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Il fut un temps où l’on défrichait les terres pour leur donner une vocation agricole et implanter des cultures annuelles. À cette époque, personne ne se posait de questions, car sans cette stratégie, il n’y avait rien à manger. D’ailleurs, on le faisait aussi pour construire des routes et des usines.
Des décennies plus tard, on fait le contraire pour réduire l’empreinte environnementale de l’activité humaine. Les connaissances scientifiques ont prouvé la nécessité de mettre en place des stratégies inverses. Ainsi, avec l’adoption de certaines pratiques agronomiques reconnues, on minimise l’impact de l’activité de production des denrées alimentaires sur les ressources naturelles et les écosystèmes.
Au Québec, le secteur agricole a adhéré au Plan d’agriculture durable (PAD) 2020-2030. Les Producteurs de grains du Québec (PGQ) y contribuent en mettant en œuvre des projets de transfert de connaissances et de sensibilisation auprès des producteurs sur des actions reconnues pour leur contribution dans l’atteinte des objectifs du PAD. La particularité du PAD est qu’il précise des objectifs sectoriels à atteindre au cours des prochaines années. La question est la suivante : advenant que l’on ait atteint – ou même que l’on dépasse – les objectifs du PAD, est-ce que l’ensemble de la production agricole aura atteint le sommet et sera « certifiée » durable? Modestement, on dira non!
Loin de la sphère du PAD, de nombreux concepts menant à la certification de la production agricole comme « durable » existent partout dans le monde. Nommons par exemple la Farm Sustainability Assessment (FSA), l’agriculture régénératrice et l’agroécologie, qui ne sont en fin de compte que des modes de production qui respectent certains critères préalablement définis. Sans détailler chacun d’entre eux, le dénominateur commun de ces concepts consiste à protéger les ressources naturelles et à les utiliser d’une façon plus rationnelle en produisant des aliments sains et sans risques pour l’environnement et la santé.
Deux approches
La mise en œuvre du PAD ou le recours à une certification de durabilité constituent deux approches pour préserver les ressources et réduire l’empreinte environnementale de la production agricole. La première est le fruit de résultats collectifs qui profitent à la société dans son ensemble, mais qui dépendent des efforts communs de tous les secteurs de production, sans par ailleurs que ceux-ci ne perçoivent de revenus en contrepartie. La deuxième est quant à elle basée sur la performance de la ferme individuellement ou d’un groupe de fermes du même secteur de production. La certification de durabilité est un modèle selon lequel l’utilisateur du produit agricole reconnaît l’effort du producteur et le récompense pour cet effort. Cela se manifeste dans l’écart de prix à l’achat du produit agricole (pour une consommation finale ou une utilisation intermédiaire).
Intuitivement et théoriquement, le producteur tirera son épingle du jeu en optant pour une certification ou un mode de production pour lequel le marché valorise son travail et le rémunère, car s’il choisit plutôt de faire un effort pour la collectivité, il ne perçoit aucune compensation de la part du marché.
Alors, devrions-nous craindre le relâchement des efforts déployés pour l’implantation de pratiques de production durable? Heureusement, ce scénario est moins probable. Les raisons sont à la fois simples et nombreuses. En effet, un producteur de grains ou d’une autre commodité est avant tout un citoyen et partage donc les mêmes préoccupations que ses semblables s’il y a un risque de détérioration des ressources naturelles, avec lesquelles il vit déjà une symbiose permanente. Ainsi, même sans une prime pour la certification du produit, le producteur ne peut être nonchalant. Outre l’esprit citoyen des producteurs agricoles, les règlements et la pression sociétale sont des facteurs additionnels auxquels ils doivent prêter attention, même s’ils ne sont pas rétribués pour les respecter.
D’une façon générale, l’utilisateur et le consommateur d’une denrée alimentaire paient pour la certification, quand elle existe, et cela pour chaque produit. Le producteur déploie quant à lui des efforts en continu pour répondre à des attentes, même s’il n’est pas rémunéré pour ces efforts ou ne l’est pas d’une façon adéquate. En définitive, tout le monde paie pour la durabilité des ressources, chacun selon ses attentes et dépendamment de sa position dans la chaîne de valeur. La seule situation de perte se produirait lorsqu’un principe considéré comme durable aujourd’hui le serait moins dans quelques années et qu’on aurait entre-temps mobilisé beaucoup de ressources et d’efforts pour l’implanter, le tester et le promouvoir.