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SAINT-HYACINTHE – Le sourire de Daniel Lafortune ne ment pas : l’homme de 70 ans se dit emballé par sa toute première saison des sucres, avec cette particularité qu’il a récolté l’eau d’érable avec 700 chaudières. Il mise sur une impressionnante cabane à sucre qu’il vient tout juste de construire. « Sais-tu quoi? Ça fait 30 ans que je pense à ça, que je vois grandir les érables sur ma terre. Avec mon ami Sylvain Perreault, il nous a passé une bulle. On s’est dit ‘‘On construit une cabane’’ », relate M. Lafortune.
La Terre est passée le voir dans ses nouvelles installations en bordure de la ville de Saint-Hyacinthe. Après avoir inséré quelques gros quartiers de bois sec dans son évaporateur neuf, où le feu crépitait, l’acériculteur a partagé avec fierté quelques lampées de son sirop. « Au début, je ne savais pas si je réussirais à faire du bon sirop, mais finalement, il est excellent, ça n’a pas de bon sens! » exprime l’homme qui assure avoir désormais « la piqûre des sucres ».
Les chaudières
Contrairement à la plupart des gens qui démarrent une érablière, le principal intéressé n’a pas opté pour des équipements lui facilitant la vie, mais pour une production à l’ancienne, sur feu de bois, sans tubulures ni concentrateur. « Les techniques ancestrales de production du sirop, ça m’intéresse, ça m’interpelle », partage-t-il. Il a acheté des centaines de chaudières et les a installées après avoir suivi une formation sur les bonnes pratiques d’entaillage qui minimisent les dommages à l’arbre. « Cette année, nous avons entaillé tous les arbres en perçant vers l’ouest, l’an prochain ce sera vers l’est, et ainsi de suite. On y va de façon systématique et non aléatoire, pour ne pas avoir d’entailles trop proches des anciennes, car cela diminuerait le rendement. Ce sera aussi plus facile pour la prochaine génération qui reprendra l’érablière. »
Ramasser l’eau que donnent les arbres à la main, sans la pomper, comporte une forme de pureté, mais représente aussi beaucoup d’efforts. « Ça nous prend quatre heures à trois personnes. Au début, avec la neige et les raquettes, c’était même cinq heures! Je vais te dire une affaire : ça demandait du jus! » atteste-t-il.
Objectif 1 000
Daniel Lafortune et son acolyte Sylvain Perreault ont encore du pain sur la planche. Ils comptent accroître le nombre de chaudières à 1000. « Il faut aussi continuer le ménage du bois. Quand tu ramasses les chaudières et que tu dois enjamber des billots et les branches, c’est là que tu comprends que ce sera important de nettoyer le bois encore mieux! » dit-il.
Pour le reste, il s’estime pleinement satisfait de sa cabane, qui mesure 21 mètres de long (69 pieds). « Je suis content. J’avais visité plusieurs cabanes avant de construire, et je trouvais que les cabanes à sucre sont souvent trop petites et trop sombres. On a mis beaucoup de grandes fenêtres et plus d’espace pour travailler près de l’évaporateur. Je ne le regrette pas! On a aussi mis des trappes au plafond, comme à l’époque. La vapeur que ça fait quand on bouille, hum, ça crée une ambiance vraiment agréable », décrit-il. Évidemment, le moment fort a été de produire ses premiers litres de sirop avec son évaporateur au bois à haute efficacité. « Notre toute première batch, le sirop goûtait bizarre, on s’est rendu compte que c’était un goût qui venait des filtres. On a réglé le problème, et dès la fois suivante, le sirop était très bon, sans amertume, d’une belle couleur ambrée, très limpide. Je suis très fier du résultat! Surtout qu’il y a un mois, je n’avais jamais fait de sirop de ma vie! » décrit celui qui veut faire découvrir le plaisir de produire du sirop d’érable au plus de gens possible.
Le sirop à la chaudière en route vers une appellation
Une appellation protégée par le gouvernement québécois visant à faire reconnaître les méthodes du sirop produit à l’ancienne, voilà le projet de la Commanderie de l’érable et de l’un de ses membres, Stéphane Guay. « C’est une certification pour un sirop artisanal, où l’eau est récoltée à la chaudière, sans concentration, et bouillie sur feu de bois. C’est pour qu’on se rappelle ce que c’est supposé goûter, du sirop à l’ancienne », décrit-il. Le biologiste de formation ajoute qu’il y a une différence entre l’eau recueillie à la chaudière et celle recueillie par tubulure. « C’est sûr qu’il y a des sèves que tu n’as pas à la chaudière, car aux tubes, tu forces un peu plus les choses et tu vas chercher des sèves qui vont parfois goûter plus le bois, etc. À la chaudière, tu as moins de rendement, mais de la sève qui a un goût de bourgeon, tu n’en auras pas. »
Sans concentrateur, le temps de bouillage est plus long pour produire du sirop, ce qui demeure la clé, selon lui, pour développer au maximum les flaveurs d’érable. Récolter l’eau à la chaudière est cependant plus contraignant, et bouillir de l’eau non concentrée est plus énergivore et coûteux, d’où aussi l’intérêt de créer une appellation qui permettrait aux acériculteurs à l’ancienne de vendre leur sirop plus cher. Un premier cahier des charges a été déposé. Les détails devraient être ficelés en 2024.