Un groupe de chercheurs chargé de fournir un avis scientifique sur les pratiques d’entaillage qui assureraient la durabilité de la production acéricole au Québec en est venu à la conclusion qu’il ne serait pas judicieux d’imposer des paramètres d’entaillage minimal et maximum uniformes pour l’ensemble des érablières.

« Il faudra s’adapter à la condition de chaque érablière », note la scientifique Élise Bouchard, qui a expliqué aux participants de la Journée forestière et acéricole du Centre-du-Québec, le 16 septembre dernier, les constatations et les conclusions de l’avis scientifique présenté au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Avec ses collègues Christian Messier et Gauthier Lapa, Élise Bouchard a passé en revue l’ensemble des études scientifiques portant sur les techniques d’entaillage et leur impact sur la santé des érablières.

D’emblée, les auteurs rappellent l’importance de s’attarder à la question étant donné que les érablières sont éprouvées par tous les changements planétaires (climatiques, agressions par les insectes et les maladies) dans un contexte de pression à la hausse sur la production acéricole.

« Qu’on s’entende bien, il n’est pas question d’être alarmiste », précise Élise Bouchard. « On ne dit pas que ce qui se fait au Québec est mauvais. On dit qu’il faut faire en sorte d’adopter des pratiques qui assurent la pérennité des érablières et cela, dans un contexte difficile pour les forêts. »

Pas de paramètres uniques et uniformes

Après avoir passé en revue l’ensemble des recherches effectuées au Canada comme aux États-Unis, les experts en viennent à la conclusion qu’il faut éviter d’imposer des paramètres uniques et uniformes dans les techniques d’entaillage des érables. « En fait, le diamètre de l’entaillage, de la perforation de l’écorce et le nombre d’entailles doivent dépendre de l’état de santé de l’érablière, de la vitesse de croissance des arbres », explique Élise Bouchard. 

Ainsi, les experts expliquent qu’il est capital de tenir compte de la blessure infligée à l’arbre et de sa vitesse de récupération.

« Lorsqu’on fait une entaille dans un arbre, on inflige une blessure à l’intérieur de la colonne de bois qui va mourir. Dans un contexte de pratique durable, il faut laisser à l’arbre le temps de produire du nouveau bois pour pouvoir faire une nouvelle entaille au même endroit. »

Les auteurs de l’avis scientifique ne croient pas qu’il faille imposer des paramètres uniques d’entaillage dans tout le Québec, principalement en raison des différences dans la croissance des arbres.

« Du point de vue biologique, ça n’a pas de sens d’imposer une norme unique », explique Élise Bouchard. « On ne peut pas dire que le diamètre idéal pour entailler un arbre devrait être, disons de 23 cm avec un chalumeau de 5/16 de pouce. Il faut vraiment tenir compte de la vitesse à laquelle l’arbre peut récupérer de ses blessures. Une norme unique pourrait pénaliser les propriétaires dont les exploitations sont situées dans des régions fertiles. À l’inverse, on pourrait aussi pénaliser ceux qui ont des érables sur un sol pauvre, qui croissent plus lentement et qui pourraient mal supporter les normes minimales. » 

Les scientifiques recommandent donc aux propriétaires de faire un suivi de la croissance de leurs érables pour adapter leurs pratiques d’entaillage en fonction de la capacité des arbres à se régénérer.

Dans leur avis, les auteurs proposent un tableau de recommandations d’entaillage qui tient compte de l’état de santé des arbres et de leur vitesse de croissance, donc de leur vitesse de récupération.

Ce texte est tiré de l’édition du 4 octobre 2023 du cahier spécial Les saveurs subtiles du sirop d’érable.