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Les producteurs de foin de commerce se tirent plutôt bien d’affaire, indique un rapport du Centre d’étude sur les coûts de production en agriculture (CECPA). L’enquête à participation volontaire, menée auprès d’un échantillon de 21 producteurs spécialisés dans le foin de commerce répartis sur l’ensemble du territoire, montre que ces entreprises génèrent un revenu moyen de 500 000 $ par année, dont la moitié provient de la vente de foin.
La production de foin de commerce paie plutôt bien au Québec, bien que des écarts de rentabilité importants s’observent d’une entreprise à l’autre, montre l’enquête du CECPA publiée en 2022. « La majorité [des fermes affichent] une marge bénéficiaire après rémunération positive », indique le rapport. La ferme type génère une marge bénéficiaire avant impôt de 355 $ par hectare cultivé, et de 171 $ par hectare fauché [2,08 coupes], pour une production de 877 tonnes de foin à 85 % de matière sèche.
Regard sur le produit et les charges
Le foin de première qualité constitue, de loin, le produit le plus payant pour les producteurs de la ferme type. Ce foin leur permet d’engranger 1 669 $ à l’hectare, contre 151 $ pour celui de seconde qualité (qui inclut le foin d’ensilage). En termes de revenus totaux, la ferme type tire 230 602 $ de revenus de son foin de première qualité. La seconde qualité génère pour sa part une moyenne de 21 000 $.
Sans trop de surprise, les fertilisants représentent la plus importante dépense pour les producteurs. « Les entreprises visent des rendements élevés; les charges de fertilisation sont donc assez importantes », précise l’étude. Ainsi, 190 $ à l’hectare sont consacrés aux fertilisants, comparativement à 27 $ pour les semences et à 60 $ pour le séchage [ce coût concerne les entreprises qui sèchent leur foin de manière importante, précise l’étude. La moyenne globale pour ce poste de dépense, toutes entreprises confondues, est de 32 $ par hectare].
Parmi les autres dépenses qui occupent une place significative dans les coûts de production, l’entretien de la machinerie, sa dépréciation et le carburant se démarquent. Ces charges représentent 171 $, 171 $ et 90 $ à l’hectare respectivement. « L’enrobage des grosses balles et de l’ensilage en cas de seconde qualité est une catégorie de charge à ne pas sous-estimer », soulignent par ailleurs les analystes du CECPA.
Rendement et heures travaillées
Les spécialistes du foin sec obtiennent un rendement moyen de 6,3 tonnes à l’hectare, pour une année dite normale, montre le rapport, pour un ratio de fauche de 2,08. L’entreprise type consacre une moyenne de 13,1 heures à l’hectare pour la culture du foin. L’enquête révèle cependant que les entreprises de plus grande taille semblent plus efficaces. Le nombre moyen d’heures consacrées à la production de foin varie entre 8 et 15 à l’hectare pour les entreprises de plus de 100 hectares de superficie. Cette fourchette va de 5 à 20 heures pour les entreprises dont la superficie cultivée est inférieure à 100 hectares.
L’immense majorité du foin est récolté sous forme de petites balles carrées. Il s’agit du format privilégié pour la vente aux États-Unis et pour alimenter l’industrie locale des chevaux dont le cheptel avoisine 130 000 têtes au Québec, indique Germain Lefebvre, agronome à la retraite et membre du Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF).
Une production fortement concentrée
La plupart des producteurs de foin sec du Québec se concentrent dans les régions de l’Estrie, de Lanaudière et de la Montérégie. À elle seule, l’Estrie compte un peu plus de 30 % des producteurs, contre environ 15 % pour les deux autres régions. Parmi les régions périphériques, le Bas-Saint-Laurent se démarque, avec un peu moins de 10 % des producteurs de foin de la province.
La disparité s’observe également sur le prix obtenu pour le foin sec. La différence est « notable entre le prix en zone centrale et en zone périphérique », précise l’étude. Le CECPA explique cette différence par les coûts de transport qui affectent les prix.
Une industrie en santé
La filière du foin de commerce possède un bel avenir, estime Germain Lefebvre, du CQPF. « C’est un marché qui génère 150 M$ de chiffre d’affaires par année en ce moment, qui est profitable, bien installé et bien organisé », soutient l’agronome à la retraite. Selon lui, le foin québécois pourrait bientôt occuper une plus grande place sur le marché mondial.
Le nord-est des États-Unis et la Floride constituent les principales destinations du foin de commerce d’ici, pour le moment. Cela pourrait changer, croit l’agronome retraité. « Le Moyen-Orient, par exemple, commence à se rendre compte que du foin de qualité, riche en graminées, bien séché et de bonne couleur est produit dans l’est du pays », dit-il.
La visite en Ontario et au Québec d’une délégation des Émirats arabes unis, l’an dernier, témoigne de ce nouvel intérêt pour le foin d’ici, croit Germain Lefebvre. Norfoin fait partie des entreprises qui ont accueilli les Émiratis, mais avec qui aucune entente n’a encore été conclue.
Norfoin, de Saint-Césaire en Montérégie, fait partie des producteurs présents aux États-Unis et outre-mer (dans les Caraïbes et au Moyen-Orient), où l’entreprise réalise 45 % et 15 % de ses ventes, respectivement. Le marché outre-mer se développe, reconnaît David Normandin, mais à petits pas. La clé d’une présence accrue sur les marchés étrangers demeure le séchage, soutient-il. « Quand les clients savent qu’il y a des séchoirs, que l’humidité est contrôlée, ça les rassure beaucoup », explique le producteur qui voit l’industrie s’ajuster petit à petit. « Deux producteurs de plus avec qui on fait affaire vont disposer de séchoirs cette année. Pour nous, chaque séchoir qui s’ajoute représente une petite victoire », conclut David Normandin.
Note méthodologique
Le Centre d’étude sur les coûts de production en agriculture ne retient aux fins de son enquête que les entreprises qui consacrent l’essentiel de leurs efforts à la production de foin sec, sur une superficie d’au moins 30 hectares. La ferme doit aussi afficher des revenus tirés de la vente de foin d’au moins 50 000 $ par année. Les producteurs retenus doivent par ailleurs occuper ce secteur d’activité depuis au moins deux ans. Des 4 522 exploitations agricoles québécoises qui déclarent produire et vendre du foin, 125 répondent à ces critères. Vingt et une d’entre elles ont participé à l’étude.