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Au printemps, le va-et-vient des lourdes citernes de lisier augmente le risque de compaction des sols. Comme solution alternative, certains optent pour les systèmes d’irrigation à rampe.
Depuis cinq ans déjà, le producteur bio Mario Lamy, de la Ferme Mylamy à Yamachiche, a choisi d’épandre du lisier avec un système d’irrigation à rampe au printemps : « Mon premier objectif est de réduire le plus possible la compaction. Je suis producteur de grains biologiques et j’ai besoin de lisier pour fertiliser mon maïs, notamment. » Et depuis le saut vers ce type d’épandage, le producteur constate une diminution des impacts liés à la compaction. « La compaction des sols en production biologique ça ne pardonne pas; impossible de camoufler ses impacts négatifs à l’aide de fertilisants chimiques », ajoute le producteur.
Cependant, ce système comporte de nombreuses limites. Tout d’abord, le coût des travaux s’élève à quelques centaines de dollars de l’heure selon le type de chantier. D’autre part, un investissement important doit être consenti dans l’équipement. Chez Mario Lamy, c’est le producteur porcin Dany Auger, de Trans-Agri en Mauricie, qui effectue les travaux d’épandage. Tout l’équipement, rampe, enrouleur à tuyau, tuyau d’alimentation et tuyau d’épandage, pompe stationnaire et réservoir d’appoint, appartient à une coopérative d’utilisation de matériel agricole, une CUMA, formée de trois actionnaires : la Coop Profid’Or, Mario Lamy et Dany Auger. Ainsi, chaque propriétaire prévoit ses superficies d’épandage et c’est à titre d’entrepreneur à forfait que Dany Auger opère les chantiers.
Organiser un chantier
« Il y a deux types de chantier possible. Un premier où l’on branche directement la pompe stationnaire sur le brasseur de la fosse. Et un deuxième, où l’on transporte du lisier dans un bassin de réserve pour le pomper et le pousser dans le tuyau », décrit Dany Auger. Dans les deux cas, le système par irrigation ne se prête pas à tous les types de champ. « Idéalement, la superficie minimale pour justifier les frais d’installation d’un chantier avec réservoir d’appoint est une quarantaine d’hectares », précise Dany Auger.
Évidemment, le premier scénario est beaucoup plus simple à mettre en œuvre. De la fosse, on pousse le lisier dans le tuyau. Dans ce cas-ci, le facteur limitant du système est la distance à parcourir, car la longueur du tuyau d’alimentation de 15 cm de diamètre atteint environ deux kilomètres. On lie ensuite à son extrémité un tuyau flexible de 12 cm de diamètre. « Notre tuyau d’alimentation mesure 2,2 km tandis que le flexible mesure 0,6 km », précise Dany Auger. Lorsque la source du lisier se trouve à plus de deux kilomètres des parcelles à fertiliser, une réserve d’appoint est nécessaire. « Aujourd’hui, on transporte le lisier sur une distance de 10 km. C’est un chantier coûteux », lance Dany Auger.
La veille du chantier chez Mario Lamy, l’entrepreneur installe les équipements. On apporte un bassin de réserve mobile d’une capacité de 22 000 gallons. À une extrémité du bassin, un tracteur actionne en continu une vis à grain afin d’éviter la formation d’un dépôt au fond du bassin. « C’est une idée de Mario. De cette façon, le lisier est toujours homogène », précise Dany Auger. À l’autre bout, le lisier est aspiré et poussé par la pompe stationnaire. Pour fournir le volume de lisier nécessaire au chantier, quatre camions-citernes de 7 à 8000 gallons se relayeront sans arrêt. Deux camions peuvent décharger leur cargaison à la fois, et on calcule un temps de déchargement de 1000 gallons à la minute. La réserve d’appoint doit être alimentée en continu pour ne pas ralentir le chantier. On déroulera le tuyau d’alimentation sur toute la longueur nécessaire, de la pompe stationnaire jusqu’à l’extrémité du champ.
« C’est moi qui ai patenté le moteur de la pompe stationnaire. C’est un moteur de semi-remorque usagé dont j’ai enlevé la cabine. On aurait pu l’acheter neuf, mais je n’aimais pas le prix », blague Dany Auger. En plus du prix, les caractéristiques du moteur ne lui plaisaient pas : « Habituellement, le moteur et la pompe viennent d’un seul bloc. C’est un moteur qui tourne à 2500 tours/min et qui est très bruyant. Notre moteur usagé tourne à 1200 tours/min et offre à la pompe une capacité de 2500 tours/min. On coupe de presque la moitié nos coûts de carburant. » Dans leur système, la pompe est distincte du moteur; elle est entraînée par huit courroies.
Les volumes habituellement appliqués varient de 1500 à 7000 gallons à l’acre. « On pousse jusqu’à 1100 gallons à la minute dans le tuyau d’alimentation, le volume varie selon la topographie », indique M. Auger. À l’intérieur du tracteur, un moniteur indique le nombre de gallons épandus à la minute. La dose de lisier varie en fonction de la vitesse d’avancement du tracteur. L’opérateur du tracteur doit constamment avoir en tête le trajet à effectuer. Il sillonne en serpentant des sections de champ de part et d’autre du tuyau d’alimentation. Une fois la section terminée, il doit descendre du tracteur pour détacher le tuyau flexible de celui de l’alimentation et se rapprocher de plus en plus de la pompe stationnaire.
Ce type de chantier comporte de nombreux inconvénients, comme la vitesse d’exécution et le temps requis pour l’organiser et l’installer. « C’est un système plus complexe à opérer pour les employés et on ne se le cache pas, c’est aussi un peu plus salaud. Le seul grand avantage de l’épandage par irrigation est la diminution de la compaction », conclut Dany Auger.
La pression au sol (livre par pouce carré) est un bon indicateur du risque de compaction. Si l’on compare la pression exercée par une citerne conventionnelle en acier, une citerne en aluminium et le système par irrigation, on note de bonnes différences. Selon l’entrepreneur à forfait Dany Auger, une citerne de 6000 gallons – 3 essieux, pneus conventionnels de 91 cm de large – remplie de lisier effectue une pression au sol de 20,72 lb/po carré. Tandis qu’une citerne en aluminium de 6000 gallons – 4 essieux, pneus radiaux de 91 cm de large – fait une pression de 9,95 lb/po carré. Enfin, la pression au sol du système par irrigation – tracteur de 200 HP chaussé de pneus radiaux – est de 6,5 lb/po carré. « Le système par irrigation sort grand gagnant. Par ailleurs, dans les situations où son usage n’est pas possible, la citerne en aluminium est un bon choix. Cette citerne pèse 12 000 livres de moins qu’une citerne en acier. Elle a quatre essieux et une fois chaussée de pneus radiaux, la pression exercée au sol s’approche de celle du système par irrigation », souligne Dany Auger.