Actualités 6 octobre 2014

Travaux à forfait, ici et en Europe (partie 1)

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Faire réaliser une partie plus ou moins étendue de travaux agricoles par une entreprise spécialisée est une pratique qui tend à se développer au Québec. Une poignée d’entrepreneurs au parc de machinerie bien garni commencent à se spécialiser dans la livraison de ces services. Nous avons voulu faire un portrait de la situation au Québec tout en jetant un coup d’œil du côté de l’Europe. Quels sont, entre autres, la nature de ces entreprises, les services qu’elles offrent mais aussi les attentes de leurs clients, voilà les questions auxquelles L’UtiliTerre s’est attardé.

« Nous intervenons surtout auprès de producteurs laitiers, lance Dany Auger, à la tête de l’entreprise Service Trans-Agri de Yamachiche. Ces producteurs savent que l’argent est dans l’étable. Ils nous confient donc les travaux aux champs. » La facturation des travaux, allant du semis à la récolte, est basée sur les superficies couvertes. Depuis sa fondation en 2005, l’entreprise s’est aussi spécialisée dans les opérations d’épandage. « En période de pointe, au printemps, on videra la fosse en deux passages. C’est plus de voyagement, mais ça nous permet de servir un plus grand nombre de clients », souligne M. Auger.

La gestion du calendrier des prestations est une des pierres angulaires de ce type d’entreprise. Les entrepreneurs interviewés s’entendent pour dire que la pression est grande pour réaliser les travaux à temps, malgré des ouvertures météo parfois très étroites, et le fait qu’un producteur impatient ou déçu d’avoir manqué la fenêtre optimale préférera acquérir ses propres équipements ou s’adresser à un autre forfaitaire, voire un voisin.

« Il faut que nos clients deviennent nos partenaires, explique pour sa part Dominique Lévesque, de la ferme Pierrelac à Mont-Carmel. Par exemple, nous faisons de l’ensilage pour nos clients. Avant, nous chargions au chargement. Maintenant, nous le faisons sur une base horaire en plus de facturer les voyages. Cela garantit que les producteurs auront bien fait leurs andains et seront prêts à nous recevoir. » Comme le souligne M. Lévesque, son entreprise commence à faire de la fauche mais, faute de personnel, il ne peut le faire pour l’ensemble de sa quinzaine de clients.

Avec un nombre restreint de clients, il est plus facile de construire un horaire de travail. « Nous leur demandons de nous appeler avant leur épandage de fumier au printemps, afin que nous puissions semer deux jours plus tard », donne-t-il à titre d’exemple.

C’est une autre paire de manches pour la famille Côté, dans la région de Saint-Hyacinthe, où le père Gilles et les fils François et Maxime offrent toute une gamme de services à une cinquantaine de clients. Le territoire couvrant trois régions aux unités thermiques variables, les opérations saisonnières peuvent donc être étalées sur une plage de temps confortable. « Je vous avouerai qu’en période de pointe, nous priorisons nos clients les plus fidèles », admet François Côté. Mais il ne s’agit que d’une situation d’urgence, l’entreprise préférant, à la fin des récoltes, consulter ses clients pour établir leurs intentions pour l’année suivante.

Comme nous l’avons vu ailleurs, l’entreprise a développé une expertise particulière dans les arrosages de phytoprotection et de fertilisation dans les cultures commerciales. « Non seulement nous avons la formation pour faire ces travaux, mais nous possédons aussi des équipements de pointe qui nous permettent d’effectuer un travail de précision », explique François Côté. En fait, la confiance des clients est telle que ce sont les membres de la famille qui parcourent les champs pour établir le moment propice à une intervention. Ils sont aussi associés à des agronomes liés à des fournisseurs pour profiter de leur expertise.

Cependant, comme le souligne M. Côté, la prestation de services agricoles à forfait n’est pas encore chose commune au Québec. C’est encore plus vrai dans les zones agricoles intensives où les producteurs ont l’habitude de compter sur leurs propres équipements. « La tendance à la fusion des fermes crée des exploitations à grandes superficies, ce qui justifie aussi l’acquisition d’un parc de machinerie pour maintenir une certaine autonomie », évalue l’entrepreneur. Cela dit, il soutient que près de 100 % de ses clients renouvellent chaque année leur entente.

En fait, certains entrepreneurs tiennent à maintenir un nombre restreint de clients, ne serait-ce que pour avoir le temps nécessaire à gérer leurs propres opérations agricoles. C’est le cas de Réal St-Denis, de Saint-Sébastien, qui offre ses services de battage à une quarantaine de clients. « J’ai presque les mêmes clients d’année en année, souligne l’entrepreneur. Si j’ai de la place pour en accepter un autre, je vais m’assurer qu’il s’engagera pour plusieurs années. Je peux dépanner un producteur à l’occasion, mais je veux éviter le magasinage. En plus, c’est très rare que je négocie les prix. J’applique une grille de tarifs fixe basée sur les superficies. »

Il n’en demeure pas moins que deux grands courants de fourniture de travaux à forfait se tracent au Québec : d’une part les travaux spécialisés, nécessitant connaissances ou équipements de pointe; de l’autre, des producteurs laitiers ou des éleveurs préférant concentrer leurs efforts sur leur troupeau au lieu de passer leur temps derrière le volant d’un tracteur. On assiste aussi à une percée du côté des travaux intensifs en machinerie. Un producteur possédant des champs en culture se posera la question lorsque le moment sera venu de changer sa moissonneuse-batteuse par exemple, sachant qu’il pourrait confier les travaux à forfait.