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Le 5 mai dernier, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a déclenché un exercice de simulation nationale de la peste porcine africaine (PPA). Tous les intervenants de la filière porcine du pays, des vétérinaires, des sous-ministres et leurs adjoints, entre autres, ont été réunis autour d’une même table. « Ce n’est pas un exercice commun et habituel pour un gouvernement. À ma connaissance, ça ne s’était jamais rendu aussi loin avant. Il ne manquait que les ministres pour que ce soit comme une vraie [situation de crise] », rapporte René Roy, président de Conseil canadien du porc et éleveur porcin dans Chaudière-Appalaches.
L’objectif de cette simulation était de repérer les lacunes et d’améliorer la préparation des gouvernements face à une éclosion de la maladie au pays. Dans cette même foulée, le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire a aussi tenu, le 5 juin, à la Chambre des communes du Canada, une deuxième rencontre sur les mesures de préparation en matière de biosécurité animale.
La coordination de tous les acteurs du milieu est assurée par Santé animale Canada, une structure de collaboration public-privé « assez récente, dont l’élément déclencheur est la PPA », explique Marie-Claude Bibeau, ministre fédérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. « Je n’ai pas vécu l’épisode de la vache folle, mais on en a tiré beaucoup de leçons, précise-t-elle pour expliquer cette grande préparation du gouvernement face à l’arrivée possible de la PPA au pays. Si ça arrive demain, il faut savoir ce qu’on fait », ajoute-t-elle.
Ainsi, depuis 2019, de nombreux investissements ont été faits, dont l’un de 45 M$ en 2022, pour renforcer le contrôle aux frontières, soutenir les recherches pour le développement d’un vaccin avec des partenaires internationaux, renforcer la biosécurité à la ferme et dans les usines de transformation alimentaire en plus d’établir des ententes de zonages avec plusieurs pays d’exportation, dont les États-Unis, le Vietnam, les Philippines et l’Australie, énumère la ministre. Ces ententes permettront « de circonscrire la zone infectée si un cas de PPA est détecté et d’éviter de fermer les frontières d’un bout à l’autre du pays », mentionne-t-elle.
Un changement d’approche important
Selon Jean-Pierre Vaillancourt, expert en biosécurité au Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole et professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, cette grande mobilisation autour de la PPA au Canada montre un changement d’approche du gouvernement face aux épidémies touchant les animaux d’élevage. « Dans notre domaine, ça fait des années et des années qu’on parle de ces choses-là, mais là, on a eu la COVID-19 et la grippe aviaire hautement pathogène dans la volaille. Je pense que ces pandémies ont fait prendre conscience tant au gouvernement qu’à la population que ça peut arriver, que c’est réel », observe-t-il. Il remarque également, depuis quelques années, une plus grande préoccupation des gouvernements à l’échelle internationale pour des virus de type zoonose, c’est-à-dire qui ont la capacité de muter pour affecter les humains, comme pour la grippe aviaire hautement pathogène.
Ce n’est toutefois pas le cas de la PPA, qui n’affecte que les porcs. Mais cette maladie se distingue par les effets catastrophiques qu’elle pourrait avoir sur les élevages et l’économie du pays, précise M. Vaillancourt.
« S’il y a une éclosion, ce sera dix fois pire que la grippe aviaire, qui est relativement plus facile à contrôler. La pression de l’industrie est donc énorme pour ne pas que ça arrive », poursuit-il. De plus, contrairement à la production de volailles ou d’œufs au Canada, principalement destinée au marché intérieur, environ 70 % des porcs sont exportés et seraient donc bloqués aux frontières. Une telle situation entraînerait des enjeux sur les plans du bien-être animal, de la salubrité et de l’acceptabilité sociale, mentionne-t-il.
René Roy, du CCP, croit aussi que cette préparation face à la PPA dénote une grande amélioration du gouvernement, notamment dans sa façon de collaborer avec l’industrie. « Avec la maladie de la vache folle, on a vu comment ç’a été destructeur pour l’industrie au Canada et combien c’est important d’avoir un programme de réponse avant que ça arrive », souligne-t-il.
D’ailleurs, le plan d’urgence sanitaire développé pour la PPA, tout comme la nouvelle structure de Santé animale Canada, seront utiles à tous les autres secteurs de production animale dans l’éventualité où d’autres maladies se pointeraient à l’horizon, souligne la ministre Marie-Claude Bibeau.