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La certification carboneutre a réellement pris son envol en acériculture avec un demi-million d’entailles et 22 érablières certifiées aujourd’hui, alors que la certification a été mise en place par Ecocert en 2021 seulement.
Pas d’évaporateur au mazout
Cette certification nommée Sirop d’érable biologique carboneutre hausse les standards de respect de l’environnement en exigeant que les acériculteurs soient déjà certifiés sous la norme biologique, qu’ils n’utilisent pas un évaporateur alimenté aux énergies fossiles, qu’ils aient un plan de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et qu’ils compensent leurs émissions restantes. Hélène Jolette et son conjoint, Harley Johnson, ont fait certifier leur érablière l’an dernier. « On se dit qu’il faut contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Je pense aussi qu’être certifié carboneutre, même s’il n’y a pas d’impact direct sur nos ventes, c’est un plus pour nos clients », exprime la copropriétaire de l’Érablière JO2 Jolette & Johnson, située à Saint-Pierre-Baptiste, dans le Centre-du-Québec.
Et la paperasse?
Une certification additionnelle signifie de consacrer du temps additionnel à la compilation et à la transmission des données de vérification. Après un an de certification, Mme Jolette affirme que son conjoint et elle ont effectivement eu à « apprivoiser les formulaires », mais que pour la deuxième année, la tâche est beaucoup moins ardue.
Selon les calculs d’Ecocert, leur érablière de 3 000 entailles produit trois tonnes de gaz à effet de serre. L’eau d’érable arrive directement à la cabane, ils n’ont pas de transport d’eau par camion et leur évaporateur est déjà au bois. Pour améliorer leur bilan, ils planifient de diminuer l’utilisation des véhicules à moteur, comme la motoneige, et éventuellement d’acquérir un évaporateur au bois plus efficace. Pour compenser leurs trois tonnes d’émissions, ils achètent pour 300 $ de crédits carbone, une somme qu’ils ont choisi de consacrer à la plantation d’arbres dans les pays du Sud, eux qui ont travaillé une partie de leur vie à l’international, Mme Jolette ayant été à l’emploi d’UPA Développement international. À cela s’ajoute le coût de leur certification carboneutre, d’un peu plus d’une centaine de dollars annuellement.
Acheter des crédits compensatoires n’est pas l’objectif final, précise Fabien Jouve, chef de service aux relations clients chez Ecocert. « L’objectif, c’est de mesurer l’ensemble des émissions et, ensuite, de les réduire. Quand on ne réduit pas jusqu’à zéro, c’est là qu’on vient compenser. Mais on ne peut pas dire : ‘‘Je continue d’émettre et je paie pour compenser’’. Ça ne fonctionne pas comme ça. »
L’acériculteur François Rhéaume, de Stukely, en Estrie, a partagé à La Terre son incompréhension face à la certification, indiquant que, selon les chiffres des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, les arbres d’une érablière captent 11 fois le carbone que génère la production de sirop. Or, la séquestration des arbres existants n’est pas tenue en compte par la certification d’Ecocert et l’acériculteur, pour se certifier, devait acheter des crédits compensatoires, ce qui lui apparaissait absurde. Fabien Jouve répond que la certification, qui se base sur les standards internationaux de carboneutralité, se concentre sur le principe d’additionnalité. « La séquestration du carbone par les arbres [déjà existants] n’est pas considérée comme une nouvelle source de captation », explique-t-il.
La mise en marché du sirop carboneutre viendra plus tard
Le transformateur des produits de l’érable Appalaches Nature, à Thetford Mines, a mis les efforts pour détenir la certification Sirop d’érable biologique carboneutre, mais l’entreprise n’offre pas encore de sirop carboneutre sur le marché, une situation qui pourrait changer, espère le cofondateur Serge Dubois. « C’est encore trop rapide. Si on part quelque chose, il faut s’assurer d’avoir assez de sirop [carboneutre] pour la suite, mais on a un intérêt de pousser. On a des plans, il y a des choses qui s’en viennent. »
Appalaches Nature avait déjà prévu le coup lors de la construction de l’usine, en déboursant près de 2 M$ supplémentaires afin d’opter pour des installations plus vertes. L’entreprise achète aussi des crédits compensatoires pour ses émissions de gaz à effet de serre. « Ce n’est pas seulement une question économique et de mise en marché. On veut se positionner comme une entreprise qui investit dans l’environnement », souligne M. Dubois.
Des propos que cautionne Fabien Jouve, d’Écocert. « Le but [de la certification carboneutre], c’est d’avoir une valorisation du produit. Présentement, les pionniers le font par valeur. C’est souvent comme ça dans les certifications. Pour la mise en marché, il faut le voir comme une longue shot. Il y a des agences qui souhaitent avoir du sirop carboneutre, en Europe du Nord, par exemple. Ça peut faire une différence pour convaincre le client d’acheter. »
Il ajoute que les producteurs doivent aussi le faire pour leur propre industrie. « Les changements climatiques sont en cours et ils ont un impact sur le milieu acéricole. Je pense que les producteurs sont au fait qu’on dépend du climat. [Diminuer ses GES], c’est un peu faire sa part », raisonne-t-il.