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Jasmin Lacasse vient à peine d’avoir 20 ans, mais déjà le nombre de ses réalisations à la ferme familiale est impressionnant. Depuis son plus jeune âge, il a passé tout son temps libre à bricoler dans le garage, entretenant la machinerie agricole de la ferme, mais réalisant aussi des projets personnels pour son plaisir. Aujourd’hui, après avoir complété un diplôme d’études professionnelles en mécanique, Jasmin suit une formation en dessin industriel et compte entreprendre des études collégiales en génie mécanique. Il nous présente les équipements agricoles qu’il a modifiés dans sa jeune carrière, mais aussi son propre parc de patentes.
La ferme GPL se spécialise dans la production laitière. On y compte un troupeau d’une centaine de têtes, dont l’alimentation est assurée grâce à la culture de terres couvrant 160 hectares. Un peu de grain est commercialisé, ou acheté, selon les rendements. Le père de notre patenteux, Pierre Lacasse, est le troisième représentant de cette famille à exploiter une ferme dans la région. Ce dernier se débrouille d’ailleurs très bien avec un coffre à outils, mais sa spécialité, nous indique son fils, est davantage le travail du bois.
Il n’y a pas à redire, pour la mécanique, c’est à Jasmin qu’il faut s’adresser. « Au début, il bricolait des jouets et des projets scolaires dans le sous-sol, se remémore sa mère, Sylvie Langlois. Mais au fil du temps, ses projets ont pris de l’ampleur et il a déménagé ses activités dans le garage, où il passe encore beaucoup de son temps. » Jasmin a toujours apprécié l’ouverture d’esprit de ses parents qui, loin de le décourager, lui ont donné accès aux outils et souvent, proposé de réaliser des projets liés aux opérations de la ferme.
12 ans, le génie mécanique en tête!
Jasmin n’avait pas besoin d’encouragement pour devenir le patenteux que nous rencontrons aujourd’hui. Fasciné par la mécanique et possédant un esprit d’analyse nettement avancé pour son âge, il se souvient de ce qui pourrait être sa première patente : une laveuse à trayeuse basée sur l’assemblage d’un moteur de séchoir à cheveux avec des bouteilles de boisson gazeuse. « Je ne me souviens plus très bien du fonctionnement », nous avoue notre patenteux, qui n’était à l’époque âgé que d’une douzaine d’années.
Il nous montre aussi un véhicule jouet électrique télécommandé qu’il avait réalisé dans le cadre d’un cours de deuxième secondaire et qu’il a conservé. La voiture, construite sur une base de bois, se déplaçait grâce à un moteur représenté par un démarreur de scooter. L’énergie pour l’activer provenait d’une batterie de tracteur à gazon, que le jeune homme portait sur le dos, supportée par le cadre d’un ancien réservoir à peinture! La direction de la machine était assurée par un relais activé par un commutateur, situé dans une boîte de contrôle qui indiquait aussi à l’opérateur la charge restante.
Cent fois sur le métier…
Après avoir appris les rudiments de la soudure auprès de son père, Jasmin a entrepris des projets de plus grande envergure. Malheureusement, sa première création n’a tout simplement pas fonctionné. « Je voulais me construire un VTT. Pour ça, j’ai acheté un moteur de moto de 100 forces de 600 cc et une base de VTT usagée sans moteur. Je n’avais pas de plan détaillé, mais une bonne idée en tête de la façon de le faire. J’y ai mis un hiver de travail et toutes mes économies y sont passées. Mais finalement, mon idée n’était pas la bonne, la machine n’a jamais fonctionné. »
Loin de se décourager devant ce premier revers, Jasmin a tiré de ce projet une solide expérience. « Des fois, on veut faire trop compliqué pour rien. J’aime les défis techniques, mais il ne faut pas exagérer, » résume-t-il. Cela étant dit, il a récupéré plusieurs composantes de ce premier prototype pour se lancer dans une nouvelle aventure mécanique. Alors qu’il étudiait pour obtenir son Diplôme d’études professionnelles en mécanique, il réalisait, en somme, les travaux pratiques dans son garage.
En recommençant à zéro, il a construit son VTT à deux roues motrices qui, cette fois, fonctionnait bien. Au début, il envisageait d’en faire une version à quatre roues motrices, ce qui aurait été tout un défi technique, mais faute de financement, il a opté pour une version plus simple. Le véhicule fonctionnait bien, mais le moteur n’avait pas la puissance suffisante pour atteindre le niveau de performance souhaité par son créateur.
Du VTT à la motoneige
Une troisième version du VTT a donc vu le jour. Cette fois, un prêt paternel lui a permis de mettre un moteur de 1200 cc au cœur du projet. Mais ses dimensions ont imposé plusieurs modifications, notamment au niveau du châssis. Étrangement, alors que cette nouvelle version fonctionnait parfaitement bien, le fabricant s’en est lassé, portant ensuite ses énergies vers la construction d’une motoneige.
L’assemblage du prototype, dont le moteur capricieux refusait de démarrer au froid ou, au contraire, surchauffait rapidement, reposait sur deux chenilles parallèles. Malgré son acharnement et son recours à des plans préliminaires, notre patenteux a dû admettre qu’il se trouvait devant un échec. « Elle roulait, mais très lentement. En plus, elle s’embourbait tout le temps à cause de son poids », explique notre patenteux en précisant avoir appris beaucoup de ce projet, d’un point de vue technique.
L’hiver suivant, il s’est donc attaqué à une nouvelle version de sa motoneige. Cette fois, il la doterait du moteur d’une voiture Tercel de 20 ans, achetée 300 $. Pour créer cette machine, il a aussi acheté trois motoneiges hors d’usage pour en extraire leurs chenilles et leurs supports. « Mis à part ces pièces, j’ai tout fabriqué moi-même. Je vais vous dire, c’est plus compliqué avec des chenilles qu’avec des roues. Les chenilles cherchent toujours à débarquer des roues de support. » Dans son cas, une partie de la solution a été de réunir les trois chenilles sur un châssis rigide.
Deux sièges de la voiture ont été récupérés, tout comme le tableau de bord. Un arceau de sécurité bien rigide a été installé, puisque la machine, qu’il serait bien difficile de faire verser à cause de son centre de gravité très bas, n’en demeure pas moins très lourde.
Après quelques ajustements, le bolide a fait preuve de beaucoup de caractère. Dans les meilleures conditions, il peut atteindre 70 kilomètres à l’heure. Il fait un boucan d’enfer, mais passe partout, même en pleine tempête de neige. Notons que la machine fonctionne avec une transmission manuelle, et que pour l’opérateur, les conditions permettent rarement le passage de la quatrième vitesse.
Des équipements pour le travail à la ferme
Toutes ces créations, qui ont fourni à notre jeune patenteux autant d’occasions d’apprendre énormément tout en s’amusant, se sont faites parallèlement à la réalisation de travaux plus utiles à la ferme. « À travers mes projets, je trouvais le temps pour réparer la machinerie de la ferme et j’ai même commencé assez tôt à fabriquer certains équipements agricoles », souligne Jasmin.
Le premier équipement de cette nature qu’il nous montre est une remorque de VTT qu’il a modifiée. Il y a bâti un deuxième châssis permettant de la rendre basculante. Un treuil manuel permet de la vider. Idéalement, il aurait aimé y mettre un piston hydraulique, mais n’avait pas le budget pour le faire. La porte arrière est munie d’un loquet d’ouverture simple mais efficace.
Puisque ce véhicule est utilisé dans l’étable, le jeune bricoleur lui a ajouté une lame à l’avant, relevable avec le treuil électrique du VTT. La lame est fabriquée à partir d’une section de réservoir d’eau chaude reposant sur un attelage en fer solide.
Jasmin a aussi modifié le semoir. Un châssis a été construit sous l’appareil afin de soutenir deux marches, permettant de remplir les trémies plus facilement. De plus, ce châssis supporte une attache permettant de tirer des rouleaux.
Dans un même ordre d’idées, une barre de tire a été ajoutée à la fourragère. Le système d’attache rapide très solide permet d’y arrimer une voiture. « Il fallait que ce soit très solide, explique le fabricant, puisque la voiture, une fois chargée, devient très lourde. »
Parlant d’équipement lourd, Jasmin nous montre ensuite, près de la fosse à fumier, une grue artisanale de sa conception. Cet appareil sert à soulever le tuyau qui relie la pompe à la citerne de l’épandeur afin de bien le positionner. Ce système a l’avantage de faciliter « une grosse job qu’on faisait à bout de bras », comme l’explique notre guide.
Intelligence, simplicité, efficacité
Un peu plus loin, on trouve un autre équipement intelligemment transformé par notre patenteux. Il s’agit d’une voiture à balles de foin tout ce qu’il y a de plus normal, modifiée pour accepter les grandes balles carrées. Pour faciliter le chargement et le déchargement de la voiture, des portes latérales ont été aménagées. Jasmin s’est monté une équipe familiale pour lui donner un coup de main. « Il fallait scier tous les montants d’un côté pour les détacher de la base. J’ai travaillé attentivement sur les pivots, ces points qui permettent d’ouvrir les portes. J’ai même fait des dessins plus précis avant d’en faire l’assemblage. » Il précise que malgré un système de fermeture très solide, il s’est assuré que les portes ouvraient du côté inverse à la circulation automobile, afin de réduire les risques d’accident. La voiture peut donc être chargée de grosses balles carrées, ou bien remplie de foin en vrac.
Quelquefois, les améliorations sur les équipements agricoles sont beaucoup plus simples, mais pas pour autant moins bien pensées. C’est le cas d’un déflecteur que Jasmin a installé sur le souffleur du silo. Au moment de transférer l’ensilage au souffleur, il arrivait que le vent, s’engouffrant dans l’espace situé entre les deux équipements, souffle une partie des végétaux au loin. Pour couper les effets d’Éole, le patenteux a donc installé un déflecteur à glissière sur la base du souffleur.
La plus imposante machine agricole fabriquée de toutes pièces par Jasmin est son sarcleur à maïs sept rangs. Fabriqué à partir d’un châssis super résistant en tubulure de cinq pouces sur cinq pouces, l’appareil est utilisé en postlevée pour éliminer mécaniquement les mauvaises herbes et renchausser les plants.
Pour parfaire la machine, Jasmin l’a dotée cette année d’un semoir à raygrass, qui sert d’engrais vers. Une boîte à engrais a donc été installée sur la structure et des tubes placent la semence derrière les dents qui travaillent le sol entre les rangs. Une roue au sol entraîne par une chaîne l’engrenage qui fait tourner la vis à l’intérieur de la trémie. La semence tombe alors par gravité, par le truchement des tuyaux, dans le sol travaillé. « Il a fallu faire tout un calcul pour que la vitesse de rotation de cette roue arrive à une bonne répartition de la semence », explique notre patenteux.
Un projet secret
S’il a fait ses preuves dans la modification et la fabrication d’équipements agricoles, notre patenteux demeure un jeune qui vient à peine d’avoir 20 ans et qui aime bien s’amuser. En guise de conclusion à notre visite à la ferme de Saint-Henri de Lévis, il nous montre l’étrange mobylette qu’il a construite à partir d’un simple vélo auquel il a ajouté un moteur dont les origines lui échappent. Il s’en sert pour se déplacer autour de la ferme.
Il ne fait aucun doute que Jasmin Lacasse n’en est pas à sa dernière invention. Un projet aussi ambitieux que secret occupe présentement ses temps libres. « Je suis en train de mettre au point un prototype d’automobile entièrement électrique, annonce-t-il en s’asseyant sur le capot d’une vieille Honda noire. Ça demande tout un système, mais je préfère ne pas en parler pour l’instant. » Nous allons donc le laisser travailler à son projet et garder un œil sur les nouveautés chez les concessionnaires!
Sécurité d’abord
Pour notre jeune patenteux, la sécurité s’avère primordiale. Partout où ses machines comportent des pièces mobiles qui pourraient être accessibles, il met des gardes pour éviter les accidents. « Dans le garage, je réfléchis toujours avant de commencer à travailler, affirme-t-il. Je n’arrive pas à comprendre, par exemple, comment quelqu’un peut utiliser une meule à métal sans porter des lunettes protectrices. Il ne faut pas attendre un accident pour réagir. »