Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
La pression augmente sur les agriculteurs pour qu’ils réduisent leur utilisation d’herbicides. Le Québec en fait un objectif central de son plan d’agriculture durable, qui vise la mise en place de meilleures pratiques agroenvironnementales d’ici 2030. De l’aide financière existe pour inciter les producteurs à accélérer le pas. Certains s’y sont mis, et il semble que le jeu en vaille la chandelle, tant sur le plan financier que pour les rendements en champ.
« C’est sûr que c’est juste une année, mais ça regarde bien », signale d’entrée de jeu Christian Brault, copropriétaire avec son frère Sylvain de la Ferme Brault et Frères, de Saint-Louis-de-Gonzague en Montérégie. Le producteur laitier et de grandes cultures devait composer avec des mauvaises herbes résistantes au groupe 2 depuis quelques années. « Ça rendait le désherbage de plus en plus compliqué », explique le producteur, dont la ferme compte 230 vaches en lactation. « Souvent, il fallait repasser pour les échapper, ce qui fait que le champ n’était pas nécessairement aussi net qu’on l’espérait », raconte-t-il. L’idée de trouver une autre façon de désherber s’est imposée petit à petit en raison de la résistance des mauvaises herbes au glyphosate, mais aussi de l’augmentation significative du prix des herbicides.
La méthode
La Ferme Brault et Frères utilise la méthode de désherbage en bandes. « C’est LA technique pour réduire l’utilisation d’herbicides de façon significative », soutient David Girardville, agronome au Club agroenvironnemental du Suroît et conseiller régional en phytoprotection. « On arrose maintenant le tiers du champ seulement », indique Christian Brault. « En semant le soya, on met un herbicide résiduel de cinq pouces de chaque côté des semis, puis l’entre-rang de 20 pouces, on le désherbe de manière mécanique », précise-t-il.
Mine de rien, la combinaison herbicides-désherbage mécanique semble donner de bons résultats. « J’ai réduit ma quantité d’herbicides des deux tiers dans le soya en utilisant cette méthode-là », affirme le producteur, qui procède à peu près de la même façon pour le maïs. « Dans ce cas, j’ai dû utiliser une autre technique parce que mon sarcleur est équipé de buses pour arroser sur le rang », explique Christian Brault. « Dans le maïs, j’ai arrosé en post-levée à environ quatre feuilles du maïs. Je n’ai rien mis au semis. J’ai arrosé sur le rang, et j’ai désherbé le reste avec le sarcleur », raconte le producteur. Là encore, la technique montrerait une belle efficacité. « Je me disais que je devrais arroser une deuxième fois sur le rang, mais au deuxième passage, à environ huit, neuf feuilles du maïs, j’ai seulement eu à sarcler l’entre-rang parce que le rang était propre », explique-t-il.
Des économies substantielles
Dès la première année de pratique, le désherbage en bandes s’est révélé particulièrement avantageux pour la ferme de Saint-Louis-de-Gonzague. « Dans le soya, j’ai coupé des deux tiers l’utilisation d’herbicides résiduels », affirme Christian Brault, dont la performance dans le maïs s’est pour sa part soldée par la baisse de 80 % d’utilisation d’agents chimiques. « J’ai pris 80 litres, plutôt que les 480 habituels, dit-il. Pour 480 acres de maïs et de soya [194 hectares], j’ai économisé environ 14 000 $ d’herbicides. »
L’aide financière de Québec pour l’adoption de meilleures pratiques agroenvironnementales représente aussi un incitatif intéressant, estime l’entrepreneur. « Avec l’arrosage en bandes et le désherbage mécanique, c’est 122 $ l’hectare que tu peux aller chercher avec le Plan d’agriculture durable », illustre Christian Brault.
Le MAPAQ dispose également de budgets pour soutenir les agriculteurs dans l’acquisition de machinerie. Les frères Brault, par exemple, se sont acheté un pulvérisateur mieux adapté à leurs nouvelles pratiques de désherbage, et le MAPAQ y a participé.
Plusieurs méthodes de désherbage
Il existe de nombreuses méthodes pour désherber autrement, rappelle David Girardville. Quelques-unes seulement sont cependant reconnues aux fins de rétribution à l’intérieur du Plan d’agriculture durable. Ce sont essentiellement d’elles dont parle l’agronome à ses clients et aux producteurs qui assistent à ses conférences. « Le traitement localisé, l’arrosage en bandes, les cultures intercalaires et l’intervention mécanique et manuelle présentent l’avantage d’être simples à utiliser en plus d’être facilement mesurables en termes de résultats », dit-il.
Chacune de ces techniques présente ses avantages. Le traitement localisé, par exemple, est utile lorsqu’une infestation en est à ses débuts, souvent à l’entrée des champs, d’où part la contamination. « Pour un agriculteur qui a l’œil ouvert, il suffit de se mettre un pulvérisateur sur le dos et d’intervenir avant que le problème ne s’étende au reste du champ », illustre David Girardville.
Pour une lutte intégrée
Avec la prolifération des mauvaises herbes résistantes au glyphosate, la lutte pour leur éradication doit se faire de manière intégrée pour être vraiment efficace, soutient David Girardville. L’idée, c’est d’user des quatre méthodes présentées précédemment au bon moment et selon les circonstances. « Il faut varier nos traitements, dit le spécialiste. On ne va pas juste utiliser les pesticides. On va essayer d’intégrer le travail mécanique, les cultures intercalaires, pour essayer de mêler les mauvaises herbes », explique l’agronome tout en rappelant le rôle central que joue une bonne rotation des cultures. « Il ne faut pas se leurrer. C’est souvent chez les producteurs qui ne font pas de rotation qu’on voit les mauvaises herbes résistantes apparaître », souligne l’expert de la phytoprotection. « Comme on utilise toujours les mêmes pesticides dans une monoculture, les mauvaises herbes finissent par s’adapter et résister au traitement », souligne-t-il.
Si l’amarante tuberculée se trouve un peu partout au Québec, l’agronome signale que les monocultures, comme celles qu’on trouve au Nord de Montréal, constituent d’importants incubateurs pour la mauvaise herbe. Les producteurs de cultures uniques sont de mauvais élèves, reconnait l’agronome, mais il faut s’en occuper. On doit les amener vers de meilleures pratiques pour éviter que de pareils problèmes ne se multiplient. « La difficulté qu’on a avec l’amarante tuberculée, c’est qu’elle résiste à beaucoup, beaucoup d’herbicides », insiste David Girardville. « Notre crainte, c’est que ses gênes se transportent chez d’autres espèces, de manière naturelle. Si la chose arrive, ça ira mal dans les champs et les producteurs devront agir. » Ils n’auront pas le choix de faire quelque chose, soutient l’expert. « Je ne connais aucun dirigeant d’entreprise qui a envie de se faire dire que ça va mal aller dans son domaine dans dix ans. »