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Les derniers acériculteurs qui étaient en activité ont maintenant terminé eux aussi leur saison et le constat apparaît maintenant généralisé pour la majorité des régions du Québec : la récolte 2023 de sirop d’érable est mince, très mince. Certains s’en tirent mieux que d’autres, mais plusieurs ont connu leur pire ou l’une de leurs pires saisons à vie. Voici le bilan des cinq acériculteurs suivis par La Terre.
David Bourdeau, Montérégie
Nombre d’entailles : 12 000
Fin de l’entaillage : 27 février
Première évaporation : 18 février
Objectif de rendement : 6,5 lb/entaille
Rendement final : 6,1 lb/entaille
« Il en manquait un peu pour que j’atteigne mon objectif. Ce qui a manqué, c’est juste une grosse coulée de fou. Au début, on a peut-être manqué des petites coulées quand on entaillait, mais ça n’aurait pas fait une grosse différence », explique David Bourdeau, qui se dit satisfait de sa saison. Au moment de l’entrevue, le 3 mai, il se remettait de son accident à la tête survenu après un épisode de grands vents en avril et recommençait graduellement à travailler à l’extérieur. Le producteur arrachait la tubulure qui est à remplacer et réalisait de l’aménagement forestier. « Il ne fait pas encore chaud. C’est le temps de bûcher. On a un secteur sur ma terre où le soleil n’est pas capable d’entrer à cause de la pruche. Je dégage les érables pour qu’ils m’en donnent plus et pour que la tubulure se réchauffe plus vite, mais je fais attention de ne pas trop couper d’espèces compagnes. Je l’ai vu sur la terre de mon père; les places où il y avait des espèces compagnes, la livrée des forêts [un insecte] a mangé leurs feuilles au lieu de celle des érables », précise-t-il.
Alexandre Bourdeau, Outaouais
Nombre d’entailles : 23 000
Fin de l’entaillage : 5 mars
Première évaporation : 15 mars
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Rendement final : 2 lb/entaille
« J’ai fini le 15 avril. Le taux de sucre avait droppé à 0,8 degré Brix. Ça coulait encore à plein, mais l’eau était blanche comme du lait. Ça ne passait plus dans l’osmose. Je partais le concentrateur et deux heures après, c’était jammé », relate l’acériculteur Alexandre Bourdeau. Au moment de l’entrevue, il y avait encore des secteurs avec de la neige dans son érablière. « C’est plate. On aurait pu continuer jusqu’au mois de mai, mais je suis mort dans la vague de chaleur. Le 27 °C nous a fait mal », explique-t-il. La saison 2023, avec son 2 lb/entaille, est sa pire à vie. « Pour tout le monde autour de moi, c’est pareil. Ç’a été très méchant. J’avais déjà entendu parler des gars plus âgés dire que dans le temps, ils avaient déjà eu de très mauvaises saisons, mais je me disais qu’avec la modernisation des équipements et toutes les améliorations dans les érablières depuis 10 ans, ça n’allait plus arriver, des petites saisons. Mais là, on vient de l’avoir! Une chance que j’ai de l’assurance. »
Francis Roy, Chaudière-Appalaches
Nombre d’entailles : 70 000
Fin de l’entaillage : 1er mars
Première évaporation : 15 mars
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Rendement final : 2,5 lb/entaille
« C’est ma plus petite saison à vie! On a fini à 2,5 lb dans le coin du 16 avril. Finir, c’est un grand mot. Ça coulait encore, mais ça ne bouillait pas bien. Le sirop était de mauvaise qualité et très difficile à presser », raconte Francis Roy, qui exploite près de 70 000 entailles. Pourtant, la météo était favorable avant que tout s’arrête. « On s’encourageait en se disant que rendu dans les bonnes dates, ça se mettrait à couler. Rendu dans les bonnes dates, on a eu des gelées et un peu de neige. Ça partait à couler. On se disait que c’était parti et après une heure ou deux, plus rien », résume-t-il, spécifiant que la chaleur, avec près de 17 degrés Celsius, a eu raison de sa saison. « C’est comme ça partout aux alentours. Les gens ont fini entre 2 et 2,5 lb/entaille. » La faible récolte, à près de 50 % de sa moyenne, est adoucie par le fait qu’il est assuré pour une valeur équivalente à 85 % de sa moyenne. Des projets pour l’été? « On a 5 000 chutes à changer, et de 3 000 à 4 000 entailles à installer s’il y a de nouvelles émissions de contingent », répond-il.
Les frères Laprise, Centre-du-Québec
Nombre d’entailles : 29 000
Fin de l’entaillage : 24 février
Première évaporation : 14 mars
Objectif de rendement : 3,5 lb/entaille
Rendement final : 2,8 lb/entaille
« En dernier, on faisait deux à trois barils par jour. C’était dur à passer dans la presse. Ça gonflait dans l’évaporateur. On ne s’en allait pas vers le mieux! Rendu à 80 % de ma moyenne, je me suis dit : “On ferme ça”. J’aurais peut-être pu sortir une quarantaine de barils de plus, mais pas dans le plaisir. À un moment donné, il y a des signes de la vie qu’il faut que tu arrêtes », dépeint Carl Laprise. Il précise qu’un volume important de barils de sirop envoyé ces dernières années à sa fédération n’avait pas encore été payé. Il lui paraissait ainsi plus judicieux de vider une partie de sa banque que de s’obstiner à produire du sirop affichant un défaut de saveur qu’il aurait vendu à 1,80 $/lb. C’est donc une saison ordinaire pour les frères Laprise, qui obtiennent une production finale de 180 barils, leur deuxième moins bonne saison après les 142 barils produits en 2021. L’heure est maintenant à la culture des légumes pour Carl et sa conjointe, qui sont presque autosuffisants en nourriture. Les deux frères retourneront à l’érablière seulement en septembre. « On attend de s’ennuyer et qu’il y ait moins de mouches! On va avoir de la job en masse, du débroussaillage, etc. », partage Carl.
Pascale Malenfant, Bas-Saint-Laurent
Nombre d’entailles : 3 000
Fin de l’entaillage : 1er mars
Première évaporation : 16 mars
Objectif de rendement : 4 lb/entaille
Rendement final : 2,8 lb/entaille
« Satisfaite de mon rendement? Non, j’ai fini à 2,8 lb. Mais au niveau technique, je suis fière de moi. Je n’ai pas perdu d’eau, pas fait d’erreur. Quand on va avoir une bonne année, je vais être outillée et en mesure de sortir de bons rendements », dit-elle. « La satisfaction d’avoir bien réussi mon printemps est plus importante que le nombre de barils. J’ai performé toute seule dans l’érablière, avec trois enfants en bas âge, dont une malade, sans échouer dans mon rôle de maman. C’est sur ça que je veux focusser, sur le positif », souligne-t-elle. Le travail n’est pas terminé, car l’acéricultrice doublera son exploitation cet été avec l’ajout de 3 000 entailles. Cela impliquera de grossir le réseau électrique, le système de collecte d’eau et son concentrateur membranaire. « J’ai quand même de gros investissements à faire. Et j’ai eu une bonne nouvelle : je viens d’avoir ma certification bio! Le certificateur m’a fait plein de beaux commentaires. Pour moi, le bio, c’est important. Il y a une prime et de la demande des consommateurs pour ça. »