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L’engouement pour les produits biologiques est indéniable et l’offre continue de se diversifier au Québec. Selon QuébecBio, 3 200 entreprises d’ici ont proposé pas moins de 11 300 produits biologiques aux consommateurs en 2022. Mais au-delà de l’étiquette, comment confirmer l’intégrité « bio » des aliments?
Selon Christophe Cordella, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval et responsable du Laboratoire de recherche et de traitement de l’information chimiosensorielle (LARTIC), un outil pourrait bientôt fournir une réponse à cette question. En collaboration avec l’Institut polytechnique UniLaSalle à Beauvais, l’équipe du professeur Cordella participe au projet TOFoo (True Organic Food). Ce concept innovant permettra d’assurer l’authenticité biologique des produits agricoles sur toute la chaîne de production. Piloté par la société française Eurofins, ce grand chantier pluridisciplinaire qui implique plusieurs spécialistes de l’agroalimentaire, de l’analyse en laboratoire et du numérique entend instaurer un nouveau service d’analyses utilisant des algorithmes d’intelligence artificielle.
L’empreinte chimique des aliments sous la loupe
La particularité du projet TOFoo consiste à sortir du modèle d’analyse chimique traditionnel, en préconisant une analyse non ciblée des aliments. « Habituellement, les chimistes des laboratoires de contrôle utilisent des outils capables de doser et de quantifier une ou plusieurs molécules connues dans les aliments. Cette façon de procéder a fait ses preuves, mais nécessite de savoir quoi chercher. Comment faire lorsqu’on ne connaît pas à l’avance la nature des composés chimiques recherchés? » soulève le professeur Cordella, notant que dans le contexte de l’agriculture bio versus conventionnelle, les marqueurs chimiques qui déterminent si un produit a été conçu selon des procédés biologiques ne sont pas encore connus.
L’équipe du professeur Cordella collecte ainsi des centaines de gigaoctets d’informations sur des milliers d’échantillons. « Pour discriminer l’échantillon bio du non bio, il faut trier, sélectionner, isoler. Cette expertise en traitement des données et celle de l’équipe du LARTIC développent des modèles informatiques capables de reconnaître les catégories “biologique” et “conventionnel” des produits selon leur signature chimique », explique le chercheur. Pour ce faire, les modèles se réfèrent à des milliers d’échantillons compris dans six matrices alimentaires : le lait, le blé, la carotte, la tomate, la pomme et le jus de pommes.
« Pour chacune de ces matrices, nous collectons sur l’ensemble du territoire français plusieurs centaines d’échantillons bio et autant d’échantillons conventionnels. Une fois les empreintes analytiques obtenues, mon équipe commence le processus d’exploration des données, sélectionne les parties pertinentes et crée des centaines de modèles statistiques », relate-t-il. « Parmi ces modèles, plusieurs sont des modèles IA que l’on entraîne à reconnaître les échantillons bio et non bio. Après plusieurs heures d’apprentissage, nous sélectionnons les meilleurs modèles : grâce à une procédure que nous avons établie, ces modèles sont invités à “voter”, comme pour des élections. L’échantillon est identifié bio ou non bio selon l’avis majoritaire de nos modèles », vulgarise le chercheur, observant que cette technique permet d’optimiser les performances, la fiabilité des résultats et la pérennité des modèles dans le temps.
L’authenticité, du labo au marché
À terme, l’objectif est de rendre ce système accessible aux producteurs, commerçants et coopératives agricoles grâce à une solution commerciale facile à utiliser. Les analyses d’authenticité développées dans le cadre du projet seraient réalisées au moyen d’appareils portables sur des échantillons fournis; suivant les « pré-alertes » émises, l’intégrité biologique des aliments serait ensuite confirmée par les méthodes de laboratoire.
Porté par un consortium de 10 partenaires et un budget de 17,3 millions d’euros, l’outil TOFoo sera accessible aux utilisateurs commerciaux vers la fin de 2025.