Le travail intergénérationnel est fréquent dans le milieu agricole. Certains y trouvent un grand bonheur, alors que pour d’autres, la cohabitation professionnelle est signe d’une grande souffrance. En cette Journée internationale des femmes, je vous présente l’histoire de pères agriculteurs très déçus de n’avoir eu que des filles. Eh oui, il en reste! Leur relève féminine, « par défaut », a beau travailler autant, sinon plus fort, qu’un homme, ce n’est jamais assez. Ces pères, jamais satisfaits, n’adressent pas le moindre petit remerciement, jusqu’au jour où leur « relève » en a marre et quitte l’entreprise.  Je me suis donc prêtée à l’exercice de l’écriture d’une lettre qu’un père pourrait écrire à sa fille. J’ai imaginé que ce père avait beaucoup cheminé et avait réalisé tout ce qu’il avait fait subir à sa propre fille. Qui sait, peut-être que cela pourrait en faire réfléchir d’autres et aider à renouer des relations père-fille? 

« À tous les jours, je te voyais travailler à mes côtés. C’est vrai que je n’étais pas fort sur les remerciements et les félicitations; je cherchais plutôt la petite affaire que t’aurais faite de travers. Quand je te voyais réparer quelque chose, comme je ne l’aurais pas bizounée de la même manière, je te disais que ça allait vite briser. Je ne voulais surtout pas que ta réussite te monte à la tête (bien oui, c’est comme ça que j’ai été élevé). À tous les jours, je voyais ta passion pour l’agriculture, mais j’avais bien de la misère à supporter que t’aies pas toujours les mêmes idées que moi. Je t’en ai dit, des ‘‘dans mon temps…’’. Je ne voulais pas faire l’effort de comprendre les nouvelles techniques qu’on apprend maintenant à l’école. Je me disais : pourquoi changer une méthode gagnante? C’est sûr que de temps en temps, je me disais que j’étais trop rough avec toi, mais je tassais vite ça en me disant qu’il fallait bien que tu t’endurcisses. 

Dans le fin fond, je te voyais bien essayer de faire de ton mieux, de prendre de l’expérience, mais c’était plus fort que moi, il fallait que je pète ta balloune.

Dans le fin fond, je te voyais bien essayer de faire de ton mieux, de prendre de l’expérience, mais c’était plus fort que moi, il fallait que je pète ta balloune. La vie, ça pouvait pas être facile. À tous les jours, je frappais avec des mots. Maudit orgueil, quand j’y avais pas pensé par moi-même, je critiquais tes idées jusqu’à ce que le voisin me confirme que c’était une bonne idée. J’étais bien loin d’encourager tes initiatives et tes projets; je le sais que je te coupais ça court. Bien oui, je voulais garder le contrôle pour être certain de pas perdre ma place. Pas question de te parler de mes insécurités, de ma peur que t’aies moins besoin de moi. Pas question de te dire que l’âge commençait à me peser, que je me sentais des fois dépassé par tous les changements en agriculture. Pas question de parler de ça avec toi… 

Comme je n’arrivais pas à gérer la boule que j’avais dans le cœur, je me défoulais sur toi. À la place, je me disais : le jour où elle aura besoin de moi, parce que j’me suis blessé ou parce que je vais être malade, elle va me le devoir. Mais, un jour, tu es partie parce que t’en as eu assez. Sur le coup, trop orgueilleux, je me suis dit que je le savais depuis le début, que t’étais pas faite pour ce mode de vie-là. Mais, comme on dit, il faut souvent perdre quelque chose pour réaliser le gros trou que ça fait dans notre vie. 

Mon précieux punching bag, j’ai pris ma retraite du ring. J’ai demandé de l’aide. Je sais que j’ai ben des choses à me faire pardonner. La première, c’est de ne pas avoir vu et de ne pas t’avoir dit que j’avais une championne dans mon équipe. »

Pour les filles qui lisent cet article en cette Journée de la femme, soyez fières de votre force de caractère, de votre personnalité unique, de votre créativité et de votre leadership. Vous êtes des modèles inspirants!


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