Copropriétaire de la Ferme Beau-Porc spécialisée dans l’élevage porcin et la culture de maïs et soya, Billy Beaudry est toujours à l’affût d’une façon d’optimiser son entreprise. À priori, c’est ce qui l’a motivé à participer au projet Agriclimat.

« Nous sentions que nous étions affectés par les changements climatiques. Des coups de chaleur, des coups d’eau, de l’humidité à n’en plus finir… On vit plus d’extrêmes qu’avant : on voulait voir à quoi l’avenir pourrait ressembler et se préparer », relate l’agriculteur de Saint-Valérien-de-Milton. Au surplus, la possibilité d’estimer les GES de l’entreprise et de se situer par rapport à d’éventuelles possibilités de séquestration de carbone offrait une perspective intéressante. Mais le bilan GES de Billy Beaudry lui réservait quelques surprises… « On croyait qu’avec nos pratiques de conservation et l’utilisation d’engrais verts, on arriverait à séquestrer du carbone. »

« Pour établir le bilan carbone de M. Beaudry, on a regardé les émissions qui proviennent des sols, de la fabrication des engrais, des aliments des porcs, de la gestion des fumiers et des animaux. On a ensuite combiné ces données avec la dynamique de la matière organique de ces sols, sur la base de son historique d’analyse de sols », explique Geneviève Deniger, agronome chez Agri Conseils Maska, qui a aidé l’agriculteur dans la
réalisation de son bilan. « Plusieurs gaz à effet de serre sont estimés dans le bilan carbone, qui sont ensuite exprimés en équivalent CO₂ », précise l’agronome, qui souligne que 43 % des émissions de la Ferme Beau-Porc sont sous forme de CO₂, 37 % de protoxyde d’azote et 20 % de méthane. 

De bons filons à exploiter

Malgré ce constat déconcertant, certaines pratiques profitent à l’entreprise. « On a beaucoup amélioré l’isolation des bâtiments, ce qui nous permet d’économiser du propane. Depuis plusieurs années, on fait des tests de cultures et on travaille en semis direct. On a aussi constaté que le fait d’établir notre blé d’automne tôt fait une grosse différence », souligne le producteur, qui s’interroge aussi sur la possibilité de réduire ses émissions provenant de l’épandage des lisiers. Pour M. Beaudry, les recherches sur la matière organique et les racines vivantes s’avèrent cependant l’un des points forts du programme. « J’ai beaucoup appris sur le volet de la matière organique. C’est une facette qu’on veut exploiter davantage pour obtenir des sols plus résilients », ajoute l’agriculteur.

Enjeux contradictoires?

Florence Pomerleau-Lacasse, agronome et biologiste chez Agri Conseils Maska, explique les subtilités qui confondent plus d’un producteur. « Les aspects agronomiques et environnementaux ne vont pas toujours dans le même sens. Trouver des pistes d’action pour réduire les GES au sein de l’entreprise peut parfois sembler contre-intuitif, parce qu’un bon geste agronomique ou environnemental n’est pas forcément favorable pour les GES, et il faut parfois choisir la meilleure de deux situations »,
nuance-t-elle. « Du point de vue d’un exploitant agricole, le bilan GES est un nouvel aspect environnemental, mais il y a également plusieurs autres aspects, tant économiques qu’environnementaux, à considérer. Mettre en place des bonnes pratiques pour l’ensemble de ces enjeux demeure notre priorité pour l’entreprise », résume l’agronome. Dans le cas de M. Beaudry, diminuer l’apport d’engrais azotés sur ses cultures annuelles serait l’une des pistes envisagées.

S’il n’existe pas de remède instantané à la perte de carbone des sols, l’impact positif du semis direct et des cultures de couverture, des pratiques déjà instaurées par la Ferme Beau-Porc, reste probant. Cette année, d’autres parcelles-tests ont été mises en place par M. Beaudry et un nouveau bilan carbone est prévu en 2023.

Qu’en dit la science ?

En plus de protéger les sols à l’automne et au printemps, les cultures de couverture peuvent permettre de réduire les apports d’engrais azotés au printemps suivant leur implantation. Certaines études démontrent également qu’elles contribuent à l’augmentation de la matière organique du sol. Elles sont donc un levier incontournable pour améliorer le bilan carbone des productions végétales.

Ce texte a été publié dans le cadre d’un cahier spécial présenté par Agriclimat, paru dans La Terre de chez nous, le 26 avril 2023.