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Dans le nord-ouest canadien, les producteurs de bovins utilisent des cultivars de luzerne très persistants, qui ne donnent toutefois qu’une seule coupe par saison. Le Dr Vern Baron, un chercheur du nord de l’Alberta, a mis au défi l’équipe d’amélioration génétique de Québec de développer des cultivars tout aussi persistants, qui donneraient deux coupes par saison. La stratégie de l’équipe a donc été d’augmenter le rendement saisonnier de cultivars très persistants en réduisant leur dormance automnale.
L’amélioration de ce caractère demande habituellement beaucoup de temps et de ressources. C’est pourquoi les chercheurs ont entrepris de développer une nouvelle méthode de sélection. La Dre Annick Bertrand a donc mis au point un protocole de sélection sous conditions contrôlées qui permettait d’évaluer des milliers de plants de luzerne, d’identifier les moins dormants et d’exécuter un cycle de sélection, le tout en l’espace de quelques mois. En utilisant ce nouveau protocole, l’équipe de Québec a pu développer deux populations de luzerne potentiellement moins dormantes : Peace D1 et Yellowhead D1. Ces populations ainsi que les cultivars d’origine, Peace et Yellowhead, ont été évalués pour leur dormance automnale, leur rendement, et leur survie à l’hiver sur quatre sites expérimentaux à travers le Canada : Lacombe (Alberta), Saskatoon (Saskatchewan), Normandin (Québec) et Saint-Augustin-de-Desmaures (Québec).
Après deux années d’essais au champ, les résultats étaient convaincants : les populations de luzerne sélectionnées pour une dormance moins élevée (Peace D1 et Yellowhead D1) avaient une hauteur de tiges plus élevée à l’automne que celles des cultivars d’origine, et ce, aux quatre sites. De plus, les plants Yellowhead D1 avaient un rendement moyen de près de 40 % plus élevé que celui du cultivar Yellowhead. Selon la Dre Annie Claessens, cette augmentation importante de rendement après un seul cycle de sélection est due principalement au fait que le cultivar Yellowhead est un hybride falcata x sativa. La sélection pour moins de dormance a donc favorisé les caractères liés à la sous-espèce sativa (port érigé, moins de dormance et plus de rendement) aux dépens des caractères liés à la sous-espèce falcata (port rampant, plus de dormance et moins de rendement). Chez Peace D1, la hauteur automnale plus élevée n’était pas accompagnée d’un meilleur rendement après un cycle de sélection. Les chercheurs souhaitent maintenant améliorer leur méthode de sélection en tenant compte du potentiel de tallage des plants. En tenant compte de ce caractère lors de la sélection, ils pensent pouvoir augmenter du même coup la hauteur et le rendement des cultivars persistants de luzerne. La survie à l’hiver des populations Peace D1 et Yellowhead D1 était comparable à celle des cultivars d’origine, ce qui signifie qu’elle n’a pas été affectée par la sélection pour la dormance.
L’essai au champ a donc permis de confirmer que la méthode de sélection en conditions contrôlées, mise au point par l’équipe de Québec, est efficace pour réduire la dormance automnale chez la luzerne, et ce, sans affecter la survie à l’hiver. D’autres travaux seront nécessaires afin de valider si l’intégration du potentiel de tallage dans la méthode de sélection peut permettre d’augmenter le rendement annuel de la luzerne.
Annick Bertrand, Ph. D. et Annie Claessens, Ph. D., Centre de recherche et développement de Québec, Agriculture et Agroalimentaire Canada, puis Vern Baron, Ph. D., Centre de recherche et de développement de Lacombe, Agriculture et Agroalimentaire Canada