Porcs 21 avril 2023

Une crise qui continue de plomber le revenu des éleveurs

« Ce sera un dur coup financier pour les éleveurs et les éleveuses par rapport à la formule de prix d’avant », a reconnu d’emblée le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, le 18 avril, lors d’une conférence de presse annonçant les grandes lignes de la nouvelle convention de mise en marché des porcs. Cette importante concession accordée sur le prix s’avérait nécessaire, selon les deux parties, pour aider les transformateurs à réduire leurs pertes et à se relever de la crise que traverse le secteur du porc frais. L’entente met la table pour « une nouvelle approche filière » qui mise sur des relations « plus transparentes » et un « partage équitable des profits », entre autres. L’avenir passera toutefois par une importante décroissance de la production afin de permettre au principal transformateur de viande de porc de la province, Olymel, d’amoindrir ses pertes financières dans ce secteur d’activités. « L’idée est de stabiliser notre production à 80 000 porcs par semaine, ce qui est plus près des besoins de nos marchés. Il n’y a pas d’autres réductions à venir », a précisé Yanick Gervais, président-directeur général d’Olymel. Au plus fort de sa production, l’entreprise pouvait abattre environ 140 000 porcs par semaine.

Est-ce qu’on réalise vraiment tous les impacts que peut avoir la fermeture d’une ferme ou d’un abattoir en région? Je crois que l’État se doit d’intervenir en urgence et rapidement.

Martin Caron
David Duval

De son côté, Stéphanie Poitras, directrice générale d’Aliments Asta, a indiqué que la pénurie de main-d’œuvre qui a ralenti les activités de leur usine de transformation de porcs dans le Bas-Saint-Laurent est sur la voie de s’améliorer avec l’arrivée de plusieurs nouveaux travailleurs étrangers temporaires. La production pourrait donc reprendre progressivement son rythme.

Cette crise des transformateurs, rappelons-le, a commencé avec la pandémie de COVID-19, suivie par d’autres problèmes, dont une grève, des porcs en attente, une pénurie de main-d’œuvre, la hausse des coûts de production et la perturbation des marchés d’exportation, principalement celui très lucratif de la Chine. Ce contexte a mené Olymel à réduire sa production d’environ 38 % en trois ans dans ses installations du Québec, passant de
6,8 M de porcs abattus en 2020 (incluant les porcs en provenance de l’Ontario) à 5,3 M au début 2023, jusqu’à environ 4,2 M visés dans les prochains mois. L’entreprise a également annoncé la fermeture de l’une de ses quatre usines de transformation de porcs, soit celle de Vallée-Jonction, créant une onde de choc dans la région de Chaudière-Appalaches.

Une aide « rapide » réclamée

La dernière coupure annoncée, de plus d’un million de porcs, affecte brutalement les éleveurs de porcs de la province, qui doivent soumettre leur entreprise à une cure de minceur forcée. Un processus complexe se mettra progressivement en place dans la prochaine année, avec des outils comme la vente de porcelets et le programme de retrait volontaire de la production. Dans ce contexte difficile de décroissance, Jean Larose, qui a été directeur général des Éleveurs de porcs du Québec pendant plus de 10 ans, aurait aimé voir un soutien « plus sensible » du gouvernement et des grandes organisations comme l’UPA et Olymel envers les éleveurs de porcs. « Je suis déçu que ça passe par une baisse de production comme ça, avec des producteurs qui devront quitter en catastrophe. On a une responsabilité collective vis-à-vis ça, car il faut se rappeler d’où l’on vient. Les meilleurs coups, on les a faits en filière. Olymel, par exemple, n’aurait pas pu développer ses marchés sans les ententes d’approvisionnent qu’il avait avec les éleveurs québécois », souligne-t-il.   

Yanick Gervais

Le président de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA), Martin Caron, dit de son côté poursuivre ses représentations auprès du gouvernement fédéral pour la mise en place rapide d’un compte d’urgence, « un peu comme ce qui a été fait pendant la pandémie de COVID-19 », précise-t-il. Il aimerait également voir une intervention du ministère de l’Économie du Québec pour soutenir les transformateurs comme Olymel, « qui passent encore par le programme destiné aux éleveurs de porcs [en l’occurrence l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA)] pour traverser cette crise », regrette-t-il.


La nouvelle convention en 4 points saillants

1- Des porcs vendus moins chers
Le nouveau prix payé au producteur sera 85 % de la valeur reconstituée de la carcasse américaine.
Ce pourcentage sera en augmentation jusqu’à la fin de la convention, le 23 avril 2025, où il atteindra 88 %. Il s’agit d’un important recul par rapport à la précédente formule, qui fixait un prix dans une fenêtre de 90 à 100 % de la valeur de la carcasse reconstituée américaine. 
2- Partage des profits
La nouvelle entente prévoit « un partage des profits » des acheteurs vers les producteurs. Un « principe novateur », a qualifié Yanick Gervais,
président-directeur général d’Olymel, qui « devrait limiter les déséquilibres qui sont survenus dans le passé et éviter de faire porter le
fardeau sur les épaules de l’un ou l’autre des joueurs de la filière ».
3- Fin de l’abattage des porcs de l’Ontario
Olymel s’est engagé à cesser d’abattre la majorité des porcs en provenance de l’Ontario. Ceci diminuera légèrement l’incidence des réductions d’abattage prévues au Québec.
4- Plus de temps pour s’ajuster
Olymel maintiendra pendant environ un an l’abattage de 624 000 porcs sur le total de 1,1 M de bêtes qu’il prévoyait désassigner en juin prochain pour permettre une transition plus harmonieuse dans les fermes du Québec. Ce maintien d’une partie de la production par le transformateur coûtera toutefois 20 $ par porc pour les éleveurs.

La décision de fermer l’usine d’abattage, de découpe et de désossage de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction, dans Chaudière-Appalaches, a été « nécessaire pour stopper les pertes du secteur du porc frais, qui se chiffrent à plus de 400 M$ depuis deux ans », justifie l’entreprise. Photo : Myriam Laplante/Archives TCN