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La hausse des taux d’intérêt frappe particulièrement les agriculteurs du Québec, eux qui ont gonflé davantage leur dette totale lors des cinq dernières années, comparativement à la moyenne canadienne. Selon Statistique Canada, la dette agricole totale en cours au Québec a augmenté de près de 44 % en 5 ans, passant de 18,9 G$ en 2018 à 27,2 G$ en 2022. Par comparaison, l’Ontario a vu sa dette agricole totale croître d’environ 28 %, atteignant 35,7 G$ en 2022 contre 27,9 G$ en 2018. Au Canada, la dette agricole totale en cours a enflé d’environ 30 %, passant de 106,7 G$ en 2018 à 138,5 G$ en 2022.
Les 8 G$ de dette supplémentaires qu’ont contractés les agriculteurs québécois depuis 2018 font mal dans la conjoncture actuelle, affirme le directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Charles-Félix Ross. « Ça fait longtemps que je suis économiste [dans le milieu agricole] et ce qu’on redoutait, la tempête parfaite, c’est en train de se produire. La dette agricole a connu un boum et les taux sont passés de 2 à 7 %. En plus, ce n’est vraiment pas une année facile sur le plan de la température. Les revenus ne sont pas au rendez-vous et il y a des dépenses extraordinaires. Je le dis, si le gouvernement n’injecte pas à très court terme des liquidités importantes, beaucoup d’entreprises seront au pied du mur, et obligées de liquider. Il n’y aura pas tant des faillites, mais des liquidations d’entreprise », craint-il.
Pourquoi autant d’endettement?
Le rythme d’investissement a pratiquement doublé depuis 2018 dans les fermes québécoises. Les faibles taux d’intérêt de l’époque ont motivé plusieurs agriculteurs à sortir le chéquier pour différents projets d’immobilisation, certains se sont conformés aux normes de bien-être animal.
À cela s’ajoutent les programmes d‘aide à l’investissement du gouvernement québécois, mentionne Charles-Félix Ross. Ces subventions offertes pour des investissements ciblés ont incité des producteurs à s’élancer dans un investissement qu’ils n’auraient peut-être pas réalisé tout de suite, mais par peur de perdre la subvention, ils ont foncé. Les subventions ciblées peuvent aussi favoriser l’inflation des prix des fournisseurs, fait-il remarquer. « L’aide à l’investissement n’est pas mauvaise; ça favorise rapidement un changement, mais ça amène ce genre de problèmes […] Je ne critique pas ce qui a été fait, mais la réalité, c’est que les producteurs ont financé ces investissements non pas par la croissance organique de leur entreprise, mais par l’emprunt. Alors, cette hausse de taux rapide, du jamais vu, a des effets négatifs, c’est un mauvais timing », précise l’économiste. Son organisation milite pour un meilleur filet de sécurité qui amènerait une meilleure stabilité. Avec la stabilité, les producteurs vont investir, assure-t-il, et sans avoir les effets négatifs de certains programmes d’investissement trop ciblés. Mais le directeur général de l’UPA sait toutefois que, pour les politiciens, les programmes d’aide à l’investissement représentent une meilleure visibilité politique que par exemple, une amélioration au Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles.