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La récolte des céréales déçoit de nombreux producteurs, autant en matière de volumes que de qualité. Plusieurs sont même aux prises avec des récoltes dont le niveau de toxine est élevé, faisant chuter la valeur du grain.
À Mirabel, dans les Laurentides, Christian Castonguay parle tout simplement de sa pire récolte de blé à vie. « Cette année, le blé, c’est catastrophique! Je ne ferai pas une cenne. Je risque même d’être déficitaire. Ceux qui sont endettés, je ne sais pas comment ils vont faire. Pourtant, la récolte s’annonçait écœurante. J’ai pris une photo le 10 juillet. Les caboches étaient grosses. J’ai dit à ma femme : « On va t’avoir toute une récolte! » Le problème, c’est qu’après, on n’a pas eu de soleil. Les grains n’ont pas grossi », raconte-t-il.
Le producteur a ainsi obtenu trois tonnes à l’hectare, lui qui est habitué d’en avoir de quatre à cinq. Celui qui cultive un total de 117 hectares se console en étant optimiste de vendre son blé pour l’alimentation humaine, étant donné qu’il est tout juste sous le seuil accepté de 4 % de grains fusariés. Sa stratégie de l’avoir « sorti du champ », même si le blé était encore à 18 % d’humidité, et de l’avoir séché fait en sorte que sa récolte devrait classer pour la consommation humaine.
Généralisé
Sur les médias sociaux, les commentaires à l’égard de la récolte de céréales sont loin d’être élogieux. « Derniers champs de blé. Enfin, c’est fini! Une récolte de m…. », a-t-on pu lire. « Je pensais avoir une centaine de balles de paille à vendre. Finalement, on va en acheter 130 », a écrit un autre producteur, en faisant référence à la faible production de paille de ses céréales.
Selon l’agronome Élisabeth Vachon, qui suit les cultures de blé à travers le Québec pour les Moulins de Soulanges, la saison 2023 est à oublier. « Que ce soit le blé d’automne ou de printemps, le rendement n’est pas là. C’est dû au manque de soleil et aussi au fait que le blé était un peu malade avec la présence de rouille et de blanc, qui ont diminué les rendements considérablement. Il y a des producteurs qui n’ont pas récolté grand-chose », résume-t-elle.
De mauvaises décisions
Au chapitre de la qualité, Élisabeth Vachon remarque beaucoup de problèmes de fusariose dans le blé de printemps, et certains champs très « infestés » de toxines, en Estrie notamment. Le blé d’automne s’en est mieux tiré pour les toxines, dit-elle, mais l’indice de chute est souvent sous les attentes, surtout pour des champs où les producteurs ont pris la mauvaise décision d’attendre avant de récolter. Ils voulaient ainsi économiser sur les frais de séchage en laissant le grain mûrir davantage, mais la pluie les a ensuite empêchés de revenir au champ et la récolte s’est gâchée, observe-t-elle.
Un conseil d’or cette année : attention à l’entreposage. Des grains fusariés entreposés avec d’autres grains qui sont un peu trop humides ou mal ventilés contamineront l’ensemble du silo. Même chose pour les déchets de récolte comme des fragments de tiges, ou de mauvaises herbes, qui deviennent des vecteurs de contamination. Elle recommande de prendre des échantillons des récoltes, de les faire analyser et de ne pas mélanger les lots.
Un grand potentiel de prix à la hausse pour le blé humain
La mauvaise qualité des céréales au Québec et la faible récolte dans l’Ouest canadien mettent la table pour une augmentation des prix des récoltes qui afficheront une qualité suffisante pour être vendue à la consommation humaine. « Des producteurs m’appellent. J’entends des histoires d’horreur pour les céréales de printemps. Alors ceux qui ont de la qualité auront une bonne prime. Le blé, l’orge, même chose pour l’avoine de qualité, si vous en avez, ne vous pressez pas de les vendre. Le prix va peut-être exploser », souligne Ramzy Yelda, analyste principal des marchés chez les Producteurs de grains du Québec. L’inverse est aussi vrai : le blé présentant trop de toxines se vend au rabais pour le marché de l’alimentation animale, constate M. Yelda. « Je le dis et le redis : faites analyser des échantillons représentatifs de vos récoltes pour savoir ce que vous avez à vendre », recommande-t-il. Même son de cloche du côté de Jean-Philippe Boucher, consultant en commercialisation des grains pour Grainwiz. Il prédit une légère baisse de prix pour le blé destiné à la consommation animale. « Il y en a en masse au Québec. Je pense que le creux pourrait être à 290 $/t. » Par contre, dans le blé de consommation humaine, le gros défi des minoteries sera d’en trouver, dit-il. « Présentement, il est autour de 350 $-400 $/t, mais je vois un plus grand potentiel de hausse de prix dans le blé de consommation humaine que dans tous les autres types de grains, comme le maïs et le soya », indique-t-il.