Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
MASSUEVILLE – Un site de démonstration de coulées agricoles aménagées sera construit, cet été, par la Fédération régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie sur les terres d’un agriculteur de Massueville, dans la région de Sorel.
Les travaux ont commencé à la fin mai sur une parcelle en friche du producteur Jacques Cartier, ancien président d’Agropur dans les années 1990. D’ici l’automne, quelque 1 400 arbres et presque autant d’arbustes seront plantés sur les berges de la rivière Yamaska, ce qui représente une superficie de 4 hectares.
Financé par la Fondation de la faune du Québec, ce chantier est piloté par les fédérations de l’UPA de la Montérégie, de l’Estrie et du Centre-du-Québec. Il découle de l’engagement de l’UPA de travailler sur les coulées agricoles dans le cadre du plan gouvernemental d’agriculture durable.
Au bénéfice de la communauté
Jacques Cartier est particulièrement actif dans l’aménagement de ses coulées agricoles. Il y a deux ans, avec l’Organisme de bassin versant de la Yamaska, ce producteur de grandes cultures avait déjà fait planter 2 500 arbres sur une première parcelle de 5,4 hectares.
Avec l’ajout du projet actuel de l’UPA, adjacent à la plantation réalisée en 2021, cette coulée agricole deviendra, d’ici quelques années, un boisé de quelque 4 000 arbres. Outre plusieurs arbres fruitiers, il comptera aussi certaines essences rares qui florissaient à une certaine époque dans la région.
M. Cartier compte mettre ce boisé à la disposition des cyclistes et des motocyclistes, nombreux à venir se balader le long de la rivière Yamaska. Il prévoit d’ailleurs aménager un petit débarcadère – « pas un stationnement pour les voitures », spécifie-t-il – pour permettre à ces visiteurs de passage d’aller marcher dans des sentiers et cueillir des fruits gratuitement.
Le producteur espère ainsi rétablir la réputation de la rivière, surtout connue pour son eau de mauvaise qualité en raison de la présence de pesticides. « C’est un message aux autres agriculteurs », indique M. Cartier, qui a investi quelque 8 000 $ dans le projet. « Quand on a des parcelles moins propices à l’agriculture à cause de leur topographie, mais qui offrent un sol à fort potentiel, on peut les consacrer à la biodiversité plutôt que s’acharner à faire des travaux mécanisés. »
Qu’est-ce qu’une coulée agricole?
Une coulée agricole est une parcelle caractérisée par une forte pente qui la rend contraignante pour la production agricole, explique Patrick Desautels, conseiller en agroenvironnement à la Fédération régionale de l’UPA de la Montérégie. Son aménagement peut être bénéfique pour la biodiversité et la qualité de l’eau, mais également pour l’agriculteur, ajoute-t-il.
Ainsi, un producteur peut végétaliser une coulée pour combattre l’érosion et la perte de ses terres cultivables. Il peut aussi s’en servir pour la culture de petits fruits ou de toutes autres productions pour son bénéfice personnel. « Il peut aussi s’en servir simplement pour embellir le paysage et protéger la biodiversité », souligne M. Desautels.
D’ici la fin de 2024, le groupe d’étude de l’UPA compte bâtir différents sites modèles et déposer au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec un guide sur l’aménagement des coulées agricoles.
Des effets bénéfiques
Un producteur agricole tire profit de la création de boisés entre ses champs, assure Charles Lussier, spécialiste en agroforesterie et maître d’œuvre des travaux de boisement à Saint-Aimé, en Montérégie.
Outre leur apport en biodiversité, ces boisés permettent de combattre les effets dévastateurs des canicules et des fortes précipitations annoncées pour les prochaines années en raison des changements climatiques.
« Pendant les étés chauds et secs, l’arbre qui pousse à côté d’une culture vient créer un effet de microclimat. Il apporte une activité de microorganismes dans le sol par la décomposition de ses feuilles dans le champ et de ses radicelles », explique-t-il.
Un boisé constitue également un brise-vent efficace, ajoute M. Lussier. « Les rendements diminuent près de l’arbre, mais ils augmentent sur une distance de 11 fois la hauteur de l’arbre », précise le spécialiste en agroforesterie.
« Il faut que la nature reprenne sa place »
Stéphane Potvin n’a pas hésité longtemps lorsque l’Organisme de bassin versant de la Yamaska (OBV Yamaska) lui a proposé de boiser l’une de ses coulées agricoles, le long de la rivière Yamaska.
« Ce n’est pas un terrain propice à l’agriculture, de toute façon », souligne le producteur de grandes cultures biologiques de Saint-David, en Montérégie, jetant un regard sur la parcelle de deux hectares qui descend vers le cours d’eau.
« Il y a 40 ans, on aurait fait venir le bulldozer pour atténuer la côte. Mais ce temps-là est révolu. Il faut que la nature reprenne sa place », ajoute-t-il devant les quelque 3 000 arbres et arbustes plantés l’automne dernier. D’ici quelques années, ces petits plants formeront un boisé peuplé de mélèzes, d’épinettes, de pins blancs, d’érables et de chênes.
L’OBV Yamaska caresse le projet de planter 300 000 arbres d’ici 2031 sur les berges de la rivière, sur une distance de 75 kilomètres, entre Rougemont et le fleuve Saint-Laurent. Il s’agit du vaste projet de corridor vert en cours au Québec.
Biodiversité
Ce boisement offrira un nouvel habitat à diverses espèces animales. Cet apport à la biodiversité est de nature à plaire à Stéphane Potvin.
« On ne peut pas être contre ça. Moi, je suis encore un enfant; toutes les bestioles m’intéressent. Plus il y en a de sortes différentes, mieux se porte la nature. Tout ça va aider l’agriculture », dit le producteur se tenant à quelques pas d’un squelette de chevreuil, sans doute victime d’un coyote au cours de l’hiver.
Une série de nichoirs à crécerelles, fabriqués par l’artisan François Frappier, de Saint-Simon-de-Bagot, ont aussi été installés au coeur du futur boisé pour attirer cet oiseau reconnu pour son influence positive sur la productivité des cultures.
« La crécerelle est notre plus petit oiseau de proie au Québec », explique le biologiste Jean-Sébastien Guénette, directeur général du Regroupement QuébecOiseaux.
« Cet oiseau se nourrit surtout de gros insectes ravageurs comme les sauterelles, mais aussi de petits animaux comme des souris ou des crapauds. Sans que ce soit démontré par des études scientifiques, on peut présumer que sa présence contribue aux cultures. »