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Pour certains apiculteurs, la location de ruches pour la pollinisation des bleuets est plus difficile cette année. Le prix demandé expliquerait la moindre demande.
« On n’aurait jamais pensé qu’on aurait à vivre une situation semblable, alors que normalement, la demande pour la pollinisation des bleuets surpasse toujours l’offre [en ruches] », déplore un apiculteur qui n’a pas réussi, à son grand désarroi, à placer ses 1 000 ruches disponibles pour la pollinisation des bleuets cette année. Il n’a pas voulu être nommé par crainte de nuire à ses relations d’affaires avec les producteurs de bleuets.
Raphaël Vacher, président des Apiculteurs et Apicultrices du Québec (AADQ), confirme que ce cas n’est pas unique. D’autres apiculteurs ont eu du mal à placer une partie ou la totalité de leurs ruches. Selon lui, de nombreux producteurs de bleuets se seraient plutôt tournés vers les bourdons pour contester une hausse de prix du côté des abeilles.
« On leur a expliqué pourquoi on a dû augmenter nos prix. Et on avait de bonnes raisons : une étude sur nos coûts de production montre que pour être rentable, le prix des ruches pour la pollinisation doit être à 225 $. On ne peut pas vraiment descendre en bas de ça. Mais là, ça chiale. Ils font des pressions pour qu’on baisse les prix », déplore-t-il.
Selon lui, les producteurs de bleuets ont commandé autant de bourdons que l’année passée, « et cela, même si on les avait informés dès l’automne que le nombre de ruches disponibles pour la pollinisation des bleuets était de retour à la normale », précise-t-il. Il s’attend donc à ce que la demande en abeilles soit moins grande, soit autour de 27 000 ruches plutôt que la moyenne de 32 000 à 35 000 ruches.
« Un irritant supplémentaire »
Questionné par La Terre, le président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec, Nicolas Pedneault, soutient que le nombre de ruches louées au Québec cette année est dans la moyenne, soit autour de 30 000, alors que ce nombre n’était que de 24 000 l’année dernière en raison du manque d’abeilles.
Il explique le recours plus fréquent aux bourdons pour des questions de constance et de prévisibilité, puisque les producteurs de bleuets doivent souvent préparer leur saison avant que les apiculteurs aient pu faire le bilan des mortalités hivernales, qui détermine le nombre de ruches qu’ils pourront louer pour la pollinisation. « Les producteurs de bleuets ont été échaudés par le manque de ruches l’année dernière. Ils ne veulent plus se fier uniquement sur les abeilles. Aussi, nos besoins en pollinisation augmentent et le nombre de ruches disponibles au Québec stagne à 30 000. On est donc plus nombreux qu’avant à varier les pollinisateurs avec des bourdons et des mégachiles en plus des abeilles, puisque chacun a des forces et des faiblesses. En plus d’optimiser la pollinisation, ça prévient les manques de ruches comme il se produit fréquemment », spécifie-t-il.
M. Pedneault avoue néanmoins que la hausse du prix des ruches pour la pollinisation est « un irritant supplémentaire ». « Quand on dépasse la barre des 200 $, ça fait grincer des dents, surtout quand le prix du bleuet sur le marché est à la baisse. La location de ruches pour la pollinisation est l’un des principaux postes de dépenses pour les producteurs de bleuets. Quand c’est plus cher, ça fait mal. Est-ce que c’est rentable pour nous de louer à ces prix? Économiquement parlant, on a un dilemme. Nous aussi, on a des coûts de production à respecter pour être rentables. On vit tous le même enjeu. »
Plus de bourdons importés
Les bourdons sont plus présents qu’avant dans les champs des producteurs de bleuets, souligne Nicolas Pedneault, président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec. En effet, l’utilisation de ces pollinisateurs « a décuplé, passant d’environ 2 000 [colonies de bourdons], il y a dix ans, à près de 12 000 aujourd’hui », rapporte-t-il. La location d’une colonie de bourdons coûte plus cher qu’une ruche d’abeilles, soit 300 $ plutôt qu’environ 225 $, mais les bourdons ont d’autres avantages, « comme de travailler beau temps mauvais temps et d’être très efficaces », note M. Pedneault.
Cette hausse de popularité du bourdon a également été signalée par Rod Scarlet, président du Conseil canadien du miel, qui a confié à La Terre que les producteurs de bleuets du Québec s’étaient approvisionnés en bourdons directement au Mexique, important quelque 7 000 colonies cette année. Le nombre d’abeilles importées est quant à lui resté stable.
Les plus gros apiculteurs ont loué toutes leurs ruches
De grands producteurs de miel du Québec, soit Intermiel, à Mirabel, Miel Labonté, à Victoriaville, et la Miellerie St-Stanislas, à Saint-Stanislas-de-Kostka, ont tous dit avoir entendu parler de cette pression reliée au prix qui teinte les relations d’affaires entre plusieurs apiculteurs et les producteurs de bleuets cette année, mais ne l’ont toutefois pas vécue. En effet, tous ont affirmé avoir placé l’entièreté des ruches qu’ils ont rendues disponibles à la pollinisation. « On en a placé 3 050 au Lac-Saint-Jean. Nos prix varient entre 200 $ et 230 $ selon la force des ruches », indique Francis Labonté, responsable des ruches chez Miel Labonté. Il spécifie que dans certaines bonnes années, il peut placer jusqu’à 4 000 ruches. « On a été parmi les premiers à louer nos ruches là-bas [au Lac-Saint-Jean], donc on travaille avec des clients depuis des années. À date, on n’a pas de problèmes à s’entendre [sur les prix] », dit-il. L’apiculteur Joël Laberge, propriétaire de la Miellerie St-Stanislas, se tourne quant à lui vers le Nouveau-Brunswick depuis deux ans pour louer ses quelque 1 550 ruches. « Les prix sont plus élevés là-bas, soit 275 $ la ruche. Ce sont également eux qui s’occupent du chargement des ruches, ce qui fait que même si le trajet est plus long, c’est rentable pour nous », mentionne-t-il.