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SHERBROOKE – « Nos champignons piquent la curiosité. À chaque marché public où nous allons, c’est notre kiosque qui est le plus achalandé. Les gens posent beaucoup de questions. Ils veulent savoir comment les mettre dans leurs assiettes », raconte Julie Forest, qui a lancé la ferme baptisée Le Réseau souterrain, à Sherbrooke, l’automne dernier.
Avec son partenaire d’affaires Ignacio Fernandez, cette jeune trentenaire fait partie de la nouvelle vague de producteurs québécois de champignons, dont on observe l’émergence depuis quelques années. Selon le ministère de l’Agriculture du Québec, leur nombre a plus que doublé dans la province en l’espace de cinq ans, passant de 33 à 78.
Devant cet engouement, Julie Forest et Ignacio Fernandez n’ont pas hésité à louer un bâtiment de ferme désaffecté pour y installer un conteneur maritime converti en serre. Rapidement, leur production a trouvé preneur dans les marchés locaux et chez les restaurateurs des environs.
Les deux agriculteurs doivent occuper des emplois d’appoint en attendant que leur entreprise prenne réellement son envol. « Mais nous sommes chanceux, car nous sommes seuls dans la région. Dans la région de Montréal, le nombre de champignonnières s’est multiplié en l’espace de quelques années », indique M. Fernandez.
Montée en popularité
La forte demande pour les pleurotes, shitakés et autres pholiotes a fait naître plusieurs nouvelles fermes mycologiques, confirme Marc Brettschneider, qui a fait figure de défricheur, en 2013, en créant les Fermes Amelium, à Saint-Lazare, en Montérégie.
« La ferme Blanc de gris et moi, nous étions les seuls producteurs dans la région à l’époque. Mais depuis huit ans, une quarantaine d’autres fermes de champignons sont apparues », dit ce diplômé en agronomie, tout heureux de voir son industrie prendre de la maturité.
Selon M. Brettschneider, l’avènement d’une masse critique de champignonnières permettrait la création d’une véritable filière mycologique québécoise, composée de fournisseurs, d’équipementiers et de transformateurs. Les Fermes Amelium ont d’ailleurs arrêté leur culture de champignons, ce printemps, pour se concentrer sur la production de semences.
« Plus besoin pour les producteurs d’ici d’importer leurs semences des États-Unis. Je peux leur fournir un produit de meilleure qualité, fait avec des grains du Québec, qui risque moins d’être contaminé, puisqu’il voyage moins », fait valoir le semencier.
Contact direct
« Un circuit est en voie de se développer », affirme Daniel Vogt, qui, avec son partenaire Vathana Len, a créé en 2020 la ferme urbaine Full Pin dans l’arrondissement montréalais de Hochelaga-Maisonneuve.
« La possibilité d’acheter ses intrants au Québec facilite bien des choses. On utilise tous le même matériel, on rencontre les mêmes enjeux et on s’entraide les uns les autres. »
Les deux entrepreneurs ont rapidement fait leur niche auprès des restaurants montréalais et quelques épiceries fines. La popularité de leurs produits s’explique par un nouvel intérêt culinaire et une nouvelle façon de s’alimenter des Québécois, croit M. Vogt. « Le marché est en développement. Il y a de la demande à satisfaire », se réjouit-il.
Projet pour bricoleurs
Les jeunes agriculteurs doivent faire preuve de débrouillardise pour bâtir une champignonnière à environnement contrôlé à un coût abordable et d’une efficacité maximale, indique l’Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux dans une fiche technique publiée l’an dernier.
« C’est beaucoup d’heures passées sur YouTube, de discussions avec d’autres producteurs, ainsi que d’essais et d’erreurs », confirme Ignacio Fernandez, du Réseau souterrain. « Il n’existe pas de fabricants d’appareils spécialisés pour les champignonnières. Pourtant, nous en aurions besoin pour passer à un rythme industriel. »
Ce type d’équipement existe ailleurs, rétorque Marc Brettschneider, des Fermes Amelium. « Mais les fabricants n’offrent pas de modèle d’entrée de gamme. Ils vendent un système à 10 M$ ou rien du tout. C’est comme si un producteur de grains avait le choix entre la moissonneuse-batteuse dernier cri ou un tracteur qu’il s’est bricolé lui-même. »
Certaines grandes fermes ontariennes sont complètement automatisées, raconte ce fournisseur de semences de champignons. « Plusieurs opérations sont robotisées. À l’ensachage, par exemple, personne ne touche à rien. »