Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Ils auraient pu s’acheter un Winnebago et prendre la route de la liberté. Ils ont préféré plutôt la stabilité de la terre. Devant leur maison presque centenaire, ils ont fait installer une « traverse de légumes », un clin d’œil au conteur Fred Pellerin et sa mythique « traverse de lutins » de Saint-Élie-de-Caxton. C’est dans une Mauricie agricole, fertile aux idées nouvelles, que Paule et Denis ont trouvé leur chemin. Parcours de deux urbains dans l’âme qui ne regrettent pas d’avoir quitté leur « Plateau » même s’ils ont eu à s’adapter à ce nouveau mode de vie.
C’était il y a six ans. À l’époque, Paule Genest et Denis Landry n’avaient qu’une idée en tête : s’éloigner de la ville, de ses bouchons de circulation, du bruit des camions et des sirènes des ambulances. « On voulait fuir le gros trouble! », lancent-ils avec un large sourire. Des amis leur avaient parlé d’une propriété avec un bâtiment de ferme, beaucoup de potentiel et plein d’espace pour cultiver le bonheur. Mais il fallait d’abord redonner vie à cette maison laissée à l’abandon par ses anciens occupants pour atteindre ce bonheur.
Le revêtement d’origine, chaulé en blanc, était devenu tristement terne. Il a fallu appliquer de généreuses couches de peinture pour lui redonner de la couleur et de l’éclat, avec des teintes prononcées de jaune et de rouge qui n’ont pas manqué de piquer la curiosité des voisins et des touristes du dimanche, sur la route menant au village voisin de Saint-Élie-de-Caxton.
La maison allait devenir le point d’ancrage d’un ambitieux projet. « On voulait ouvrir une ferme galerie où nous pourrions cultiver les fruits et légumes biologiques et faire la promotion de l’art et de la création artistique en milieu rural », racontent Paule et Denis. C’est ainsi qu’est née « Lacertaine », du nom de famille du premier propriétaire des lieux, en 1914. Tout juste à côté de la maison, le bâtiment de ferme a été retapé tout en conservant son authenticité. Paule y a installé sa galerie d’art et son atelier, pour laisser libre cours à son imagination créatrice et donner des cours à des étudiants de la région. En face de la maison, Denis allait faire pousser de l’ail, des carottes, des tomates et des petits fruits sans produits chimiques. En même temps, les poules se sont mises à pondre des œufs!
« On voulait ouvrir une ferme galerie où nous pourrions cultiver les fruits et légumes biologiques et faire la promotion de l’art et de la création artistique en milieu rural »
Paule et Denis l’admettent : leur projet semblait insensé, à l’origine. Il faut avoir la foi pour se lancer dans la culture biologique. Ouvrir une galerie d’art dans une région agricole pouvait tout aussi bien s’avérer une expérience casse-gueule. Les deux passionnés esquissent un sourire qui en dit long sur leurs convictions. « Nous savions exactement ce que nous voulions faire, mais nous étions loin de nous douter de la façon dont les choses allaient évoluer au fil des années. Nous nous doutions bien qu’il y aurait de la résistance. Nous devions nous faire accepter dans cette petite communauté tissée serrée, où tout le monde connaît son voisin. On ne débarque pas dans un village avec ses gros sabots! », analysent-ils après coup.
Ni l’un ni l’autre n’était né de la dernière pluie. Avant d’aller vivre à Saint-Paulin, Paule Genest s’est démarquée en tant qu’artiste peintre, sculpteure et scénographe. On lui doit, entre autres réalisations, la statue grandeur nature faite de ciment et d’acier représentant le célèbre numéro 9 du Canadien de Montréal, Maurice « Rocket » Richard. Installée dans l’ancien Forum de Montréal, la statue montre le hockeyeur assis sur un banc, impatient de sauter sur la patinoire. De son côté, Denis Landry est un débrouillard autodidacte qui aime le contact humain. Il a toujours su composer avec les situations les plus compliquées, et les plus complexes, au hasard des expériences qui ont marqué sa vie.
L’autodidacte reconnaît cependant qu’il s’y connaissait très peu en agriculture lorsqu’il a amorcé sa nouvelle carrière. « J’ai alors dû consulter un petit guide du parfait producteur bio! », dit-il avec humour. Au début, il s’est demandé s’il allait y arriver. « Le travail était éreintant. Je travaillais plus de 60 heures par semaine. Je n’avais pas l’habitude. J’apprenais mon métier sur le tas, sans trop de formation », se souvient celui qui se qualifie sur le site Internet de la ferme galerie (www.lacertaine.com) de « nomade de son passé ».
Solidarité et conscience sociale
Nous sommes à la mi-septembre 2011. En ce lundi matin, le soleil diffuse ses chauds rayons dans les champs fleuris en face de la maison du couple. Le temps des récoltes tire à sa fin. « Nous avons trimé dur pour nous implanter. Il y a des jours où on a envie de céder au découragement, mais nous savons que ce n’est qu’une question de temps, un an, deux peut-être, avant d’atteindre nos objectifs », nous confient Paule et Denis, qui accueillent la pause automnale avec un certain soulagement.
Le couple est satisfait du travail réalisé depuis les tout débuts. Mais il sait fort bien qu’il lui reste encore des étapes à franchir avant de pouvoir dire mission accomplie. « On a tout mis dans ce projet. On a rassemblé tous nos biens, investi toutes nos économies. Il est vrai qu’on a été courageux, mais si on y réfléchit bien, nous avons surtout été inconscients. Nous n’avons pas eu peur de plonger tête première! », laisse tomber Paule, celle « qui s’occupe des finances et de l’administration », ajoute son conjoint, le regard complice.
Visiblement, les deux urbains de la nature s’accrochent à leur rêve. Ils y tiennent et ils sont prêts à faire encore d’autres « petits sacrifices » pour concrétiser leur projet fou. « Nous voyons de plus en plus de passionnés comme nous qui viennent acheter des fruits et des légumes bio ou suivre des cours de peinture. Il y a encore du travail de sensibilisation à faire, c’est une question de solidarité et de conscience sociale. Le vent commence néanmoins à tourner dans la bonne direction », constatent Paule et Denis. À preuve, parmi ces clients qui apprécient leur ferveur et leur souci pour l’alimentation santé, sans produits chimiques, se trouve l’auberge Le Baluchon, réputée pour la qualité de sa table.