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L’autre jour, j’ai fait une virée sur des chemins de campagne de mon patelin. Comme disait pépère, ces balades en auto me permettent de « jongler ». À peine quelques kilomètres parcourus sur le chemin de « gravelle », le fil de ma vie s’est mis à défiler à la vitesse grand « V ».
J’ai revisité (en pensée) la grange de pépère, un bâtiment construit de ses mains, avec le bois de sa terre. Pendant quelques décennies, il a fait vivre sa famille avec seulement 15 vaches laitières. Les siens n’ont jamais manqué de nourriture. À l’aube de ses 50 ans, audacieux et rêveur, mon grand-père a ajouté une section à son étable. Cette construction marquait un passage dans la modernité. Il a doublé son troupeau. Les vaches avaient plus d’espace pour se coucher et des bols en acier inoxydable pour s’alimenter en eau. Bien entendu, les vaches aînées ont occupé la section neuve de l’étable, hiérarchie oblige. Comme rien n’est parfait, la « trayeuse » n’était pas encore arrivée dans les rangs. Tout le travail se faisait manuellement. Ah oui, je souligne que pépère était multitâche et avant-gardiste. L’autonomie alimentaire, il connaissait! Semeur de patates, boucher, jardinier, réparateur de machinerie, guérisseur de ses animaux et j’en oublie sûrement.
Je revois ce géant, les soirs d’été, se bercer sur la galerie après le souper, en fumant sa pipe. À l’âge de 70 ans, il a cédé sa terre à mon père pour une bouchée de pain. Le patrimoine devait demeurer dans la famille, affirmait-il fièrement.
Dès que j’ai pris un peu de muscle, j’ai contribué au ramassage récurrent des roches au champ, à la récolte des foins, à l’alimentation des veaux, au brossage des vaches et au nettoyage des dalots avec le vieux chariot à fumier. Ce travail me rendait heureux, même si je devais me rendre à l’étable tôt le matin, avant de prendre l’autobus pour l’école. L’adolescence venue, j’ai quitté le nid familial pour la grande ville.
Depuis quelques années, la grange de pépère ne contient ni vaches ni foin. Elle est abandonnée et ses yeux sont tristes. Le soir venu, personne ne se berce sur la galerie. Les champs sont cultivés par l’agriculteur du rang 11 de la municipalité voisine. Les temps changent, il faut s’adapter!
Des granges comme celles de mon grand-père sont multiples au Québec. Elles sont des défis architecturaux qui marquent une époque. Si ces bâtiments pouvaient parler, ils nous hurleraient de préserver les œuvres des héros comme mon pépère. Ils ont été les artisans de l’agriculture que nous pratiquons en ce 21e siècle. Ils étaient des inventeurs, des travailleurs infatigables, des courageux, des hommes de parole habités d’une grande détermination. Une poignée de main scellait une vente. Ils ont nourri le Québec et, dans bien des cas, en y sacrifiant leur santé. Des hommes avec un grand « H ». Bien sûr, ils étaient quelque peu entêtés et traditionnels, mais des hommes de cœur!
Il est fondamental de nous assurer qu’ils ne tombent pas dans l’oubli. Sans eux, les fermes dotées de la haute technologie n’existeraient pas. Il leur a d’abord fallu se retrousser les manches et, sans rechigner, travailler de l’aurore au crépuscule. À quand un monument sur la façade de l’Assemblée nationale représentant un agriculteur? Il me semble que nos ancêtres méritent au moins ça!
Je termine cette chronique par une recommandation de prudence, cet été, à tous les agriculteurs. On préfère parler avec vous que de vous et on souhaite qu’un jour, vous soyez ces « pépères » qui se bercent sur la galerie et que vous racontiez vos légendaires parcours à vos petits-enfants.
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