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La crise que traverse actuellement l’industrie porcine québécoise, qui exporte environ 70 % de sa production, a rappelé l’importance que peuvent avoir les marchés d’exportation sur la stabilité, voire la croissance de cette filière. « Dans un contexte où l’on produit plus que l’on consomme, la nécessité de bien diversifier le portefeuille sur les marchés d’exportation nous permet d’optimiser les revenus pour l’ensemble des produits générés. C’est la clé », estime Richard Davis, conseiller spécial à la direction d’Olymel, qui a été pendant quarante ans vice-président des ventes et du marketing. Ce dernier explique que la stratégie s’est raffinée depuis les années 1980. « Environ 70 à 80 % de nos exportations de l’époque, c’était aux États-Unis. Maintenant, on ne dépasse pas 20 à 25 % de volume dans un marché, pour éviter d’être trop vulnérable », explique-t-il.
C’est justement cette possibilité de rediriger les cargaisons dans plusieurs marchés complémentaires qui a permis d’amoindrir le coup quand la Chine a subitement fermé ses frontières à de nombreux produits canadiens pendant la pandémie de COVID-19.
« C’est certain que la Chine était LE marché le plus important [pour le porc], mais c’était possible de vendre au Japon, en Corée, au Mexique, aux Philippines, en Colombie, parce qu’on avait déjà tous ces contacts-là d’établis depuis de nombreuses années, explique Sonia Simard, négociante chez PJIMPEX, une maison de commerce basée à Montréal, qui compte parmi ses clients Olymel, DuBreton et Aliments Asta, entre autres. Par contre, on n’arrivait pas avec les mêmes prix que la Chine [offrait], mais on a été capables de bouger leur produit », spécifie-t-elle.
Chaque marché a ses spécificités
Selon la négociante, autant de réseaux de partenaires à travers le monde ne se développent pas du jour au lendemain. « On ne peut pas, par exemple, vendre à quiconque nous en fait la demande, car il y a un risque de ne jamais être payé. Il faut bâtir des liens de confiance, tant avec les transformateurs ici qu’avec nos partenaires internationaux, ce qui demande du temps, mais c’est aussi ce qui assure la stabilité des échanges », souligne-t-elle. D’autres spécificités, comme les règles du commerce, les accords commerciaux, les frais douaniers, la langue ou la culture, diffèrent d’un pays à l’autre et demandent une expertise de chaque marché.
Des entreprises comme Aliments Asta ne font affaire qu’avec des maisons de commerce pour exporter leurs produits, ce qui leur permet notamment d’amoindrir les risques, « puisque ceux-ci sont assumés par la maison de commerce qui se charge du transport et de la vente à l’étranger », explique Mme Simard. D’autres, comme Olymel ou Fruit d’Or, un transformateur québécois de canneberges séchées et de bleuets, misent à la fois sur des équipes à l’interne, notamment pour des marchés plus accessibles comme les États-Unis, et sur les maisons de commerce pour diversifier leurs options dans plusieurs marchés, dont en Europe, en Asie, au Mexique, en Australie et jusqu’en Inde. Ce dernier pays s’est récemment ajouté à la liste du transformateur Fruit d’Or, qui estime qu’il s’agit d’un marché « très prometteur » pour la canneberge séchée. « C’est un produit nouveau pour eux. On est encore dans nos balbutiements pour le faire connaître et développer notre réseau de partenaires là-bas », spécifie Sylvain Dufour, vice-président du développement des affaires chez Fruit d’Or. Ce dernier s’attend à une croissance des exportations vers cette nouvelle destination dans environ cinq ans.
Stagner ou croître
M. Dufour précise que l’entreprise, qui exporte 80 % de sa production de canneberges dans une cinquantaine de pays, n’aurait jamais pu croître sans développer de tels réseaux d’exportation dès sa création, en 2000. « Si notre stratégie avait été de vendre de la canneberge seulement en Amérique du Nord, on aurait la moitié de la taille qu’on a aujourd’hui et on ne serait pas devenu un facteur de développement de la canneberge au Québec, car plus on avançait dans notre cheminement sur les marchés internationaux, plus on sollicitait les producteurs à accroître leur superficie en production », indique-t-il.
Du côté du sirop d’érable, les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) ont aussi compris que la promotion du produit à l’étranger avait un lien direct sur la croissance de la production locale. Ils sont parmi les rares fédérations de producteurs à dévouer un budget de l’ordre de 10 M$ par année pour faire découvrir le sirop d’érable dans les pays ciblés comme ayant un bon potentiel de développement, ceci en concertation avec les transformateurs. « Ce budget a été mis en place vers 2004, alors que la réserve stratégique de sirop d’érable était pleine et qu’on a compris que pour l’écouler, ça devait se passer à l’étranger », souligne Mylène Denicolaï, directrice de la promotion et du développement des marchés aux PPAQ. Selon elle, cette stratégie est gagnant-gagnant avec les transformateurs, « car plus la demande augmente dans leurs marchés d’exportation, plus les producteurs en profitent », rappelle-t-elle.
En chiffres
La viande porcine, malgré une baisse de 10 % de ses exportations entre 2021 et 2022, demeure le produit québécois le plus exporté, avec des recettes générées de 1,7 M$ (2022), soit 15 % de la valeur des exportations totales du Québec.
Les exportations de fruits et légumes (incluant leur préparation) ont crû de 18 % entre 2021 et 2022 et généré des recettes de près de 1 M$, ce qui les place au troisième rang des produits bioalimentaires québécois les plus exportés.
Les produits transformés comptent pour 75 % des exportations bioalimentaires du Québec, lequel se distingue des autres provinces canadiennes dans cette catégorie.