Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
C’est comme ça depuis des années : matin et soir, René Blouin, copropriétaire de la Ferme Maridel de Saint-Léandre, au sud de Matane, va faire le train. Comme plusieurs autres producteurs agricoles, il se déplace avec son téléphone portable à la main. C’est un outil de travail. Mais pour lui, c’est un peu plus que cela. C’est aussi un moyen d’immortaliser la beauté du monde qui l’entoure.
« Une photo dit beaucoup de choses », lance René Blouin tout en montrant celle d’une brume qui recouvre la rivière Petchedetz avec des éoliennes en arrière-plan.
« Ça, c’est juste là, en avant de chez nous. Je me suis levé un matin, puis y avait ça, là », dit-il, enthousiaste.
« Celle-là, c’est un lever de lune entre les deux arbres, devant la maison qui donne sur l’érablière. Avec l’éclairage de la sentinelle de la cour, en avant. »
René Blouin parle de ses photos comme il parle de la vie en général : avec générosité. Les mots se bousculent et se succèdent à une vitesse folle, comme s’il craignait que le temps lui manque pour tout raconter. Le producteur laitier capte ce qui accroche son regard et meuble son quotidien. « Sur celle-là, mon gars m’a dit que ça ferait une belle publicité de F-150, mais moi, ce n’est pas ça que je voulais voir. C’est le reste que je voulais voir », précise le photographe au regard curieux.
Ma mère, cette artiste
Pas besoin de chercher loin l’origine du côté artistique de René Blouin. « Ma mère est l’artiste de la famille », souligne l’homme de 57 ans. Sa mère, c’est Mariette Simard, 82 ans. C’est elle, par son intérêt pour l’art en général, qui a initié ses enfants. « J’ai toujours été impressionné par les dessins de chevaux qu’elle faisait, ses peintures…
Elle a été cheffe de la chorale du village, en plus de faire du théâtre dans la paroisse. C’est un personnage, ma mère. On est fiers d’elle », ajoute l’agriculteur-photographe.
Partager la Gaspésie
Prendre son monde en photo s’avère presque une mission pour René Blouin. « C’est une façon de promouvoir mon coin de pays, la Gaspésie », insiste-t-il. Pour lui, comme pour beaucoup de ses compatriotes, Saint-Léandre, Matane et tout ce qui va jusqu’à Sainte-Flavie resteront toujours en Gaspésie, malgré le redécoupage des régions imposé par Québec à la fin des années 1980. Pendant qu’il raconte son pays, le producteur tombe sur un superbe coucher de soleil. « Ça, ça fesse, s’exclame-t-il. Du noir, puis du blanc et paf! Un mur orange. C’est la Gaspésie, ça, c’est chez nous. Ça n’arrive pas partout. »
Toutes ces photos du quotidien sont une façon pour l’agriculteur de raconter la vie à la ferme. C’est aussi un moyen de rapprocher un peu les expatriés de leur coin de pays. « Tout le monde qui vient d’icitte, de la Gaspésie, ça leur fait un grand plaisir de revoir leur pays », ajoute René Blouin, dont l’amour des paysages connaît une nouvelle concurrence depuis quelques années : ses petits-enfants. « Je suis grand-père trois fois. Ça commence à changer mon ordre de photos », reconnaît l’agriculteur-photographe, dans un éclat de rire.
Les photos défilent sous le pouce de l’artiste. Elles s’imposent, comme cet épi d’orge.
« J’ai gagné le concours des Agri-conseils avec celle-là », en désignant l’image d’une vache qui a le regard tourné vers un coucher de soleil d’une beauté inouïe. « La vache, ce n’est pas moi qui l’ai mise là, c’est elle qui s’est rendue. Mais, il faut que tu la voies lorsqu’elle se trouve là. Y a 100 vaches dans l’étable. Il fallait que ça se passe là. Deux secondes après, elle n’est plus là », explique le photographe, encore étonné d’avoir pu saisir cet instant pour le partager sur sa page Facebook.