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Il existe une catégorie de producteurs qui, manifestement, ne craint pas de sortir des sentiers battus. Parlez-en à Luc Gagnon, de Rigaud, qui possède l’une des rares fermes cultivant le kiwi au Québec. Cette aventure des plus enrichissantes est toutefois parsemée de surprises.
Détrompez-vous, il n’est pas question ici de la variété Hayward à la peau brune et velue cultivée notamment en Nouvelle-Zélande et qu’on retrouve en épicerie, mais de l’Actinida arguta, une espèce rustique qui donne des fruits à la peau verte et lisse de la taille d’un gros bonbon. Son goût rappelle celui de l’ananas ou du raisin de table. « C’est une explosion de saveurs dans la bouche, résume M. Gagnon. Une fois qu’un client l’a goûté, la vente est assurée. »
Fils d’éleveurs de dindons en Mauricie et concepteur Web – il est le créateur du site Agrirencontres –, Luc Gagnon est revenu à l’agriculture il y a quelques années en reprenant la production de courgettes d’une parente. « Après une excellente première année, on a connu une très mauvaise saison, car les fermes ont été nombreuses à se lancer là-dedans, ce qui a fait chuter les prix. »
Le producteur s’est donc mis à la recherche d’une culture unique qui lui permettrait de se démarquer. En 2008, il est tombé sur un article de La Presse parlant du minikiwi et de son potentiel ornemental dans notre climat nordique. « Ç’a attiré mon attention et j’ai commencé mes recherches. »
Une plante luxuriante, mais capricieuse
Après quelques essais, Luc Gagnon a implanté sur une terre à Rigaud quelque 500 plants de différentes variétés d’Actinida arguta et d’Actinida kolomikta. « J’ai misé davantage sur A. arguta, car ses fruits sont plus gros et la maturité est plus uniforme qu’avec A. kolomikta. Avec cette dernière, la récolte s’étire de juillet à octobre. »
Le minikiwi est cultivé sur des vignes qui ont une croissance assez rapide. Pour faciliter la cueillette, elles sont dressées sur des poteaux de 6 pieds, avec un espacement de 15 pieds entre les plants et les rangs. Plusieurs tailles sont nécessaires durant l’année, indique le producteur.
La première fructification de l’A. arguta survient après cinq ans (deux ou trois ans avec l’A. kolomikta). La récolte se fait à la main avant la maturité, de la mi-septembre à la mi-octobre. Le degré de maturité est mesuré avec un réfractomètre. « Une fois, j’ai voulu les laisser mûrir sur la branche pour que le fruit goûte meilleur, mais quand tu tirais dessus, le pédoncule restait sur l’arbre et faisait un trou dans le fruit, donc il n’était pas vraiment commercialisable », relève M. Gagnon.
Pour l’instant, le producteur récolte de 4 à 5 kilos par arbre qu’il vend directement à la ferme ou au marché Maisonneuve sous la marque Kiwi Passion. En France ou aux États-Unis, un arbre à maturité peut donner de 30 à 40 kilos. Certes, Luc Gagnon espère voir la productivité de son verger augmenter, mais réalise qu’entretenir seul 400 arbres représente un travail considérable. « La nature fait bien les choses, parce que si mes plants avaient livré tout leur potentiel, j’aurais dû consacrer environ 1 600 heures de cueillette en trois semaines! Au début, c’est comme un bébé, ça ne requiert pas trop de soin, mais quand il devient ado, c’est plus demandant », dit-il avec un sourire en coin.
Attention à la sécheresse et au froid
Si, à ce jour, Luc Gagnon n’a pas observé de maladies ou de ravageurs du kiwi, il constate qu’il s’agit d’une espèce très sensible à la sécheresse. Il a dû bricoler un système d’irrigation avec un tuyau de goutteurs utilisé en pépinière qu’il a installé au pied des plants. « Ce n’est peut-être pas le système idéal », dit-il en prenant à témoin quelques plants qui ont desséché durant l’été.
Le kiwi craint également le froid. « En termes de zone de rusticité, on est un peu limite pour le produire. Nous sommes situés sur un versant de la montagne et la parcelle est exposée aux vents. L’hiver, j’installe une toile brise-vent avec des poteaux de 10 pieds. Ça vient couper environ 70 %, juge-t-il. Si c’était à refaire, j’aurais implanté mon verger plus près d’un obstacle naturel pour l’abriter des vents. »
De surprenants intercalaires
Question de rentabiliser son espace, Luc Gagnon a planté de l’ail dans les larges entre-rangs du verger pendant quelques années, alors que les plants de kiwis étaient encore petits. « Le projet a connu un beau succès et les chevreuils se sont tenus plus à l’écart », observe-t-il.
Plusieurs sources sur Internet mentionnent l’ail comme un répulsif naturel pour les cerfs, qui sont très friands des jeunes pousses au printemps.
Encore beaucoup de travail à accomplir
Luc Gagnon est conscient qu’il doit encore peaufiner sa régie et déterminer les pratiques qui seront efficaces pour sa culture de minikiwis. Des efforts de recherche sont menés aux États-Unis, mais les connaissances ne sont pas toujours adaptées à la réalité québécoise et demeurent en constante évolution. « J’ai confiance qu’on va finir par trouver la bonne recette pour cultiver le minikiwi au Québec. Un peu comme les premiers vignerons qui ont commencé il y a 30 ans, on disait qu’ils étaient complètement fous, mais finalement, ils ont eu raison de poursuivre leur rêve. »