Chèvres 8 mai 2023

Une croissance à contrôler pour éviter que l’histoire ne se répète

DRUMMONDVILLE – Pour éviter la déconfiture des années 2000 qui a suivi une importante période de croissance de la production, les éleveurs laitiers caprins se doteront d’un règlement de contingent et d’un comité qui permettront de structurer la croissance en arrimant l’offre et la demande. 

En 2022, les producteurs ont livré 5,9 millions de litres de lait. En 2023, ils prévoient en fournir 10 % de plus, soit un peu plus de 7 millions, pour combler la demande des acheteurs. Ces derniers auraient toutefois de l’appétit pour 8 millions de litres et ont demandé aux éleveurs leurs prévisions de volumes pour 2024 et 2025 en vue d’une croissance. 

Déjà-vu

Au début des années 2000 aussi, la demande était forte pour le lait de chèvre. En Montérégie, l’usine de transformation d’Agropur à Saint-Damase, Damafro, s’était engagée par contrat à prendre les volumes produits et à suivre les producteurs dans leurs plans de croissance. 

Selon la productrice de longue date Fabiola Clair, l’histoire se répète. En assemblée générale annuelle, le 24 avril, elle a fait une comparaison entre le prix obtenu dans la dernière négociation de la convention, en décembre 2022, et la forte augmentation du prix du lait offerte aux producteurs par Damafro il y a 20 ans. « Ça permettait aux producteurs d’avoir un beau portrait à présenter aux institutions financières, et c’est là que ça a commencé à produire en fou », a-t-elle rappelé.

Pour les trois prochaines années, les acheteurs prendront tout le lait disponible, mais moi, j’ai peur que le prix plante à la 4e année si on ne fait rien pour encadrer tout ça.

Fabiola Clair

Cinq producteurs de l’Estrie avaient même démarré des élevages, a mentionné le vice-président sortant des Producteurs de lait de chèvre du Québec (PLCQ), Christian Dubé. « Il y a eu tellement d’engouement, tellement de lait. Il rentrait des chèvres des États-Unis. Ç’a fait un boum de lait. Ç’a été une croissance qui n’a pas été contrôlée et n’a pas été planifiée, ce qui fait qu’à un moment donné, il y a eu trop de lait et il y a eu une coupure de 40 % parce qu’ils n’étaient plus capables d’en prendre », s’est-il remémoré. 

Aucune structure ou règlement ne prévoyait ce cas de figure. À l’époque, la trentaine de producteurs concernés s’est réunie d’urgence et quelqu’un avait proposé de couper les nouveaux qui venaient de démarrer. « Quand rien n’est structuré, il se fait un peu n’importe quoi. Finalement, ça a tellement été rough, le 40 %, que la loi de la nature a fait en sorte que plusieurs ont quitté la production. Il faut éviter de faire une croissance qui est non planifiée pour éviter que ces choses-là arrivent. C’est pour ça qu’on vous demande le pouvoir de contingenter et le pouvoir de donner de l’information pour savoir qui veut démarrer », a indiqué M. Dubé en assemblée. 

Comme dans les productions de lapin et d’agneau lourd, un comité sera créé afin d’analyser les demandes des producteurs qui veulent soit démarrer ou entreprendre une croissance de plus de 10 %. Fabiola Clair a estimé qu’au moins 3 000 nouvelles chèvres entreront en production prochainement dans la province. « Pour les trois prochaines années, les acheteurs prendront tout le lait disponible, mais moi, j’ai peur que le prix plante à la 4e année si on ne fait rien pour encadrer tout ça », a-t-elle dit. 

Depuis trois ans, les éleveurs font parvenir à leur association les volumes qu’ils envisagent de livrer durant la prochaine année. Les PLCQ répartissent ensuite les volumes anticipés entre les acheteurs. Pour légaliser cette pratique aux yeux de la Régie des marchés agricoles et agroalimentaires du Québec, les PLCQ devront la soumettre sous forme de règlement de contingent. Le règlement ne sera pas un système de gestion de l’offre, c’est-à-dire qu’il ne limitera pas la production, mais permettra d’arrimer les besoins entre l’offre et la demande.