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Des producteurs qui se retrouvent enclavés lorsque sont appliquées des restrictions de charge sur des ponts à proximité de leur ferme doivent se creuser les méninges pour continuer de mener à bien leurs activités. Certains souhaiteraient se voir indemnisés pour les inconvénients subis, mais la bataille semble difficile, voire impossible à gagner.
Isolée sur une presqu’île à Plaisance, en Outaouais, la productrice laitière Annie Chartrand en a vu de toutes les couleurs dernièrement. À l’automne 2022, celle qui détient 65 kilos de quota s’est résignée à jeter 3 682 litres de lait, après que la limite de charge sur le seul pont lui donnant accès à la voie publique et au village ait été abaissée à 5 tonnes, sans préavis. Pendant deux mois, son camion de collecte de lait, trop lourd pour emprunter l’infrastructure mal en point, ne pouvait plus se rendre à sa ferme.
« On a jeté notre lait trois jours, en septembre. On est sur une île; il n’y a qu’un seul chemin qui nous lie au village, et c’est celui-là », décrit l’agricultrice. Pour éviter le gaspillage les semaines suivantes, c’est son père qui a assumé lui-même la livraison. En effectuant plusieurs allers-retours avec des chargements plus légers, il parvenait à aller rejoindre le transporteur sur l’autre rive pendant la collecte à la ferme la plus proche, 17 km plus loin. « C’était deux allers-retours de 34 km qu’il faisait aux deux jours avec le petit camion de la ferme, donc 68 km au total, chaque fois. Ça revenait à quatre-cinq heures de déplacement. »
Au bout de deux mois, la construction d’un pont temporaire a finalement été achevée, permettant à la productrice de reprendre ses activités normales jusqu’au printemps. Mais voilà qu’en avril, comble de malheur, l’infrastructure temporaire a été fermée à son tour pendant une semaine. Endommagée durant l’hiver, elle a dû être réparée.
« Le 14 avril, on a su qu’ils étaient pour fermer le pont de nouveau, la journée même. J’ai jeté 6 jours de lait; c’est presque un autre 9 000 litres », raconte avec découragement celle qui se croise les doigts pour ne plus revivre une telle expérience.
Pas la seule
Par la localisation de leur ferme, des agriculteurs de différentes régions du Québec subissent des désagréments lorsque surviennent des fermetures de ponts à restaurer ou des restrictions de passage aux poids lourds. À l’île d’Orléans, une douzaine de producteurs, surtout de pommes de terre, ont vu leurs frais de transport annuels bondir en raison d’une limitation de charge sur le lien qui traverse le fleuve Saint-Laurent, vers Québec. Comme ils ne peuvent plus remplir leurs camions, plus de voyagements pour la livraison de leurs légumes à leurs acheteurs sont nécessaires. À Mont-Brun, un secteur de Rouyn-Noranda, en Abitibi, un éleveur de bovins de boucherie, Éric Migneault, se souvient du détour de 30 km qu’il a dû effectuer pour aller faire ses foins, en 2021, parce que la limite de charge d’un petit pont qu’il emprunte fréquemment avait, du jour au lendemain, été abaissée à 5 tonnes, pendant plusieurs mois. Cette situation est survenue alors que des restrictions de passage étaient déjà appliquées sur une autre structure endommagée du secteur. Quelques producteurs, dont lui-même, se sont retrouvés enclavés.
« On ne pouvait pas passer avec les tracteurs. Aussi, quand je transporte des animaux, je suis à plus que 5 tonnes », dit-il.
Sa petite-cousine, qui possède une autre ferme bovine, Geneviève Migneault, ne pouvait plus recevoir de camions pour s’approvisionner en moulée et en grains. « Ça s’est réglé, finalement. Ils ont fait des réparations et augmenté le tonnage, mais là, prochainement, c’est l’autre pont [qui relie les rives de la rivière Kinojévis] qui sera fermé complètement, à Mont-Brun. Ça va engendrer d’autres problèmes », témoigne la productrice, qui n’est pas au bout de ses peines. Cette dernière a des terres des deux côtés de la structure en question, où elle élève des animaux au pâturage. « Pendant la période de vêlage, je dois aller faire une surveillance quotidienne. Je devrai faire un détour de 60 km aller-retour pour faire ma surveillance plutôt que 20, parce que le pont sera fermé et qu’il n’y aura aucun accès à pied. Je ne pourrai plus passer », anticipe Mme Migneault. Elle disposera en revanche d’un délai pour se préparer à ce nouveau défi, puisque les premiers travaux, qui devaient s’échelonner sur 29 semaines en 2023, dès juin, sont finalement reportés à l’année prochaine.
Tentative de réclamation à Plaisance
La productrice laitière Annie Chartrand, qui ne pouvait plus accueillir son camion de collecte de lait après l’abaissement de la limite de charge sur un pont reliant sa ferme en Outaouais, a fait des réclamations au ministère des Transports du Québec, dont l’une de 6 000 $ pour le lait qu’elle a jeté et pour le transport qu’elle a assumé durant deux mois. Le MTQ a confirmé que des processus de réclamation sont en cours, mais ne s’est pas avancé sur un possible dédommagement. « Les partenaires concernés qui avaient l’expertise agricole pour offrir des solutions alternatives à la productrice laitière si possible [ont été informés de la situation]. Dans ce cas-là, il ne semblait pas y avoir de solution temporaire pour la productrice, malheureusement. Le ministère était très conscient des impacts des restrictions de charge », a reconnu la porte-parole régionale, Rosalie Faubert. Elle assure que la construction de pont temporaire s’est faite le plus rapidement possible.