Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
La vie d’agriculteur n’est pas de tout repos. Heureusement, au fil des ans, le secteur d’activité primordial que constitue l’agriculture a bénéficié d’avancées technologiques qui ont facilité le travail de ses artisans. Du nombre, l’entrée en scène du tracteur, il y a un siècle, marque le tournant du processus de mécanisation de l’agriculture.
Le Musée canadien de l’agriculture, à Ottawa, dispose d’une impressionnante collection de tracteurs qui ont tous, à un certain moment au cours des cent dernières années, contribué à développer l’industrie agricole du pays. En se penchant sur l’histoire derrière la quinzaine de modèles de tracteurs que possède le musée, on remarque assez rapidement que la situation a bien changé depuis que la famille Massey a délaissé les moteurs à vapeur, en 1910, pour expérimenter des tracteurs fonctionnant au carburant. Des modèles comportant leur lot de défauts qui se vendaient quelques milliers de dollars à l’époque, nous sommes passés à l’efficace machine de plusieurs centaines de milliers de dollars qu’on retrouve aujourd’hui sur le marché.
Les débuts
C’est en 1910 que la compagnie Sawyer-Massey, l’une des entreprises de la famille Massey, commence à produire ses premiers tracteurs. On ne trouve par contre ces premiers modèles que dans l’Ouest canadien, puisque l’étendue des Prairies rendait rentable l’achat d’une telle pièce d’équipement. Le Sawyer-Massey 20-40 commencera à apparaître dans les fermes de l’est du pays en 1918.
Le Musée canadien de l’agriculture a en sa possession l’un de ces modèles, une impressionnante bête de 12 000 livres. Le Sawyer-Massey 20-40 était muni de deux moteurs dont l’un, à essence, servait à faire démarrer le moteur principal qui, lui, fonctionnait au kérosène. Ces deux moteurs ont été conçus de la sorte puisque le kérosène était beaucoup plus accessible et moins cher que l’essence.
Produit à Hamilton, en Ontario, le tracteur se vendait à l’époque 3500 $ contre 300 $ pour un bon tandem de chevaux de trait. Si sa production était de trois à quatre fois plus élevée que celle d’un attelage de chevaux, le Sawyer-Massey 20-40 n’était pas parfait. Un des problèmes fréquemment soulevés avec ce modèle découlait du fait que son système d’engrenage n’était pas recouvert, la terre et la boue y restant coincées.
Malgré ses défauts, ce modèle a été utilisé pendant des décennies dans les fermes canadiennes. Toutefois, les Sawyer-Massey 20-40 se font extrêmement rares de nos jours, surtout ceux en bon état comme celui qu’on peut admirer au musée national.
« Sur les quelque 4000 unités qui ont été produites, il en reste très peu. C’est que durant la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs agriculteurs ont donné leur vieux Sawyer-Massey au gouvernement du Canada. On utilisait le métal des tracteurs pour construire des tanks. Les fermiers gardaient leur nouveau tracteur et donnaient leur Sawyer-Massey. C’était leur devoir patriotique », explique Franz Klingender, conservateur de l’exposition.
Un nouveau joueur débarque
Voyant que la curiosité des agriculteurs avait été piquée par l’alléchante productivité du tracteur, un jeune homme d’affaires du nom de Henry Ford décide de produire des modèles de tracteurs qui seraient plus abordables pour les agriculteurs.
Henry Ford, qui avait introduit la voiture en Amérique du Nord au début du XXe siècle, offre en 1918 aux agriculteurs canadiens pour la somme de 795 $ le Fordson, un tracteur beaucoup plus petit que le Sawyer-Massey. Ayant grandi dans une ferme, il fait la promotion de son produit en vendant aux agriculteurs l’idée que l’achat de camions et de tracteurs (préférablement de marque Ford) contribuera à garder les plus jeunes générations heureuses, assurant ainsi une relève agricole.
« Les premiers fabricants de tracteurs ne manquaient pas d’arguments de vente! On disait, par exemple, que les jeunes garçons aimaient le fait que leur père achète un tracteur. On essayait de convaincre les fermiers en leur disant qu’ils n’auraient plus besoin de se préoccuper de nourrir leurs chevaux. Sans compter que le tracteur nécessitait moins de main-d’œuvre que les chevaux de trait », souligne Franz Klingender.
Le Fordson, premier tracteur à être assemblé sur des chaînes de montage, sera produit jusqu’en 1928, mais la compagnie Ford demeurera active dans ce secteur avec d’autres modèles.
Une décennie d’innovations
S’il fallait identifier la décennie au cours de laquelle le tracteur a évolué le plus, ce serait sans contredit les années 1920. C’est à cette époque que de nouvelles entreprises, dont l’ontarienne Otaco, se lancent dans la production de tracteurs. Leur objectif : mettre au point un modèle qui corrigera les lacunes que présentent les machines des compagnies concurrentes. Et les lacunes étaient nombreuses à cette époque!
Par exemple, dans les années 1920, on voit apparaître les premiers tracteurs chaussés de pneus de caoutchouc. Moins bruyants que les roues de métal, ces pneus empêchent aussi le tracteur de s’enliser; l’air qu’ils contiennent fait en sorte que le véhicule flotte davantage. C’est également dans ces années que la compagnie Caterpillar introduit un tracteur à chenilles sur le marché canadien.
Enfin, soulignons qu’Otaco lancera, en collaboration avec Chevrolet, un tracteur pouvant être converti en voiture. L’expérience ne sera toutefois pas très fructueuse.
Le calme revient
Après les bouleversements des années 1920 dans la fabrication de tracteurs, la situation redevient plus stable. Des années 1930 à nos jours, les nombreux fabricants, dont Cockshutt, John Deere et Allis-Chalmers, miseront effectivement sur des modifications et des nouveautés moins draconiennes.
À titre d’exemple, citons Cockshutt, qui misait en grande partie sur le design de ses tracteurs pour attirer la clientèle; Allis-Chalmers, qui construisait un modèle de tracteur consacré aux travaux plus légers; et la compagnie canadienne Versatile qui, en 1965, est devenue la première à se lancer avec succès dans la production de tracteurs à quatre roues motrices. Vendue à Buhler en 2000, l’entreprise Versatile aura d’ailleurs été le dernier fabricant de tracteurs indépendant au Canada.
« Depuis quelques décennies, les compagnies essaient surtout d’innover en matière de carburant. On tente de produire des modèles et des moteurs qui brûlent le plus efficacement possible leur carburant. Parfois, ça fonctionne bien; d’autres fois, non, comme en 1957 lorsque John Deere a présenté un tracteur fonctionnant au propane. La difficulté pour les agriculteurs d’avoir accès à du propane n’a pas rendu ce modèle très populaire », raconte Franz Klingender, une véritable encyclopédie en la matière.
Bref, que ce soit en raison du peu d’entretien que nécessitait un modèle par rapport à ses concurrents ou encore du confort et de la protection contre les intempéries que procurait une simple cabine placée sur un tracteur, les manufacturiers n’ont jamais manqué d’imagination pour se démarquer.
Une visite de la collection dont dispose le Musée canadien de l’agriculture permet de le constater, visite ponctuée de faits historiques et d’anecdotes parfois surprenantes, parfois cocasses.
Le saviez-vous?
C’est en 1957 que le nombre de tracteurs a surpassé le nombre de chevaux de trait dans les fermes canadiennes. En 1920, on estimait que 12 000 tracteurs s’affairaient dans les fermes de l’ensemble du pays contre 3 millions de chevaux. En 1991, le nombre de tracteurs s’élevait à 750 000, tandis que l’on comptait 12 000 chevaux de trait.