Volailles 11 avril 2023

Les Américains en pénurie d’œufs

L’épidémie actuelle de grippe aviaire fait mal à l’industrie américaine. La pénurie d’œufs de consommation ne profitera cependant pas aux producteurs québécois, croit Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (FPOQ).

Frappés de plein fouet, les producteurs américains ont dû se résoudre à abattre près de 45 millions de poulets et de poules pondeuses, l’an dernier, dans l’espoir de juguler l’épidémie. Cette baisse de 13 % de capacité de production a entraîné dans son sillage une hausse de prix qualifiée d’« eggflation ». 


L’actuelle pénurie d’œufs de consommation aux États-Unis n’est pas une occasion d’exportation pour les producteurs d’œufs du Québec, affirme le président de la Fédération, Paulin Bouchard.

En un an, le prix moyen des œufs a triplé aux États-Unis pour atteindre 4,25 $ US (5,85 $ CA) la douzaine. À Hawaii, les consommateurs ont dû débourser jusqu’à 10 $ US (13,75 $ CA) pour une douzaine d’œufs en décembre. 

Cette flambée des prix est attribuée à la grippe aviaire, mais également à une augmentation de 17 % de la demande entre 2012 et 2021. L’augmentation des coûts de production (carburant, grains, emballage) contribue aussi à rendre les œufs plus chers et plus rares. 

Les contrebandiers n’ont pas mis de temps à vouloir profiter de ce phénomène de rareté. Selon le département de l’Agriculture américain, les saisies d’œufs et de volailles ont augmenté de 108 % entre le 1er octobre et le 31 décembre 2022 à la frontière américano-mexicaine.

Exportation québécoise

Les producteurs québécois pourraient-ils profiter de la situation pour exporter une partie de leur production? Non, répond le président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec.

« Notre système de gestion de l’offre est conçu pour ajuster la production en fonction de la demande intérieure. On ne peut pas développer de l’exportation sur une courte période comme ça », rappelle M. Bouchard, en soulignant le caractère éphémère de la crise actuelle. « Le processus de désinfection est en cours et la remise en place de la production américaine se fera rapidement. »

La particularité du modèle américain rend le marché des États-Unis difficile à percer sur une longue période, ajoute le président de la FPOQ. « Des producteurs aux États-Unis ont, chacun, plus de poules pondeuses que tous les producteurs canadiens réunis. Leurs excédents équivalent à eux seuls la production d’une province entière. »

Pas de surplus

La production canadienne n’est d’ailleurs pas à l’abri de la grippe aviaire, ce qui pose un autre obstacle à une stratégie d’exportation, souligne Paulin Bouchard. « Environ un million de poules pondeuses ont été euthanasiées au pays en 2022, surtout en Colombie-Britannique. Le Québec a été relativement épargné [60 000 poules abattues] jusqu’à maintenant, mais nous ne pouvons pas dire que nous nous en tirerons sains et saufs en 2023. »

« Actuellement, nous récupérons la production perdue au Canada. Nous avons remplacé les oiseaux pour rééquilibrer l’offre. Nous ne souffrons pas d’une pénurie, mais nous n’avons pas d’excédent non plus », ajoute-t-il. 

Jusqu’à présent, le Canada fait bonne figure face à son voisin du Sud avec une perte de production limitée à 5 % causée par la grippe aviaire. Sans aucune prétention scientifique, M. Bouchard avance que la grosseur modérée des troupeaux joue à l’avantage des producteurs canadiens. 

« La maladie touche plus d’oiseaux à la fois quand elle entre chez un grand producteur aux États-Unis. Chez nous, la gestion de l’offre a permis de conserver beaucoup de petites fermes réparties sur un très grand territoire. Répartir le risque face à ces maladies est un autre avantage de notre système », conclut-il.