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Quelles sont les questions centrales qui façonneront l’industrie laitière à l’avenir? Selon Vern Osborne, professeur en sciences animales à l’Université de Guelph, les enjeux porteront sur l’environnement, les sols, l’énergie, la main-d’œuvre et l’évolution du contrat social avec les consommateurs. Sa vision de l’étable du futur propose des solutions qui combinent les ressources naturelles et physiques de la ferme avec les nouvelles technologies existant dans d’autres industries.
Les enjeux de l’avenir
« En développant notre centre de recherche laitière, je me suis demandé : qu’est-ce qui arrivera dans 20 ou 30 ans? » relate le professeur, qui dirige la conception du projet Mission 2050, un plan-cadre conceptuel qui remplacera les installations de recherche sur les produits laitiers, les porcs et la volaille de l’Université de Guelph. « Tous les éléments dont on doit tenir compte maintenant existeront encore », allègue-t-il, citant la rareté des sols et la stabilité de l’aquifère comme des préoccupations sérieuses pour l’avenir. Pour lui, la rentabilité future de l’industrie laitière réside dans la conception d’étables écoresponsables et centrées sur le bien-être animal. Ces bâtiments ultraperformants seront équipés de technologies qui maximiseront les ressources, tout en assurant une cohabitation harmonieuse entre les populations et les pratiques agricoles. « L’étable de l’avenir récupère systématiquement les eaux pluviales, capte et stocke du carbone, produit de l’énergie renouvelable et participe activement à l’économie circulaire. Les producteurs de demain sont aussi des ingénieurs et des visionnaires », affirme-t-il.
Une architecture multifonctionnelle de confort
Considérant la vocation pluridisciplinaire du concept, quel sera le modèle géographique de la ferme de l’avenir? « Nos recherches étudient des déploiements circulaires, octogonaux ou hexagonaux, avec la salle de traite en périphérie », explique M. Osborne. « L’ensemble du bâtiment sera structuré autour de quatre mouvements directeurs, soit l’activité des animaux, le déplacement des personnes, la distribution des aliments et la gestion du fumier », précise le chercheur, décrivant une installation interne conçue pour stimuler tous les sens de la vache et enrichir son environnement.
« L’étable laitière de demain disposera d’une multitude de choix individuels en matière de chauffage, de refroidissement, d’oxygénation, d’alimentation, d’éclairage, et de dispositifs pour la toilette », illustre-t-il. « Le confort thermique des vaches sera assuré par de nouveaux concepts de ventilation qui tempèrent l’air et l’humidité : on pense notamment à la ventilation du haut vers le bas, au refroidissement géothermique, aux murs solaires passifs et aux tubes souterrains », avance le professeur. « Au niveau des logettes, un système d’éclairage intégré à la DEL dispensera une formule de lumière adaptée. Des postes de brumisation permettront à chaque vache d’assurer son propre confort en fonction de son activité métabolique. Le fumier sera évacué par un système d’aspiration, éliminant du même coup la production d’ammoniac », ajoute-t-il avec enthousiasme. Les concepts d’aires de socialisation libre et d’étables sur litière accumulée compostée seront aussi plus répandus. Un bâtiment de type dôme, qui offrirait aux vaches la possibilité de marcher et de brouter à l’intérieur du bâtiment, et dont l’enveloppe « transparente » rendrait l’élevage laitier visible aux consommateurs, est également envisagé.
L’énergie, une voie à double sens
En production agricole, l’énergie représente un coût. Mais le contraire est tout aussi possible, sinon essentiel. « Vous pouvez produire de l’énergie », soutient M. Osborne. « Si vous produisez du maïs, vous pouvez aussi produire de l’éthanol. Pour moi, chacune des cultures que vous produirez devra être rendue à la forêt et ensuite aux animaux. Même chose pour le CO2 : vous en émettez, mais vous pouvez aussi en stocker. Par exemple, en inversant le mode de ventilation naturelle des tubes souterrains, vous pouvez capter du carbone et récupérer toutes vos émissions », argumente-t-il. Dans le même ordre d’idée, instaurer une complémentarité des productions serait une suite logique pour lui. « Au Canada, les industries laitières et serricoles ont adopté l’automatisation et la technologie. Pour moi, la combinaison des deux productions est évidente. La vache produit de l’azote, du phosphore, du potassium, de la chaleur et du CO2; exactement ce dont les plantes ont besoin », raisonne-t-il, évoquant le concept original de Mission 2050, qui consiste à connecter une serre de 20 000 pi2 à une étable laitière.
Récupérer et transformer : des systèmes évolués
Pour concrétiser ces productions optimales, il faut des systèmes adaptés. Les matériaux de construction avancés, comme les composites plastiques, la fibre de carbone et le ciment poreux, participeront aux objectifs d’une agriculture d’économie circulaire. « Le ciment poreux, par exemple, permettra la séparation des déchets liquides et solides, ce qui réduira les composés organiques volatils », explique le professeur Osborne. « Des systèmes de déshydratation avancés et de traitement par micro-ondes permettront de fragmenter les flux de déchets pour l’épandage, le compost ou le développement de biocarburants. Des technologies innovantes de récupération du phosphore seront standardisées », prévoit le chercheur. Bien que certaines technologies ne soient pas encore au point, d’autres composantes de l’étable du futur, comme les panneaux photovoltaïques intégrés à la structure du toit et les systèmes de récupération des eaux pluviales, existent déjà, souligne-t-il.
Diversifier pour prospérer
Pour Vern Osborne, l’avenir de la production laitière repose sur l’ingéniosité des agriculteurs face aux facteurs environnementaux, économiques et sociaux qui continueront d’influencer les pratiques agricoles.
Dans un modèle d’affaires où chaque ferme deviendra son propre incubateur économique, la diversification de l’entreprise agricole sera pratique courante.