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L’eau est vitale pour tous les organismes de notre planète. Les avantages d’utiliser une eau de bonne qualité en production bovine sont multiples. En plus d’assurer la bonne santé des vaches et de leur veau, une meilleure consommation d’eau est positivement corrélée avec le gain de poids (Brew et coll., 2011).
Cependant, l’eau contient fréquemment diverses impuretés et particules en suspension qui peuvent influencer son apparence, son odeur, son goût et ses propriétés physiques et chimiques. Les animaux réagissent souvent à de telles impuretés en diminuant leur consommation d’eau et d’aliments. Cette situation peut avoir un impact sérieux sur la santé et la performance. Les risques de contamination avec les déjections animales sont très élevés, que ce soit par ruissellement, infiltration ou contact direct. La présence d’Escherichia coli dans l’eau d’abreuvement est un bon indicateur de contamination fécale puisqu’il provient essentiellement de la région de l’intestin des animaux et des humains.
Étude sur l’eau d’abreuvement au pâturage au Québec
Des études préliminaires menées par des collègues du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) indiquaient que la qualité de l’eau d’abreuvement des troupeaux vache-veau semblait préoccupante. C’est sur ces données préliminaires qu’il nous a été possible de monter et de réaliser une étude plus approfondie. Les objectifs de l’étude consistaient donc à créer un portrait de la qualité de l’eau d’abreuvement et de leurs sources dans les élevages vache-veau, dans plusieurs régions du Québec.
Ce portrait a été réalisé par l’examen des propriétés physicochimiques et bactériologiques de l’eau dans plusieurs fermes, à chacune des saisons de l’année et en fonction des divers types de bassins d’abreuvement, de leurs matériaux et de leurs conditions environnementales. Trois échantillons étaient collectés pour analyse, soit un dans l’abreuvoir, un dans les systèmes d’acheminement de l’eau et un à la source d’eau (Figure 1). Les régions à l’étude étaient la Capitale-Nationale, la Mauricie, la Chaudière-Appalaches et la Côte-Nord.
Les bonnes et moins bonnes nouvelles issues de l’étude
La présence d’Escherichia coli dans l’eau a été analysée en fonction de divers paramètres environnementaux et de la qualité de l’eau. Des modèles ont été développés afin d’établir des relations entre les variables échantillonnées. Bonne nouvelle pour ce qui est des normes physicochimiques : les normes de pH et de turbidité étaient majoritairement respectées. Le pH n’a jamais dépassé la plage entre 7,0 et 10,5 exigée pour l’eau potable de Santé Canada (Santé Canada, 2015) et 95,2 % des échantillons avaient une turbidité faible.
Cependant, les modèles obtenus démontrent qu’il existe bel et bien un problème de contamination à Escherichia coli dans l’eau d’abreuvement des ruminants, surtout l’été, puisqu’il y a un effet significatif avec la température de l’eau, mais dans une moindre mesure, les trois autres saisons aussi. En revanche, notre étude démontre que la contamination de ces eaux ne provenait pas des sources d’eau lorsque les producteurs utilisaient des sources fiables et réglementées. Les puits artésiens, les puits de surface et l’aqueduc font partie des sources d’eau fiables, puisque celles-ci sont soit testées ou réglementées pour éviter les contaminations (MDDELCC, 2015).
Lorsqu’un producteur utilise l’eau d’un ruisseau, d’une rivière, d’un étang ou d’un puits fabriqué par le producteur, ceux-ci sont pratiquement toujours contaminés à Escherichia coli. Cela peut s’expliquer par les exploitations agricoles à proximité ou la faune qui contaminent les cours d’eau par ruissellement ou par contact direct. Les contaminations ne provenaient pas non plus du système d’acheminement de l’eau. Celui-ci était très fortement corrélé avec les résultats de l’eau de source, donc lorsqu’il n’y avait pas de contamination à la source, il n’y en avait pas dans le système d’approvisionnement en eau. Il n’y avait pas non plus de différence en ce qui a trait à la qualité de l’eau dans les fermes bovines à l’étude entre les régions échantillonnées. La contamination à E. coli était donc, la majeure partie du temps, directement dans les abreuvoirs.
Les abreuvoirs, principale source de contamination. Pourquoi?
Dans l’étude, 72,25 % des abreuvoirs étaient contaminés à Escherichia coli. Il a été établi que certaines conditions environnementales contaminent l’eau, notamment la présence d’algues et l’accumulation de boue près des abreuvoirs, de même que l’utilisation de certains types d’abreuvoirs qui peuvent engendrer une dégradation de la qualité de l’eau. Effectivement, les types d’abreuvoirs isothermes, qui sont recouverts, sont significativement plus propices au développement des coliformes fécaux. Cela s’explique par le fait qu’ils sont à l’abri des rayons UV. Les abreuvoirs à l’abri des rayons UV n’ont pas l’effet du rayonnement solaire qui peut nuire aux bactéries (Whitman et coll., 2008; Joyce et coll., 1996). Les abreuvoirs chauffants étaient aussi significativement plus enclins à être contaminés à Escherichia coli et cette corrélation s’explique par une température plus chaude propice à la multiplication de cette bactérie. Toutefois, des recherches plus poussées devraient être effectuées pour mesurer leurs impacts.
Dans l’étude que nous avons réalisée, il n’était pas possible de mesurer les impacts d’une eau contaminée avec des bactéries E. coli sur les performances et l’état de santé des vaches et de leurs veaux. Mais il a déjà été démontré que de l’eau d’une mauvaise qualité bactériologique a des effets néfastes sur les performances de gains (Brew et coll., 2011) et la santé des veaux particulièrement, puisqu’ils sont plus fragiles et plus susceptibles de développer des problèmes digestifs (Fairbrother et Nadeau, 2006).
Recommandations
Il a été prouvé dans l’étude qu’utiliser un abreuvoir réduit le risque de contamination à E. coli, versus des animaux qui s’abreuvent directement au ras du sol, soit dans de l’eau de ruissellement ou dans des accumulations d’eau au sol formées par exemple après une pluie, ou dans un bassin naturel. De plus, un entretien régulier de l’abreuvoir pour éviter la propagation des algues (Smith et coll., 2000), un aménagement près de l’abreuvoir qui permet d’éviter la boue (Smith et coll., 2001) et un contact direct avec le soleil va nuire au développement des bactéries et donc diminuer le risque de contamination. Finalement, une analyse de la source d’eau utilisée deux fois par année, au printemps et à l’automne (MELCC, 2020), permet de vérifier sa qualité afin de prévenir une contamination supplémentaire éventuelle.
Marianne Chayer, M. Sc. (projet de maîtrise financé par Innov’Action, MAPAQ) / Agrinova
Dany Cinq-Mars, Ph. D., agronome, professeur / Université Laval
Cet article a été publié dans le cahier spécial Bovins du Québec de février 2023