champs cultivés, on va utiliser la biomasse pour rétablir la matière organique », explique-t-il.
« On va fertiliser avec du fumier et du lisier et rétablir un pH adéquat par des applications de produits chaulants, tels que des cendres », ajoute l’agronome, qui vise idéalement une valeur de pH entre 6,5 et 7, soit l’intervalle optimal pour la vie du sol. « Un pH ≤ 5 devient vraiment problématique, parce qu’on n’arrive pas à bien exprimer le potentiel du sol. » Les amendements de cendres semblent toutefois démontrer des résultats concluants pour plusieurs agriculteurs de la région, qui ont noté une amélioration notable dès la première application.
« Quand c’est possible, on vise un premier épandage en août, pour que la première minéralisation se fasse en automne et soit captée par la pousse de fin de saison. Cela valorise les excédents d’azote qui sont facilement minéralisables. Le reste sera minéralisé au printemps suivant, pour fertiliser la première coupe de l’année prochaine. Le fumier est valorisé lorsque le sol est portant et qu’il y a encore de la pousse », précise l’agronome.
Des végétaux « isolants »
Pour M. Debuysscher, l’arrivée de l’hiver implique aussi de prévoir l’absence partielle de couverture neigeuse, une nouvelle tendance qui risque de provoquer le gel des cultures en place lors des grands froids. Une façon de pallier ce problème est d’implanter des cultures de couverture à haut jet. « Des couverts végétaux plus élevés retiennent la neige », relate l’agronome. « Des cultures comme le radis ou mieux, la moutarde, qui peut atteindre près d’un mètre, vont agir comme un barrage. La neige s’accumule dans leur feuillage et forme une couche plus importante que dans d’autres champs balayés par le vent, et vient agir comme un isolant », illustre-t-il, notant toutefois qu’il faut les planter au plus tard le 15 août, afin d’assurer des températures clémentes favorisant la pousse avant l’arrivée des nuits froides.
Précieuses cultures de couverture
À l’instar de plusieurs régions du Québec, la MRC du Granit, en Estrie a reçu des quantités de pluie anormalement élevées. « La portance des sols en a été affectée tout au long de l’été. Cela a aussi causé de l’érosion et semble avoir augmenté le lessivage et la dénitrification de l’azote », rapporte l’agronome Anne Boily, du Club agroenvironnemental de l’Estrie. « À l’automne, le maintien d’une couverture du sol par des cultures pérennes ou des cultures de couverture est l’une des meilleures façons de limiter les risques d’érosion causée par les précipitations. Cela aide aussi à retenir les fertilisants comme les nitrates qui sont très solubles dans l’eau », précise Mme Boily. Il est maintenant trop tard pour faire l’implantation d’une culture de couverture dans la région, mais pas pour planifier l’an prochain. Cela se prévoit en même temps qu’on planifie la rotation des cultures, dit-elle. « Plusieurs options sont possibles : augmenter les superficies en prairie et pâturage, implanter un intercalaire en début de saison dans les cultures annuelles, ou implanter une culture après la récolte. Les choix des espèces, des méthodes et des dates de semis sont très importants si on veut maximiser ses chances de réussite. Une bonne discussion avec son conseiller est à prévoir! »
Pour Mme Boily, la saison qui vient de passer peut nous en apprendre beaucoup sur nos champs. « Les zones présentant des problèmes de drainage et d’égouttement sont facilement détectables. Les producteurs ne devraient pas hésiter à demander un diagnostic d’égouttement et de santé des sols afin de prévoir des travaux d’amélioration ou une modification des méthodes culturales. L’automne est un très bon moment pour le faire », conclut-elle.